CONSIDÉRATIONS SUR LES MOURS DE CE SIÈCLE. INTRODUCTION. ΑΙ J'AI vécu, je voudrois être utile à ceux qui ont à vivre. Voilà le motif qui m'engage à raffembler quelques réflexions fur les objets qui m'ont frapé dans le monde. Les fciences n'ont fait de vrais progrès que depuis qu'on travaille par l'expérience, l'examen & la confrontation des faits, à éclaircir, détruire ou confirmer les fyftê A T 25 mes. C'eft ainfi qu'on en devroit ufer à l'égard de la fcience des mœurs. Nous avons quelques bons Ouvrages fur cette matière ; mais comme il arive des révolutions dans les mœurs, les obfervations faites dans un tems ne font pas exactement aplicables à un autre. Les principes puifés dans la nature font toujours fubfiftans; mais, pour s'affurer de leur vérité, il faut fur tout obferver les diférentes formes qui les déguisent, fans les altérer, & qui, par leur liaifon avec les principes, tendent de plus en plus à les confirmer. Il feroit donc à fouhaiter que ceux qui ont été à portée de conoître les de leurs obfervahomes, fiffent part tions. Elles feroient auffi utiles à la fcience des mœurs, que les Journaux des Navigateurs l'ont été à la navigation. Des faits & des obfervations fuivies, conduifent néceffairement à la découverte des principes, les déga gent de ce qui les modifie dans tous les fiècles, & chez les diférentes Nations; au lieu que des principes pure. ment spéculatifs font rarement fûrs ont encore plus rarement une aplication fixe, & tombent fouvent dans le vague des fyftêmes. Il y a d'ailleurs une grande diférence entre la conoiffance de l'home & la conoiffance des homes. Pour conoître l'home, il fufit de s'étudier foi-même; pour conoître les homes, il faut les pratiquer. Je me fuis propofé, en obfervant les moeurs, de démêler dans la conduite des homes quels en font les prin cipes, & peut-être de concilier leurs contradictions. Les homes ne font in conféquens dans leurs actions que parce qu'ils font inconftans ou vacillans dans leurs principes. Quoique cet Ouvrage femble avoir pour objet particulier la conoiffance des mœurs de ce Siècle, j'efpère que l'examen des mœurs actuèles poura fervir à faire conoître l'home de tous les tems. Pour mètre plus d'ordre & de clarté dans les diférentes matières que je me propose de traiter, je les diftribûrai par Chapitres. Je choifirai les fujets qui me paroîtront les plus importans, dont l'aplication eft la plus fréquente, la plus étendue, & je tâcherai par leur réunion de les faire concourir à un même but, qui eft la conoiffance des mœurs. J'efpère que mes idées s'éloigneront également de la licence & de l'efprit de fervi tude; j'uferai en Citoyen de la liberté dont la vérité a befoin. Si l'Ouvrage plaît, j'en ferai très, flaté; j'en ferai encore plus content; s'il eft utile, |