Imágenes de páginas
PDF
EPUB

pal. Il est encore innocent à notre égard, il nous a AN. 1240. toûjours été bon voifin ; & nous n'avons trouvé rien de mauvais en lui, ni quant à la fidelité dans les affaires temporelles, ni quant à la foi catholique. Nous fçavons qu'il a fidelement fait le fervice de J. C. dans la terre fainte, s'expofant aux perils de la mer & de la guerre, & que le pape au lieu de le proteger s'est efforcé de le dépouiller en fon abfence.

Nous ne voulons pas nous expofer à de grands perils, en faifant la guerre à Frideric prince fi puiffant, qui fera foûtenu contre nous par tant de ro aumes & par la justice de sa caufe. Qu'importe aux Romains que nous prodiguions notre fang, pourvû que nous contentions leur paffion? Si le pape par nous ou par d'autres foûmet Frideric, il en deviendra infiniment fier, & foulera aux pieds tous les princes. Mais afin qu'il ne femble pas que nous aïons reçu en vain les offres du pape, quoiqu'il foit conftant qu'elles font plûtôt l'effet de fa haine pour l'empereur, que de fon affection pour nous: nous envoïerons à l'empereur des ambaffadeurs qui s'informeront foigneufement de fes fentimens touchant la foi catholique, & nous. en feront le raport. S'ils le trouvent orthodoxe,pourquoi l'attaquerions-nous? s'il eft dans l'erreur, nous le pourfuivrons à outrance, comme nous en uferions à l'égard de tout autre & du pape même.

Les ambaffadeurs de France allerent donc trouver l'empereur Frideric, & lui dirent le contenu de la lettre du pape. Il en fut furpris, & répondit qu'il étoit Chrétien & Catholique, & que fa créance étoit faine fur tous les articles de foi. Puis il ajoûta: A dieu ne plaife que je m'écarte de la foi de mes peres & demes

illuftres

illuftres prédéceffeurs: mais je lui demande justice de celui qui me diffame ainsi par tout le monde. L'em- AN. 1240. pereur parloit de la forte étendant les mains au ciel, avec des larmes & des fanglots. Puis fe tournant vers les ambaffadeurs, il leur dit: Mes amis & mes chers voifins, quoique dife mon ennemi, je crois comme les autres Chrétiens; & fi vous me faites la guerre, ne vousétonnez pas si je me défends.J'efpere en Dieu protecteur des innocens. Il fçait que le pape ne s'éleve centre moi que pour favorifer mes fujets rebelles, principalement les Milanois hérétiques. Mais je vous rends graces, de ce qu'avant que d'accepter les offres, vous avez voulu yous affurer de la verité par ma réponse. Les ambaffadeurs répondirent: Dieu nous garde d'attaquer aucun prince Chrétien fans cause légitime,& ce n'eft point l'ambition qui nous touche, nous estimons le roi notre maître qui vient à la coufa naissance au-deffus de tout prince élecronne par tif: il fuffit au comte Robert d'être frere d'un fi grand roi. Ainfi ils fe retirerent avec les bonnes graces de l'empereur. Robert étoit l'aîné des trois freres de faint Louis, qui lui avoit donné pour partage le comté d'Artois.

Le pape sollicita auffi les princes d'Allemagne d'elire un autre empereur; mais il n'y gagna rien, & quelques-uns d'eux lui répondirent: qu'il n'avoit pas droit de faire un empereur, mais feulement de couronner celui que les princes avoient élû. Ainfi parle An. 1240: Albert abbé de Stade en baffe Saxe, qui écrivoit alors; & il compte ainfi les électeurs de l'empire: les trois archevêques de Tréves, de Mayence & de Cologne; le comte palatin, comme fénéchal, le duc de Saxe Tome XVII.

Gg

[ocr errors]

AN. 1240.

XXXVII.
Le pape deman-

des revenus ec

clefiaftiques

d'Angleterre.

1240. p. 470.

comme maréchal, le marquis de Brandebourg,comme chambellan: le roi de Bohême, dit-il, eft échanfon, mais non pas électeur, parce qu'il n'est pas Teutonique.

Cependant le légat Otton fit publier en Angleterre de le cinquiéme un mandement, où il difoit: Nous avons appris que quelques croifez de ce royaume, qui ne font pas proMatth. Parif. pres à combattre, vont à Rome pour se faire absoudre de leur vœu : c'est pourquoi nous faisons sçavoir que pour leur épargner la peine & la dépenfe le pape nous a donné commiffion, non-feulement de les abfoudre, mais encore de les obliger à racheter leurs vœux; afin qu'ils ayent à se présenter à nous pour recevoir cette grace. Donné à Londres le quinziéme de Février. Alors les Freres Prêcheurs,les Freres Mineurs & d'autres théologiens, commencerent à abfoudre les croifez de leur vou: mais en recevant la somme que chacun auroit dû employer au voyage d'outre-mer: ce qui caufa un grand fcandale parmi le peuple.

Enfuite tous les évêques d'Angleterre, les principaux abbez & quelques feigneurs s'affemblerent à Redingues pour entendre les ordres du pape. Le légat Otton leur fit un long fermon, & leur représenta la perfecution que le pape fouffroit de la part de l'empereur Frideric: ajoutant,que pour fe pouvoir défendre contre lui, il demandoit inftamment la cinquiéme partie de leurs revenus. Les évêques après avoir déliberé répondirent, qu'ils ne fe chargeroient point d'un fardeau fi exceffif, qui regardoit toute l'église, sans une meure déliberation : c'eft pourquoi on leur donna un terme affez long. A cette affemblée fe trouva Richard comte de Cornouaille, frere du roj

& plufieurs autres feigneurs croifez,qui prirent congé des prélats, étant prêts de partir pour la Terre-fainte. AN. 1240. Les prélats fondant en larmes dirent au comte : Pourquoi nous abandonnez-vous, feigneur, vous nous laiffez en proïe aux étrangers. Le comte s'adressant à l'archevêque de Cantorbery, répondit: Quand je ne ferois pas croifé, je m'en irois, pour ne pas voir la défolation du royaume, & les maux que je ne puis empêcher, quoiqu'on le croye.

que

Edmond archevêque de Cantorbery fut le premier qui confentit à la levée du cinquiéme des revenus ecclefiaftiques: il paya pour fa part huit cens marcs d'argent aux collecteurs du pape, fans attendre qu'on le prefsât; & les autres prélats d'Angleterre fuivirent fon exemple. Or l'archevêque ne fe rendit si facile dans l'efperance de procurer un grand bien à l'églife Anglicane, fçavoir la liberté des élections. Il s'étoit plaint au pape Gregoire par des lettres touchantes, & des envoyez confiderables de la mauvaise coûtume, par laquelle les rois opprimoient les églifes vacantes, soit évêchez,soit monasteres; & empêchoient les élections canoniques, par les chicanes de quelques électeurs qu'ils tenoient à leurs gages. Edmond demandoit que quand une église auroit vacqué fix mois, il y fut pourvû par le métropolitain ; & le métropolitain ; & le pape lui avoit promis de le foûtenir dans cette entreprise par des lettres qu'il avoit obtenues à grands frais. Mais le roi d'Angleterre se plaignant de fon côté que c'étoit attaquer la dignité de fa couronne, le pape ceda, & l'entreprise du faint archevêque fut fans effet.

Quelque tems après il reçut un mandement du pape adressé auffi aux évêques de Lincolne & de Sa

Matth Parif

2.4759

P. 475 476.

risbery,portant qu'ils pourvûffent trois cens Romains AN. 1240. des premiers benefices vacans; fous peine d'être fufpens de la collation de tous benefices, jusques à ce que ce nombre fût rempli. Ce mandement parut fort étrange; & on difoit en Angleterre,que le pape avoit fait une convention avec les Romains, par laquelle il leur avoit promis pour leurs enfans, ou pour leurs parens autant qu'ils voudroient de benefices en Angleterre, principalement de réguliers, à condition. qu'ils fe ligueroient contre l'empereur. Le pape envoya auffi en Angleterre un nommé Pierre le Rouge, qui entroit dans les chapitres des monafteres, & pour engager les religieux à payer les fubventions, j'entends le cinquième du revenu, leur difoit : Un tel & un tel évêque, un tel & un tel abbé ont déja fatisfait volontairement : pourquoi tardez-vous tant, afin de donner votre argent fans qu'on vous en fçache gré? Et il leur faifoit promettre de n'en point parler pendant fix mois; voulant faire croire à chaque communauté qu'elle avoit l'honneur de payer la premiere,

XXXVIII.

Oppofition du clergé. P. 477.

Les abbez allerent fe plaindre au roi, & deux porterent la parole, l'abbé de faint Edmond & l'abbé de Bel. Seigneur, dirent-ils, le pape nous impofe une charge infupportable. Nous tenons de vous des feigneuries que nous ne pouvons appauvrir qu'à votre préjudice; ni nous acquitter de ce que nous vous devons pour ces terres, & en même tems fatisfaire le pape, qui nous charge tous les jours de nouvelles impofitions,fans nous laiffer tant foit peu respirer. Nous vous demandons fur ce fujet votre protection. Le roi les regarda de travers,&leur parla d'un ton menaçant; puis s'adreffant au légat, qui étoit préfent: Voyez,

« AnteriorContinuar »