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AN. 123L

liance. Il ne s'apliquoit pas feulement à la morale, mais
encore à la controverfe contre les herétiques; il en
convertit plusieurs à Rimini, & en convainquit plu
fieurs en des difputes publiques à Milan & à Toulouse. ; 707.
Il parloit Italien fort poliment, même quant à la
prononciation tout étranger qu'il étoit ; & quoique
la foule fût extraordinaire à fes fermons, c'étoit une
modestie & une attention finguliere. Son difcours
étoit ardent, touchant, penetrant, efficace: ses au-
diteurs fondoient en larmes, fe frappoient la poitrine,
& fe difoient l'un à l'autre : Helas! je n'avois jamais
cru que telle action fût un peché; ils s'exhortoient à
fe confeffer, à jeûner, à faire des pelerinages; & on
dit que les confrairies de flagellans, depuis fi frequen-
tes en Italie & ailleurs, commencerent par fes fer-
mons. Il enfeigna en plufieurs monafteres de fon or
dre, dans lequel il excita l'émulation de l'étude : car
jufques-là les freres Mineurs étoient méprifez de plu
fieurs comme des ignorans. Antoine eut auffi part au
gouvernement de l'ordre. Il fut miniftre provincial • 718
de la Romagne pendant plufieurs années, & fonda
plufieurs monafteres en diverfes provinces: il fut gar
dien au Pui en Velai & à Limoges.

Mais après avoir été dechargé de tout gouvernement par le chapitre general de 12 30. & par le pape, avec liberté de prêcher où il voudroit.: il vint à Pa- p. 712. 6. gà douë où il passa l'hyver, & y prêcha le carême de l'an 1231. il prêchoit tous les jours & ne laiffoit pas de confeffer: le concours du peuple étoit tel à fes fermons, que les églises étant trop petites, il fut obligé de prêcher en pleine campagne. Toute la ville de Padouë s'y trouvoit chaque jour avec le clergé, les

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AN, 123 1.

religieux & l'évêque même. On y venoit des villes & des villages voifins, marchant la nuit aux flambeaux pour avoir place. Il s'y trouvoit jufqu'à trente mille perfonnes, tous fi attentifs, qu'à peine entendoiton quelque bruit, les marchands tenoient leurs boutiques fermées jufques au retour du fermon. Quand il étoit fini, chacun s'empreffoit par dévotion à toucher le faint homme, ou à couper quelque peu de forr habit: enforte que pour n'être pas écrasé, il étoit environné en allant & en venant par une troupe de jeunes gens vigoureux, Auffi voïoit-on des effets senfibles de fes fermons : la reconciliation des plus mortels ennemis, la délivrance des prifonniers retenus depuis long-tems, la reftitution des ufures, la remife des dettes: la converfion des pechereffes publiques. Toute forte de pecheurs accouroient à la penitence; en forte que les prêtres ne pouvoient suffire à entendre les confeffions. Antoine lui-même quoi qu'attaqué d'infirmitez continuelles, étoit fans ceffe occupé à prêcher, à confeffer, & à donner des confeils à ceux qui lui en demandoient refolus à les fuivre abfolument.

Voïant approcher le tems de la moiffon, il crut devoir ceffer les prédications pendant que le peuple y feroit occupé; & fe trouvant fatigué des frequentes vifites des feculiers il quitta Padouë, & fe retira dans un lieu folitaire du voifinage nommé Campietro, dont le feigneur mommé Tifon fe rendit fon difciple, & embrassa la regle du tiers-ordre de S. François. En cette retraite Antoine fe donna tout entier à la méditation & à la priere ; & fe fentit tout d'un coup attaqué d'une violente maladie, dont il vit bien qu'il

ne releveroient pas. Il fe fit reporter à Padouë, & comme on lui apporta l'extrême-onction il dit : J'ai déja AN. 1 2 3 1. cette oction au-dedans : mais ne laissez pas

de me

Boll.p.732.1.31

la donner, elle m'eft utile. Il chanta avec les freres les pfeaumes de la penitence, que l'on dit en cette ceremonie, & mourut une demie heure après. C'étoit le vendredi treiziéme de Juin 123 1. il étoit âgé de trente-fix ans, & en avoit paffé dix dans l'ordre des freres Mineurs. Sa grande réputation & les miracles qui fe p. 717. faifoient tous les jours à fon tombeau firent preffer fa canonifation; & après les informations juridiques Martyr. R. 130 pape Gregoire fans attendre la fin de l'année, le mit folemnellement au nombre des faints à Spolette le jour de la Pe necôte trentiéme de Mai 1232. & ordonna que fa fête feroit celebrée le jour de fa mort.

le

Nous avons plufieurs écrits de S. Antoine de Pade, entre-autres un grand nombre de fermons : mais je n'y vois rien de cette éloquence, & de cette force que leur attribuë l'auteur de fa vie: ce n'est qu'un tiffu de paffages de l'écriture, pris dans des fens figurez, fouvent fort éloignés du fens litteral ; & qui par confequent ne font point de preuve. On ne voit dans ces fermons, ni raifonnemens fuivis ni mouvemens, la fin n'est pas plus touchante que le commencement. En voici un échantillon: On fit des nôces à Cana de Galilée, fur quoi il y a quatre chofes à voir. Premierement la joie & l'union nuptiale, & la circonftance du lieu : fecondement la prefence de la Vierge : Troifiémement la puissance de J. C. quatrièmement fa magnificence. Quant au premier point, Cana fignifie zele & Galilée paffages : c'est par le zéle & l'amour du paffage que fe font les nôces en

Fun.

Edit.1641.p.114

a

tre le S. Efprit & l'ame penitente. C'est pourquoi il eft AN. 1231. dit de Ruth, qu'elle paffa du païs de Moab à Bethlehem, où Booz l'époufa. Ruth fignifie voïante ou diligente, ou défaillante, & c'eft l'ame penitente, qui voyant fes pechez par la contrition, fe hâte de s'en purifier dans la fontaine de la confeffion, & tombe en défaillance perdant fa propre force dans la fatisfaction. Le reste du sermon eft du même ftile & tous les autres auffi.

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Comme ils font en latin, & qu'il eft certain que le faint prêchoit en langue vulgaire, on peut croire que ce qui nous refte n'en eft que la matiere, & qu'il l'amplifioit entrant dans le détail, felon les lieux & les perfonnes, y joignant des mouvemens pathetiques, fuivant que fon zéle s'échauffoit. On peut auffi fuppofer que l'éloquence du corps, je veux dire la voix & le gefte, aidoit à la perfuafion. Le refte de fes œuvres font des explications mystiques de la plûpart des livres de l'Ecriture ; & une concordance morale, où rapporte à certains titres les paffages qui conviennent à chaque partie des mœurs ; & c'est peut-être le plus utile de tous les écrits.

il

La méme année 1231. deux freres Mineurs Jean prêtre & Pierre laïque fouffrirent le martyre en Efpagne. Dès l'année 1220. étant partis de Sarragoce pour aller a Valence prêcher la foi aux Mores, ils arriverent à la petite ville de Teruel; & s'y trouvant fort aimez, ils bâtirent deux pauvres cellules près l'églife faint Barthelemi, & y demeurerent dix ans. Enfuite ils pafferent à Valence, où ils se cacherent dans l'églife du faint Sepulchre, & firent amitié avec deux feigneurs Caftillans, don Blafco &don Artald

de Alagon qui étoient charmez de leur vertu. Comme ils prêchoient la foi de J. C. ils furent menez de- AN. 1231. vant le roi nommé Zeït-abou-zeït, qui leur demanda pourquoi ils étoient venus. Ils repondirent que ce n'étoit à autre deffein que pour le tirer de l'erreur lui & fon peuple. Le roi leur commanda de renoncer à leur religion pour embraffer la fienne; & comme ils le refuferent conftamment, il leur fit couper la tête dans le jardin même ou il fe promenoit. Avant l'execution ils fe mirent à genoux, & demanderent à Dieu que pour recompenfe du bien que ce prince leur procuroit il fe convertît un jour. Ils furent martyrisez le jour de la Décollation de faint Jean, vingt-neuvième d'Août 1231.

IX. Bulles en fa

Mendians,

C. nimis iniqua.

Le grand progrès que faifoient les deux nouveaux ordres des freres Prêcheurs & des Mineurs excita la veur des freres jaloufie de plufieurs évêques & autres fuperieurs eccléfiaftiques : qui fans avoir égard à leurs regles approuvées par le S. fiege, voulurent fe les affujettir entierement, & profiterent de ce qui leur venoit de la de- 16. De exuffvotion des peuples. Ils vouloient obliger ces religieux prah à fe confesser à eux, leur impofer les penitences, & leur donner l'euchariftie: pretendant qu'ils ne devoient pas garder le faint facrement dans leurs oratoires. Ils vouloient que les freres fuffent enterrez dans leurs églifes, & que l'on y fift les fervices pour eux; & fi un défunt avoit choifi ailleurs sa sépulture, qu'il fût d'abord apporté à la paroisse pour profiter de l'offrande. Ils leur difoient encore: Vous ne devez avoir ni cloche, ni cimetiere beni, ni celebrer l'office divin qu'en certain tems. Il ne doit y avoir dans vos maifons qu'un certain nombre de fre

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