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Le roi de Hongrie fe plaignoit encore que le pape AN. 1259 chargeoit les églises de fon roïaume les provipar fions de benefices qu'il donnoit à des étrangers, & le prioit de n'en plus user ainfi à l'avenir.

Le pape lui répondit par une lettre du quatorziéme d'Octobre 1259. où il dit: Tout le monde fçait dans quel embarras d'affaire étoit l'église quand vous demandâtes du fecours à Gregoire IX. & quelle perfécution lui faifoit l'empereur Frideric. Élle fut obligée à contracter de fi grandes dettes, qu'elle n'a pû encore s'en acquitter; enforte qu'elle avoit plus besoin du fecours des autres, qu'elle n'étoit en état de leur en donner. Quand fon fucceffeur fut en place, l'orage qui avoit désolé votre roïaume étoit paffé, les Tartares s'étoient retirez, ainfi il n'étoit plus besoin d'accomplir la promesse des cardinaux. A l'égard des propofitions que vous font à prefent les Tartares, quand vous n'auriez aucun secours à esperer du ciel ni de la terre, quand il s'agiroit de la perte de tous les roïaumes du monde & de votre propre vie, elles devroient vous faire horreur. Il y a des remedes fi honteux qu'un homme courageux doit plûtôt choisir la mort. A Dieu ne plaife qu'aucun interêt temporel vous engage à vous féparer du corps des fideles, & vous allier avec les infideles, pour devenir l'ennemi des Chrétiens, après en avoir été le défenseur, & ouvrir le paffage aux barbares pour les attaquer. Quand même vous auriez attiré sur vous ce reproche éternel, ce feroit plûtôt la perte que le falut de votre roïaume. Vous pouvez avoir appris que les Tartares ont féduit plufieurs nations

par les appass

trompeurs de pareils traitez. Vous flatez-vous du AN. 1259. privilege de leur faire mieux garder leurs promeffes? On ne peut s'afsurer de la foi des infideles, ils ne reconnoiffent point d'autorité dans nos fermens, & un Chrétien ne peut se fier aux leurs.

Le lien du mariage ne peut engager non plus un Chrétien avec une infidele, parce qu'entre les infideles mêmes le mariage, quoique vrai, n'est ni ferme, ni indissoluble par le manque de foi. Donc si vous donniez, ce qu'à Dieu ne plaise, votre fils ou votre fille aux Tartares, cette conjonction illicite n'apporteroit aucune fermeté à votre paix, & ne feroit qu'un infame concubinage. Il l'exhorte enfuite à recourir à Dieu & à reconnoître que ces incurfions des infideles font la punition des crimes des Chrétiens, particulierement de l'ufurpation des biens de l'église & des entreprises fur fa liberté. Il le prie enfuite de ne pas trouver mauvais s'il ne lui envoïe pas les mille arbaletriers qu'il demandoit, puifqu'il tirera un plus grand fecours de la cinquiéme partie des revenus ecclefiaftiques de Hongrie, qu'il lui accorde, & dont toutefois il exempte les Templiers avec les autres religieux militaires & les moines de Câteaux. Enfin fur les provifions de benefices à des étrangers, il s'excuse foiblement, difant, qu'à peine y a-t'il un autre roïaume à qui cette plainte convienne moins qu'à la Hongrie, & que l'on ne peut fi bien faire que les hommes malins ne trouvent matiere à quelque reproche.

Ce que le pape dit ici, qu'on ne peut s'affurer de la foi des infideles, ne doit pas être pris trop à la rigueur. Il ne faut pas confondre la foi divine, &

furnaturelle qui leur manque, avec la bonne foi humaine, fondement de tout commerce entre dif- AN. 1259. ferentes nations, qui eft l'effet naturel de la droite raison. Quant au mariage, l'empêchement que produit la diverfité de religion n'est pas invincible en certains cas finguliers où il s'agit de l'utilité publique, & du bien même de la religion.

L'incontinence étoit devenue fi commune & fi

LVI.
Bulle contre les

publique dans le clergé, que le pape Alexandre crut cleres concubinaidevoir chercher quelque remede, & pour cet ef

y

res.

fet il écrivit une lettre circulaire adreffée aux arche- ap. Rain, n. 22. vêques, & à leurs fuffragans, aux abbez & aux autres fuperieurs ecclefiaftiques, où d'abord il leur reprefente fortement le compte terrible qu'ils rendront à Dieu des ames dont ils ont la conduite, puis il exagere le scandale que donnent les clercs qui entretiennent publiquement des concubines, au mépris des canons, & n'ont pas honte d'exercer avec des mains impures les fonctions facrées de leur miniftere. Il marque les reproches qu'ils s'attirent de la part des heretiques, l'oppreffion de l'église par les feigneurs & les mépris des peuples. Il exhorte les prelats à faire ceffer ce défordre, premierement par leur vie exemplaire, puis en procedant contre les coupables ; il déclare que leurs pourfuites ne feront point retardées par l'appel, & que les lettres apofto liques obtenues par les coupables au préjudice de ces pourfuites, feront nulles. La lettre eft du treiziéme de Février 1259.

Nous en avons deux exemplaires, l'un adreffé à Stero.1260. p.25 .. l'archevêque de Roüen, l'autre à celui de Salsbourg, par où l'on juge qu'elle fut auffi envoïée aux autres

$87.

provinces, & que ce défordre étoit general dans AN. 1259. toute l'églife. L'archevêque de Rouen étoit Eudes Ball. Chr. to. 1.p. Rigaut de l'ordre des freres Mineurs, qui avoit fuccedé à Eudes Clement en 1247.& tint ce fiege vingthuit ans. Cette lettre eft belle, mais de tels maux demandent des remedes plus specifiques, que exhortations quelque pathétiques qu'elles foient.

LVII.

Affaire de l'univerfité,

Indignanter

сер.

ac

des

Tant de bulles déja données par le pape Alexandre en faveur des freres Prêcheurs, n'avoient pû vaincre la répugnance des docteurs de Paris à les recevoir ; & il en donna encore plufieurs à même fin Dubonlai. p. 348. pendant cette année 1259. La premiere dattée d'Anagni le cinquiéme d'Avril, eft adreffée à l'évêque Vading. 1259.n.4. de Paris, auquel le pape se plaint que quelques docteurs font de la peine à certains religieux, parce qu'ils s'opposent au rappel de Guillaume de SaintAmour. Il ordonne à l'évêque d'assembler tous les docteurs & les écoliers, & de leur défendre, fous peine d'excommunication d'en user ainfi,parce que ces religieux ne peuvent en confcience confentir au rétablissement d'un homme juftement condamné, querelleur & obftiné dans fa désobéissance. Ensuite Duboulai. p. 351. le pape aïant appris que l'univerfité de Paris entretenoit un grand commerce de lettres avec ce docteur : il enjoignit à l'évêque de le rompre fous peine d'excommunication de plein droit.

Multorum relat.

Vading. n. S.

Le recteur de l'univerfité, les artistes & les docteurs des deux autres facultez de droit & de medecine, prétendoient que tous ces ordres du pape ne regardoient que la faculté de théologie, puifque c'étoit la feule à laquelle les religieux prétendoient être admis. C'eft pourquoi le pape écrivit à l'évêque

de

de Paris une troifiéme bulle, qui commence par de grandes louanges de l'université, & qui enjoint à ce prélat d'ordonner aux artistes & aux autres qui refufoient de recevoir dans leur focieté les freres Prêcheurs & les freres Mineurs, de les y admettre dans quinze jours fous peine d'excommunication, dont ils ne pourront être abfous qu'en venant en perfonne fe prefenter au faint fiege. Le pape enjoint encore à l'évêque de faire publier cette bulle, où il approuve l'état de ces religieux & la pauvreté dont ils font profeffion; & de faire brûler publiquement le livre des périls des derniers temps, & les autres libelles diffamatoires, compofez contre les mêmes religieux en latin ou en françois, en profe ou en vers. Il ajoûte: Vous dénoncerez excommuniez Guillot bedeau des écoliers de la nation de Picardie, qui le dimanche des Rameaux dernier passé, pendant que frere Thomas d'Aquin prêchoit, cut l'audace de publier en prefence du clergé & du peu ple, un libelle diffamatoire contre les freres Prêcheurs ; & vous ferez enforte qu'il foit chaffé pour toûjours de la ville de Paris. Cette bulle eft du vingt-fixiéme de Juin.

ẤN. :2,9.

Ex alto. Vading.

n. 6.

Rain. n. 27.

Peu de jours après le pape en écrivit une à l'uni- Duboulai. p. 353. versité, sur ce qu'elle lui demandoit le rappel de Guillaume de Saint- Amour. Il lui reprefente que ce docteur ne s'eft point humilié, n'a point retracté fon livre condamné par le faint fiege, ni donné aucun figne de repentir, & fait efperer de le recevoir en grace quand il paroîtra converti. Enfin le pape écrivit à faint Louis, le loüant de sa soumifLion aux ordres du faint fiége, & de la protection Tome XVII.

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