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fervent de pâture. Elle fe confole en croyant rabaisser d'un côté ce qu'elle eft forcée d'admirer d'un autre ; elle cherche moins à détruire ce qu'elle fe flate d'outrager.

Une forte d'indiférence fur fon propre mérite eft le plus sûr apui de la réputation; on ne doit pas afecter d'ouvrir les yeux de ceux que la lumière éblouit. La modeftie eft le feul éclat qu'il foit permis d'ajouter à la gloire.

Si l'artifice est un moyen honteux pour la réputation, il y a un art, & même un art honête qui naît de la prudence, de la fageffe, & qui n'est pas à dédaigner. Les gens d'efprit ont plus d'avantages que les autres, nonfeulement pour la gloire, mais encore pour acquérir & mériter la réputation de vertu. Une intelligence fine aufli contraire à la faufleté qu'à l'impru

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sûr, fait qu'on place les bienfaits avec choix, qu'on parle, qu'on fe taît & qu'on agit à propos. Il n'y a perfone qui n'ait quelquefois ocafion de faire une action honête, courageufe, & toutefois fans danger. Le fot la laiffe paffer, faute de l'apercevoir; l'home d'efprit la fent & la faifit. L'expérience prouve cependant que l'efprit feul n'y fufit pas, & qu'il faut encore un cœur noble, pour employer cet art heu

reux.

J'ai vu de ces fuccès brillans, & je fuis perfuadé que celui même qui étoit comblé d'éloges, fentoit combien il lui en avoit peu coûté pour les obtenir, mais il n'en étoit pas moins louable.

J'en ai remarqué d'autres qui, avec la bienfaisance dans le cœur, avec les actes de vertus les plus fréquens, faute

d'intelligence & d'à propos, n'étoient pas, à beaucoup près, auffi eftimés qu'eftimables. Leur mérite ne faifoit point de sensation; à peine le soupconnoit-on, Il eft vrai que fi par ́un heureux hafard le mérite fimple & uni vient à être remarqué, il acquiert l'éclat le plus fubit, On le loue avec complaisance, on voudroit encore l'aug menter; l'envie même y aplaudit fans fortir de fon caractère, elle en tire parti pour en humilier d'autres.

Si les réputations fe forment & le détruifent avec facilité, il n'eft pas étonant qu'elles varient, & foient fouvent contradictoires dans la même perfone. Tel a une réputation dans un lieu, qui dans un autre en a une toute diférente: il a cèle qu'il mérite le moins, & on lui refuse cèle à la quèle il a le plus de droit. On en voit des exemples dans tous les ordres. Ja

ne puis me difpenfer d'entrer ici dans quelques détails qui rendront les principes plus fenfibles par l'aplication que j'en vais faire.

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Un home est taxé d'avarice, parce qu'il méprife le fafte, & fe refuse le fuperflu, pour fournir le néceffaire à des malheureux ignorés. On foue la générofité d'un autre qui répand avec oftentation ce qu'il ravit avec artifice ou violence; il fait des préfens, & refuse le payement de fes dètes : on admire fa magnificence, quand il eft à la fois victime du fafte & de l'avarice.

On acufe d'infolence un home qui ne fléchit pas avec baffeffe fous une autorité ufurpée, ou tyranique: on reproche l'emportement à un autre, parce qu'il n'a pas porté la patience jufqu'à l'aviliffement. Comme elle a fes bornes, les gens naturèlement doux

finiffent fouvent par avoir tort mal à, propos, quand la mesure est comble. On ne fauroit croire combien il im porte, pour le bien de la paix, de ne fe pas laisser trop vexer, à moins que l'on né confente à être avili.

On vante, au contraire, la douceur d'un home entier, opiniâtre par carac→ tère & poli par orgueil.

Une femme eft deshonorée, parce qu'elle a conftaté fa faute par l'éclat de fa douleur & de fa honte ; tandis qu'une autre fe met à couvert de tout reproche par l'excès de fon impudence; cèle-ci n'est pas même l'objet d'un mépris fecret. Les homes haïffent ce qu'ils n'oferoient punir; mais ils ne mé prifent, qué ce qu'ils ofent blâmer hautement. Leurs actions déterminent plus leurs jugemens, que leurs jugemens ne réglent leurs actions.

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Si l'on paffe des fimples Particuliers

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