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Si-tôt que S. Bonaventure fut arrivé à Rome en qualité de general de fon ordre, les adverfaires de Jean de Parme l'exciterent à informer contre lui & contre fes compagnons, comme aïant de mauvais fentimens fur la foi. On produifit plusieurs articles extraits de leurs ouvrages; mais après un ferieux examen il ne s'y trouva rien par où la foi fût bleffée. On vint enfin au principal chef d'accufation, & on leur demanda ce qu'ils penfoient de l'abbé Joachim & de fa doctrine. Il demeurerent aheurtez à le louer & à foûtenir, qu'il n'avoit rien enseigné de mauvais touchant l'unité de l'effence divine & la Trinité des perfonnes; car c'eft dequoi il s'agiffoit principalement: que fa doctrine étoit conforme à celle des peres & des conciles, & que celui deLatran auroit pû se passer d'en faire une nouvelle décision. Des deux compagnons de Jean de Parme, le plus dur étoit Gerard & le plus ardent, foit à objecter, foit à répondre : auffi étoit-il le plus fçavant, & avoit profeffé la theologie pendant quelques années. Enfin les juges les voïant obstinez dans leurs fentimens, les condamnerent tous deux à la prifon perpetuelle ; & ils s'y rendirent avec joïe, fe croïant perfécutez pour la verité. Leonard y mourut, Gerard en fut délivré par faint Bonaventure dix-huit ans après.

On vint enfuite à Jean de Parme, & S. Bonaventure nomma des juges pour lui faire son procès dans un petit monaftere de Toscane.Le pape donna pour commiffaire le cardinal Jean Caïetan des Urfins depuis pape: on ne trouva l'accufé coupable, que trop d'attachement à la doctrine & à la perfonne de

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l'abbé Joachim; & enfin il fut condamné à une lon A N. 1256. gue prifon. Mais il furvint des lettres du cardinal Ottobon neveu d'Innocent IV. & depuis pape luimême, adreffées au cardinal Caïetan & à S. Bonaventure, par lesquelles il fe rendoit caution de la foi de Jean de Parme, & déclaroit qu'il tiendroit fait à lui-même le traitement que l'on feroit à ce religieux. Le cardinal Caïetan fut touché de cette lettre, le jugement ne fut point executé, & le general donna le choix à Jean de Parme du lieu de fa retraite. Il choifit le petit convent de Grecchia près de Rieti, & y demeura trente-deux ans.

XXVIII.

Jaume de Hollan

de.

793.

Au commencement de cette année 1256. Guillaume de Hollande roi des Romains perit malheureusement en faisant la guerre aux Frifons. Comme Annal. Steron. il marchoit fur un marais gelé, la glace rompit fous Matth. Paris · les pieds de fon cheval armé comme lui, & plus il fit d'effort pour fe relever, plus il enfonçoit. Les Frisons survinrent, qui le percerent de plufieurs coups, quoiqu'il offrit une groffe rançon, & le mirent en pieces: ainfi mourut ce prince à la fin du mois de Janvier, & le pape l'aïant appris eut grand regret, dit Matthieu Paris, aux fommes immenfes qu'il avoit emploïées pour le foûtenir. Il craignit auffi que l'on ne voulût élire empereur le jeune Conradin, fçachant que plufieurs feigneurs Allemans étoient affectionnez à fon pere Conrad & en general à la maifon de Suaube, qui regnoit depuis près de fix-vingt ans.

Croïant donc que le temps de l'élection étoit proche, il écrivit à l'archevêque de Maïence l'un des ap. Rain.n. 3. électeurs. La lettre eft du vingt-huitiéme de Juil–

Conft. 7.

let 1256. & porte en fubftance: L'importance de cette affaire demande une attention finguliere & AN. 1256. une meure déliberation, fur tout pour élire un fu- Bullar. Alex. IV. jet qui foit fidelle & dévoué à l'églife, & dont les ancêtres aïent été dans les mêmes fentimens. Or vous fçavez comment le défunt empereur Frideric & les ancêtres en ont ufé à l'égard de l'églife leur mere, & quelle récompense ils lui ont rendue des biens qu'ils avoient reçûs d'elle. Ils l'ont traitée comme s'ils tendoient à sa destruction, & ont excedé la cruauté de tous les autres perfecuteurs. D'où l'on peut juger ce que l'on doit efperer s'il reste quelque puissance dans cette famille, puisque un mauvais arbre ne produit que de mauvais fruits. C'est pourquoi il faut bien fe garder de penfer au jeune Conrad, ni de l'élire en quelque façon que ce foit, parce que fon bas âge le rend entierement incapable de confentir à son élection, ni de proteger l'églife & d'exercer les fonctions roïales. Ainfi nous vous défendons très - étroitement de l'élire, fous peine d'excommunication que nous prononçons dès-à-prefent contre vous en ce cas ; & avant que de proceder à l'élection, vous ferez la même défense de notre part à tous les autres électeurs, tant ecclefiaftiques que féculiers. La même lettre fut envoïée à l'archevêque de Treves, & à celui de Cologne; mais l'élection ne fe fit que l'année fui

vante.

L'archevêque de Maïence étoit Gerard qui tenoit ce fiege depuis cinq ans, & avoit toûjours été pour Guillaume de Hollande. Il fut pris cette année 1256. avec fon oncle le comte d'Eberstin, par

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les gens d'Albert duc de Brunfvic, que ce comte AN. 1256. avoit offensé ; & le prélat demeura un an en prison. Enfin il fut délivré par Richard comte de Cornuaille frere du roi d'Angleterre, qui voulant se faire élire empereur, répandit beaucoup d'argent entre les électeurs, & donna huit mille marcs pou délivrer l'archevêque deMaïence,dont la prison retarda fans doute l'élection du roi des Romains.

XXIX. Affaire de l'univerfité.

302.

&

Quand le pape Alexandre eut appris l'accommodement fait entre l'univerfité de Paris & les freres Tading. 1156. n. Prêcheurs par l'autorité des quatre archevêques, il 36. Duboulai. P· écrivit à l'évêque de Paris, une bulle qui commence par Cunctis proceffibus, où il fe déclare ouvertement pour les freres Prêcheurs contre les docteurs, qu'il charge d'injures & de reproches pour n'avoir pas obfervé la bulle Quafilignum vita, ni les fentences des évêques commis pour la faire exccuter, les accufe de mauvaise foi, en ce qu'ils ont prétendu ne plus faire corps d'univerfité, & ont fufpendu leurs leçons par une pure malice. Il dit que les freres ne font venus à cette compofition, qu'à force d'être fatiguez par les mauvais traitemens & les infultes des docteurs : qu'ils l'ont fait imprudemment & fans le confentement du faint fiege, & que les docteurs eux-mêmes ne l'ont pas obfervée, s'oppofant à ceux qui vouloient entendre les fermons & les leçons des freres, ou affifter au principe de frere Thomas d'Aquin. C'étoit le nom d'un acte public de theologie qui a dégeneré en fimple formalité. Les freres, ajoûte le pape, qui veulent avoir la paix avec tout le monde, & qui aiment leurs perfécuteurs, nous ont fait supplier de révoquer les fen

sences portées à leur occafion contre les docteurs & les écoliers, puisque la paix eft faire entreeux. Mais nous n'avons point reçû leur priere, & nous avons absolument rejetté cette paix, faite par attentat fans notre participation, & au fond injufte & oppofée à notte conftitution, que nous voulons être inviolablement obfervée.

Au contraire, de peur qu'une fi detestable rebellion contre l'église Romaine ne soit d'un pernicieux exemple: nous privons de toutes dignitez & benefices & de la fonction de docteur Guillaume de Saint-Amour, Eude de Doüai, Nicolas de Barfur-Aube, & Chrétien chanoine de Beauvais, com me étant les principaux auteurs de cette révolte. Et fi, contre notre défense, ils ofent enseigner ou monter en chair, nous les déclarons indignes de tous benefices, & ordonnons qu'ils foient chaffez de tout le roïaume de France. Il enjoint enfuite à l'évêque fous peine d'excommunication, de faire publier cette bulle dans Paris, & d'avertir les collateurs qu'ils pourvoient aux benefices des docteurs rebelles. La bulle eft du dix-feptiéme de Juin. Il eft remarquable que le pape n'y parle point des quatre archevêques, qui avoient été les arbitres de l'accommodement qu'il condamne. Enfuite il écrivit au roi faint Louis, le priant de faire executer cette bulle, de bannir les docteurs rebelles, & d'empêcher que l'école de Paris ne foit diffipée ou transferée ailleurs.

AN. 1256.

Bulla Vera fides. Duboulai p. 306..

Vading. n. 28%

p. 106.

Cependant l'archevêque de Sens tint un concile G.S. Am. repons~ à Paris, où se trouverent douze évêques : fix de la Duboulai. p. 3894 province de Reims, fçavoir ceux de Soiffons, de

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