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étoit

milieu des ennemis qui le tuerent promptement. Le roi faint Louis malade comme les autres, AN. 1250. fans armes monté fur un petit cheval & il ne lui p. 61. reftoit de tous fes chevaliers que Geoffroi de Sergines, qui après l'avoir défendu long-temps le fit sanut. p. 215 arrêter à une petite ville nommée Charmasac, où on le trouva fi mal, qu'on ne croïoit pas qu'il pût paffer la journée. Les ennemis y étant entrez il fe rendit prifonnier avec les François qui s'y trou verent: puis les deux freres Alfonfe comte de Poitiers & Charles comte d'Anjou ; enfin tout ce qui reftoit de l'armée, car le nombre des morts fut très-grand. Le légat se sauva par le Nil à Damie- Guill, Guiera. Þi où il porta la nouvelle de cette défaite à la 144:

te,

reine.

Guill. CarnoR

Le roi faint Louis fut mené à la Maffoure & mis aux fers; mais les Arabes le guérirent promptement par un breuvage propre à fa maladie. Il demeura un mois en prifon, & pendant ce temps il ne ceffa point de réciter tous les jours l'office divin felon l'usage de Paris, avec deux freres Prê- Duchasne. p. 468, cheurs, dont l'un étoit prêtre & fçavoit l'Arabe, l'autre nommé Guillaume de Chartres étoit fon clerc. Ils difoient tant l'office du jour que celui de la Vierge & la meffe entiere, mais fans confacrer, le tout aux heures convenables ; & même en préfence des Sarrafins qui gardoient le roi. Car après fa prife ils lui apporterent comme en présent fon breviaire & fon miflel. Ils admiroient fa patience à fouffrir les incommoditez de fa prifon & leurs infultes : fon égalité d'ame & fa fermeté à refuser ce qu'il ne croïoit pas railonnable, & difoient:

Nous te regardions comme notre prifonnier & no A N. 1250. tre esclave, & tu nous traites étant aux fers comme fi nous étions tes prifonniers. Les émirs difoient Join p. 73. que c'étoit le plus fier Chrétien qu'ils euffent ja

X X. Traite pour la

Louis.

liberté de faint Epift. Duchene

p.429.439.

$8.

mais connu.

Quelques jours après qu'il fut pris, le sultan lui fit propofer une trève, demandant inftamment avec des menaces & des paroles dures qu'il lui fịc rendre inceffamment Damiete, & le dédommageât des frais de la guerre du jour que les Chrétiens l'avoient prife. Le roi fçachant que Damiete n'étoit point en état de fe défendre, y confentit : mais foinv. p. 66. 67. quant aux places que les Chrétiens tenoient encore en Palestine, & dont on lui demandoit auffi la reftitution, il déclara qu'elles ne dépendoient pas de lui, puifque ces places appartenoient à divers feigneurs, ou aux chevaliers des ordres militaires. Le fultan le menaça de le mettre aux bernicles, tourment cruel, où un homme attaché entre deux pieces de bois avoit tous les os brifez; & il fe contenta de dire à ceux qui lui firent cette menace, qu'il étoit leur prisonnier & qu'ils pouvoient faire de lui ce qu'ils vouloient. Aïant appris que plufieurs feigneurs prifonniers comme lui, traitoient de Duchesne. p. 404. de leur rançon, & craignant pour ceux qui ne pourroient la donner fi forte, il défendit ces traitez particuliers, & déclara qu'il vouloit païer pour tous comme en effet il l'exécuta.

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Le fultan voïant qu'il ne le pouvoit vaincre par menaces, envoïa lui demander quelle fomme d'argent il vouloit donner outre la reftitution de Damiete. Le roi répondit que fi le fultan youloit

loit fixer une rançon raisonnable il demanderoit à la reine de la païer. Le fultan demanda un million AN. 1250. de befans d'or, qui valoient alors cinq cens mille livres monnoïe deFrance, & vaudroient aujourd'hui quatre millions, à trente livres le marc d'argent. Le roi dit, qu'il païeroit volontiers les cinq cent mille livres pour la rançon de ses gens & rendroit Damiete pour fa perfonne; & qu'il n'étoit point de condition pour mettre fa délivrance à prix d'argent. Le fultan l'aïant appris répondit : Par ma lor le françois eft franc & liberal de n'avoir point marchandé sur une si grande fomme : allez lui dire que je lui donne fur fa rançon cent mille livres, il n'en païera que quatre cent mille.

Le traité fut donc conclu à ces conditions. Qu'il Duchesne. p. 430, y auroit trève pour dix ans entre les deux nations. Que le fultan mettroit en liberté le roi Louis, tous les Chrétiens qui avoient été pris depuis fon arrivée en Egypte, & même depuis la tréve faite par Fempereur Frideric avec le fultan Camel aïeul de cefui-ci. Que les Chrétiens garderoient paifiblement toutes les térres qu'ils poffedoient dans le roïaume de Jerufalem à l'arrivée de Louis avec leurs dépendances. Louis de fon côté promettoit de rendre Damiete au fultan & lui païer huit cent mille besans, tant pour la rançon des prifonniers que pour fon dédommagement. Il devoit auffi mettre en liberté tous les Sarrafins pris en Egypte par les Chrétiens depuis fon arrivée, & dans le roïaume de Jerufalem depuis la tréve avec l'empereur. Le fultan devoit conferver au roi & à tous les autres Chrétiens les meubles qu'ils avoient laissez à DaTome XVII. L11

AN. 1250.

Abulfar. p. 324 Joinv. p. 69. 70.

miete; donner fûreté & liberté aux malades & à ceux qui refteroient pour leurs affaires.

Ce traité aïant été ainfi conclu & juré de part & d'autre, le fultan Moadam marcha avec les troupes vers Damiete pour en prendre poffeffion; mais. comme il étoit à Pharefcour, les principaux émirs irritez de ce qu'il ne fuivoit pas leurs confeils & de ce qu'il avoit fait ce traité fans cux, le tuerent fortant de table après fon dîner. Il n'avoit regné que deux mois & quelques jours depuis fon arrivée en Fragm. Duchefne Egypte; & en lui finit la race des fultans Aïoubites ou enfans de Job, dont Saladin fut le premier, & qui avoit duré quatre-vingt-deux ans. Alors commença le regne des Mammelucs; c'étoit des efclaves Turcs que Melic Salech avoit achetez des Tartares au nombre de mille, les avoit fait élever & dreffer à la guerre, & en avoit mis quelques-uns dans les plus grands emplois. Le premier de leurs fultans fut Azeddin, autrement Moaz Ibec le Turcoman.

2.433•

Duch. p. 404.

Auffi-tôt que Moadam fut mort les émirs vinrent à la tente de faint Louis avec les épées fumantes, les mains ensanglantées & les visages furieux. Un d'eux lui dit : Que me donneras-tu pour avoir tué ton ennemi, qui t'eût fait mourir s'il eût vêcu? Le roi ne répondit rien, & l'émir lui presentant l'épée comme pour le frapper, ajoûta : Fais moi chevalier, ou je te tuë. Le roi fans s'émou voir répondit, que jamais il ne feroit chevalier P. 469. un fidele. Enfin tous ces furieux s'appaiferent: ils baifferent la tête & les yeux; & faluant le roi les mains croifées à leur maniere ils lui dirent::

Ne craignez rien, feigneur, vous êtes en fûreté. Ne vous étonnez point de ce que nous avons fait, il A N. 1250. étoit neceffaire. Faites promptement ce qui depend

de vous fuivant ce qui eft convenu, & vous ferez bien tôt délivré.

Mais il furvint de la difficulté fur les fermens p. 404. pour la confirmation du traité. Les émirs jurerent

que s'ils ne tenoient les conventions, ils vouloient Joinv. p. 72. être deshonorez comme celui qui va nuë tête au pelerinage de la Meque, qui reprend sa femme après l'avoir quittée, ou qui mange de la chair de porc. Le roi fe contenta de ces fermens, parce qu'un docteur nommé Nicolas d'Acre bien informé de leurs mœurs l'affura qu'ils ne pouvoient en faire de plus grands. Enfuite les émirs par le confeil de quelques renegats propoferent au roi deux formules de fermens. La premiere, qu'en cas qu'il ne tînt pas les conventions il feroit féparé de Dieu & de la compagnie des Saints. La feconde, qu'il feroit reputé parjure comme celui qui renonce à Dieu & à fon baptême & qui crache par mépris sur la croix & la foule aux pieds. Louis fe foûmit au premier ferment & refufa le fecond: de quoi les émirs irritez lui firent dire par Nicolas d'Acre, qu'ils étoient très-mal contens de lui, en ce qu'ils avoient juré tout ce qu'il avoit voulu, & il ne vouloit pas jurer ce qu'ils demandoient. Nicolas ajoûta: Soïez affuré que fi vous ne faites ce ferment ils vous feront couper la tête & à tous vos gens. Ils feront ce qu'ils voudront, répondit le roi, mais j'aime mieux mourir bon Chrétien que d'encourir l'indignation de Dieu & de fes Saints..

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