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LIVRE QUATRE-VINGT - TROISIE’ME,

COMME

A N. 1247.

I.

Saint Louis con

firme fon vou.

Matth. Paris:

n. 17.

OмME le terme approchoit du départ de faint Louis pour la terre fainte, les feigneurs François lui faifoient de grands reproches de ce qu'il ne vouloit ni racheter ni commuer fon vou. C'étoit la reine Blanche fa mere, qui le preffoit le plus, fou- p. 645• tenuë par l'évêque de Paris Guillaume d'Auvergne, & ce prélat difoit au roi : Souvenez-vous, fire, que vous avez fait ce vou fi important, précipitamment. & fans confulter perfonne, étant malade, aïant le cerveau embarrasse, & pour dire la verité, aïant l'ef- supl liv. Lxxx116 prit aliené; en forte que les paroles que vous prononçâtes ne font d'aucun poids. Le pape nous accordera facilement une difpenfe, connoissant le besoin du roïaume, & la foibleffe de votre fanté. Nous avons à craindre d'un côté les forces de Frideric, d'un autre les artifices du roi d'Angleterre d'ailleurs l'infidelité des Poitevins, l'inquiétude des Albigeois. L'Allemagne & l'Italie étant agitées, il eft difficile d'aborder à la terre fainte, & d'y trouver un poste affuré vous laiffez derriere vous le pape & Frideric animez d'une haine irréconciliable: en quel état nous quittez-vous? La reine le prenant d'une maniere plus tendre, lui difoit: Mon cher fils, écoutez les confeils de vos fages amis, & ne vous appuïez pas fur votre propre fens : fouvenez-vous combien l'obéiffance à une mere eft agréable à Dieu. Demeurez, la terre fainte n'en perdra rien: on y envoïera plus de

,

troupes que fi vous y alliez en perfonne. Dieu ne chiA N. 1247. cane pas avec nous : l'état où vous avoit réduit la maladie, fans liberté d'esprit & presque sans connoissance, vous excufe fuffifamment.

V. ap. 612.
Ap. Rain

[248.

Le roi parut touché de ces difcours & dit : Vous prétendez que c'eft l'aliénation d'efprit qui m'a fait prendre la croix? Hé bien je la quitte comme vous défirez, & portant la main fur fon épaule il en arracha la croix, & dit à l'évêque : Tenez, je vous la remets librement. Tous les affiftans furent transportez de joïe; mais le roi prenant un vifage plus ferieux, leur dit: Affurément je ne fuis point à present privé de raison ni de sentiment, je ne fuis point malade : or je redemande ma croix, & Dieu m'eft témoin que je ne prendrai aucune nourriture qu'on ne me l'ait renduë. Il reconnurent tous que Dieu agiffoit en cette occafion : & personne n'ofa plus s'opposer à la résolution du saint

roi.

Le pape fondoit fur lui de grandes efperances; & voici comme il en écrivit le vingt - troifiéme de Février 1248. dans une lettre adreffée à la nobleffe & au peuple pour les exciter à la croifade: NotreSeigneur Jefus-Chrift femble avoir choisi entre les autres princes du monde pour la délivrance de sa terre, notre cher fils le roi de France, qui outre la pureté de corps & de cœur & la multitude des vertus, abonde encore en guerriers & en richeffes. Il a pris la croix & fait des préparatifs dignes d'un fi grand prince & d'une fi grande entreprise. Enforte qu'il y a lieu d'efperer qu'il la conduira à une $2.29. heureuse fin. Le pape ajoûte qu'il a donné de fa

main

main la croix au cardinal Eude évêque de Tufculum, & l'a créé légat pour cette armée. Le pape écrivit de AN. 1248. même au patriarche de Jerufalem, & aux prélats de Chipre & d'Armenie. Il manda au légat avant qu'il partît de France, de n'abfoudre perfonne de fon vœu : Il manda aux évêques d'Evreux & de Senlis, d'ordonner à tous les croifez qu'ils fe tinffent prêts à paffer avec le roi au mois de Mars prochain; & il donna le même ordre aux croifez de Frife, de Hollande & de Zelande.

Croifade en Alle

deric.

Petr. Vin. lib. x

ep.4.

Mais peu de II. temps après, le pape fit prêcher en Allemagne contre Frideric une autre croifade, qui ne magne contre Fripouvoit manquer de nuire à celle de la terre fainte. Ce prince avoit fait publier une ordonnance, portant que tout eccléfiaftique ou religieux, qui fur le mandement du pape ou de fon légat, auroit manqué de célébrer la meffe ou les autres offices divins, ou d'adminiftrer les facremens, feroit chaffé de la ville, ou du lieu de fa demeure, & dépouillé de fes biens patrimoniaux & eccléfiaftiques, qui feroient ajugez; fçavoir, les biens eccléfiaftiques aux clercs qui obéiroient à cette ordonnance, & les biens patrimoniaux aux paqui fuccederoient ab inteftat. L'ordonnance ajoutoit, défense à aucun religieux de paffer d'une ville à l'autre, fans lettres teftimoniales du magiftrat du lieu d'où ils partiroient; & à la charge qu'ils feroient de bonnes mœurs, & connus des ferviteurs de l'empereur.

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Cette ordonnance étant venue à la connoiffance du pape, il fulmina de nouveau contre Frideric; & le jeudi-faint feizième jour d'Avril 1248. il réïTome XVII.

Fff

Rain. n. 2.3..

tera l'excommunication prononcée contre lui, & reAN. 1248. nouvellée tous les ans, avec menace de procéder plus rigoureufement, s'il perfiftoit dans fa contumace. C'est v. ep. cur. 44. ce que porte la lettre à tous les prélats d'Allemagne en datte du dix-huitiéme d'Avril, qui étoit le famedi-faint, & la même fut adreffée aux prélats d'Itálie. Et comme Frideric ne fut pas plus fenfible à cette cenfure qu'aux précédentes, le pape exécutant fa menace, manda le quatriéme de Mai aux évêques de FriBd. n. 7. fingue, de Paffau, de Ratifbone & à d'autres, de prêcher ardemment la croisade contre lui & contre fon fils Conrad, comme pervertissant la foi, & ruinant la liberté de l'églife; & le pape promet à ceux qui fe croiseront pour ce fujet, la même indulgence que n. 9. s'ils alloient à la terre fainte. Cette croifade caufa de grands mouvemens en Allemagne, & entra dans les caufes de la guerre civile de Boheme, dont le roi Venceflas IV. furnommé le Borgne, foutenoit le parti du pape. Car plufieurs feigneurs mécontens du roi, prirent celui de Frideric, & engagerent dans leur révolte Primiflas fils aîné du roi.

JO. II. 12,

A Ratisbonne le peuple fe fouleva ouvertement contre l'évêque, qui exécutant les ordres du pape, les avoit frappez d'excommunication, & la ville d'interdit. Ils continuèrent d'enterrer leurs morts dans le cimetiere; & au contraire déterrerent une comteffe foumise au pape, & après avoir traîné fon corps, le jetterent aux chiens. Ils prirent un prêtre qui étoit revenu aux ordres de l'évêque, le frapperent jufques. à effufion de fang, & le tinrent en prifon jufques à ce qu'il païât telle rançon qu'ils voulurent. Enfin

ils firent un statut portant défense à aucun croisé de paroître avec la croix fur fes habits, fous peine de la AN. 1248. vie. En punition de ces excès le pape manda à l'évêque de Ratisbone, de déclarer qu'outre l'excommunication & l'interdit, les rebelles étoient privez des fiefs qu'ils tenoient de l'églife, avec pouvoir de les conferer à ceux qui lui demeuroient fideles, ou qui 3 combattoient contre fes ennemis. Défenfe de contracter avec les rebelles, & de leur répondre en juftice touchant les dettes ou les dépôts qu'ils pourroient redemander, & abfolution des fermens faits fur ce fujet. Et afin que la peine paffe à la pofterité des coupables, nous voulons, ajoute le pape, que vous priviez leurs enfans de benefices jufqu'à la quatrième génération, & que vous déclariez révoquez & nuls tous les privileges qui leur ont été accordez. La lettre eft du treiziéme de Mai.

Le mépris des cenfures eccléfiaftiques fut pouffé en Allemagne jufques à l'héréfie déclarée, en forte que cette année 1248. ceux qui la foutenoient, la prê cherent publiquement dans la ville de Halle en Souabe, où ils affemblerent les feigneurs du païs au fon des cloches. Ils difoient que le pape étoit héretique, les évêques fimoniaques & les prêtres fans autorité de lier & délier, à caufe de leurs pechez; que tous ces gens-là féduifoient le monde depuis long-temps. Que les prêtres étant en péché mortel, ne pouvoient confacrer. Qu'aucun homme vivant, ni pape, ni évêque ne pouvoit interdire l'office divin; & que ceux qui défendoient de le célébrer, étoient des héretiques & des féducteurs. Auffi donnerent-ils la liberté

III.
Nouvelle héréfic

en Souabe.
Alb. Stad. an.

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