Imágenes de páginas
PDF
EPUB

votre lettre nous ôte cet unique remede, en nous
défendant de nous engager à ceffer nos leçons, fi- A N. 1255-
non du confentement des deux tiers des maîtres de
chaque faculté. Car plus du tiers des docteurs, du
moins en theologie, font des chanoines de l'église
de Paris, & des religieux des autres commmunautez,
à qui on ne pourroit perfuader une ceffation gene-
rale des leçons, comme nous l'avons experimenté,
par
la crainte qu'ils auroient de la tranflation de
l'univerfité, ou de la retraite des écoliers.

Cependant voïant que vous avez jugé à propos
de rétablir par votre pleine puiffance dans le corps
de l'univerfité frere Bonhomme & frere Elie que
nous en avions exclus pour leur rebellion, nous
n'avons pas crû devoir refifter à leur rétablissement,
parce que nous ne pouvons vaquer à des procès
principalement contre des gens qui les aiment.
Mais nous avons trouvé qu'il nous feroit moins
fâcheux de nous priver des avantages de l'univer-
fité, que de fouffrir plus long-temps la focieté
de ces religieux, que nous avons éprouvé nous être
préjudiciable, & que nous craignons qui ne foit
dangereuse à toute l'églife. Nous avons auffi confi-
la focieté fe forme d'ordinaire par amitié,
& non par force; & que fuivant la regle de droit
on ne peut obliger perfonne à entrer ou à demeu-
rer en focieté malgré lui. Nou snous fommes donc
féparez du corps de l'univerfité, renonçant à ses
avantages & à fes privileges, & ainfi nous avons
évité la focieté de ces religieux, fans contrevenir à
yotre mandement.

deré que

Toutefois ils ont tellement féduit les évêques

[ocr errors]

d'Orleans & d'Auxerre, que ces prélats excedant A N. 1255. les termes de leur commiffion, ont prononcé excommunication contre tous les maîtres & les écoliers, qui dans vingt jours ne recevroient pas les deux freres Prêcheurs & leurs difciples, fans diftinguer ceux qui pouvoient & devoient les admettre, étant du même corps, & ceux qui ne le p. 290. pouvoient, n'en étant plus. Ce qui nous a obligé d'appeller de nouveau à votre pieté. Mais fans avoir égard à notre appel, ces freres ne ceffent de nous inquieter de tout leur pouvoir, quoique nous n'empêchions point qu'ils aïent autant d'é-, coles & d'écoliers qu'ils peuvent, & qu'eux & leurs difciples jouiffent de tous nos privileges. Nous ne voulons être, ni leurs fuperieurs, ni leurs inferieurs ; & nous ne leur demandons autre chose, finon qu'ils nous laiflent en paix dans un quartier de la ville, fans s'ingerer par force dans nos maisons, nos écoles, ou nos affemblées. De quoi nous les avons priez, & leur avons défendu, autant que nous l'avons pû de vive voix, fçachant que par ordre du roi, ils ont toûjours à leur difpofition, une multitude de gens ar

mez.

Ces freres pouffez du malin efprit, ont encore inventé une calomnie contre maître Guillaume de faint Amour, homme venerable, notre chapelain & professeur en theologie, qui leur eft odieux parce qu'il prend notre défense. Ils l’ɔnt accusé fauffement d'avoir attaqué votre réputation, qui a toûjours été hors d'atteinte, & d'avoir lû plu fieurs fois dans nos affemblées un libelle diffama

toire contre vous, voulant auffi nous rendre tous coupables de l'avoir écouté avec plaifir; & par le moïen de Gregoire votre nonce, qui paffoit à Paris, ils ont porté leur plainte contre ce docteur, au roi & à l'évêque de Paris. Le docteur appellé devant l'évêque, a demandé que le nonce fût auffi cité, pour dire de qui il avoit appris ce qu'on lui reprochoit, & reprefenter les memoires qu'il difoit avoir reçus contre lui. L'évêque n'ofa citer le nonce, ni le nonce comparoître en jugement; mais variant en fes difcours, & niant enfuite ce qu'il avoit dit d'abord, il fe retira fubitement de la ville. Enfin l'évêque après plufieurs délais n'aïant trouvé aucune preuve contre Guillaume de faint Amour, qui offrit de fe purger canoniquement devant quatre mille clercs, le déchargea juridi quement de cette pourfuite. Ces infultes & plufieurs autres, qui feroient longues à rapporter, nous ont obligé de fufpendre jusques à prefent nos le

Cons.

AN. 1255

Les docteurs concluent en priant le pape de dé. p. 2916 clarer nulle l'excommunication prononcée par les . deux évêques, & leur rendre la liberté qu'ils avoient lors de fon avenement au pontificat. Autrement, ajoûtent-ils, fçachez que nous transporterons no tre école à un autre roïaume, ou bien nous nous retirerons chacun chez nous, pour y jouir de notre liberté naturelle, plûtôt que de fouffrir la fervi tude de cette focieté forcée. Alors l'église feroit en danger de tomber dans l'ignorance & l'aveuglement, & d'être ravagée par les heretiques. Nous yous fupplions donc, faint pere, de nous donner

promptement une derniere réponse, fans nous ter

AN, 1255 nir plus long-temps en fufpens, afin que nous puiffions pourvoir à nous & à notre école.

. 292.

Dès l'année precedente l'évêque de Paris envoïa au pape Innocent, un petit livre intitulé Introduction à l'évangile éternel; & le pape Alexandre le fit examiner par trois cardinaux, fçavoir les évêques de Tufculum & de Paleftrine, & Hugues de faint Cher prêtre du titre de fainte Sabine, de l'ordre des freres Prêcheurs. Il fut jugé fi mauvais, que le pape manda à l'évêque de Paris de le fupprimer, fous 5.293. peine d'excommunication. La lettre eft du vingttroifiéme d'Octobre 12 52. Mais le douziéme deÑo yembre, il manda au même évêque de prendre garde que la fuppreffion de ce livre n'attirât aucun reproche aux freres Mineurs. C'eft que Jean de Parme leur general, étoit tenu pour l'auteur de l'évangile éternel.

Le pape n'eut point d'égard à la remontrance des docteurs de Paris, ni à leur prétendue féparation du corps de l'univerfité; au contraire il écrivit au chancelier de fainte Geneviève, de n'accorder la licence de regenter à Paris en aucune faculté à ceux qui refuseroient d'observer la bulle p.294. Quafi lignum vita. La lettre eft du vingt-cinquiéme de Novembre. Elle fait voir que le chanchelier de fainte Geneviève donnoit alors des licences dans les quatre facultez. Le pape écrivit à même fin aux évêques d'Orleans & d'Auxerre ; mais ils remirent l'execution de ce nouvel ordre, jufques au concile qui fe devoit tenir à Paris la même annéc.

[ocr errors]

XV.

Inquifition en France.

Rain, n. 25%

Cependant à la priere du roi faint Louis, le pape AN. 1255. Alexandre donna au provincial des freres Prêcheurs en France, & au gardien des freres Mineurs de Paris l'office de l'inquifition dans tout le roïaume, excepté les terres du comte de Poitiers & de Toulouse Alfonfe frere du roi, dans lesquelles il y avoit des commiffaires particuliers pour l'affaire de la foi. Le pape ordonne aux inquifiteurs, de se faire délivrer les informations, & les autres procedures faites contre les heretiques, par tous ceux qui les ont entre les mains ; & de proceder contre ceux qui feront coupables du même crime, ou feulement diffamez, s'ils ne fe foûmettent entierement à l'églife, & d'implorer, s'il est besoin, le secours du bras feculier. Il leur donne pouvoir d'absoudre les heretiques qui abjureront fincerement, & de faire routes les procedures neceffaires pour l'exercice de leur charge, nonobstant la liberté accordée aux religieux, de ne point recevoir de pareilles commiffions. Mais il veut que pour juger les heretiques ou les condamner à une prifon perpetuelle, ils prennent le confeil des évêques diocefains. La lettre eft dattée de Rome le treiziéme de Decembre. Cette inquifition generale en France est remarquable, fur tout étant établie à la priere du roi faint Louis.

XVI. Relation de Gu

quis.

Haeluyt. to. I

Vers la fin de cette année 1255. faint Louis reqût des nouvelles du cordelier Guillaume de Ru- laume de Rubrubruquis, qu'il avoit envoïé en Tartaries deux ans auparavant : voici la substance de fa relation. Votre p.71. fainte Majefté fçaura que l'an 1253. le feptiéme de Bergeron D. 24 Mai, nous nous embarquâmes fur le pont-Euxin

« AnteriorContinuar »