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entr'eux. Ils font exempts d'une va nité nationale & puérile; ils la laiffent au vulgaire, à ceux qui n'ayant point de gloire perfonèle, font réduits à fe prévaloir de cèle de leurs compa

triotes.

On ne doit donc fe permètre aucun paralèle injurieux & téméraire : mais s'il eft permis de remarquer les défauts de fa nation, il eft de devoir d'en relever le mérite, & le François en a un diftinctif.

C'est le feul peuple dont les mœurs peuvent fe dépraver, fans que le fond du cœur fe corrompe, ni que le cou rage s'altère ; il alie les qualités héroïques avec le plaifir, le luxe & la moleffe: fes vertus ont peu de confiftance, fes vices n'ont point de racines. Le caractère d'Alcibiade n'eft pas rare en France. Le déréglement des mœurs & de l'imagination ne done point ateinte

à la franchise, à la bonté naturèle du François : l'amour - propre contribue à le rendre aimable; plus il croit plaire, plus il a de penchant à aimer. La frivolité qui nuit au dévelopement de fes talens & de fes vertus, le préferve en même tems des crimes noirs & réflé→ chis. La perfidie lui eft étrangère, & il est bientôt fatigué de l'intrigue. Le François eft l'enfant de l'Europe. Si l'on a quelquefois vu parmi nous des crimes odieux, ils ont disparu-, plutôt par le caractère national, que par la févérité des loix.

Un peuple très-éclairé & très - esti➡ mable à beaucoup d'égards, fe plaint que la coruption eft venue chez lui au point qu'il n'y a plus de principes d'hor neur, que les actions s'y évaluent touqu'elles font en proportion exacte avec l'intérêt, & qu'on y pouvoit faire Le tarif des probités,

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Je fuis fort éloigné d'en croire l'hu meur & des déclamations de parti; mais s'il y avoit un tel peuple, ce que je ne veux pas croire, il feroit composé d'une multitude de vils criminels, parce qu'il y en auroit à tout prix,& on y trouveroit plus de fcélérats qu'en aucun lieu du monde, puifqu'il n'y auroit point de vertu dont on ne pût trouver la valeur,

Cela n'est pas theureusement ainsi parmi nous. On y voit peu de criminels par fyftême, la misère y eft le principal écueil de la probité. Le François fe taille entraîner par l'exemple, & féduire par le befoin; mais il ne trahit pas la vertu de deffein formé. Or la néceffité ne fait guère que des fautes quelquefois pardonables; la cupidité réduite en sys= tême fait les crimes.

C'est déja un grand avantage, que de ne pas fupofer que la probité puifle

gens

être vénale; cela empêche bien des de chercher le prix de la leur ; elle n'existe plus dès qu'elle eft à l'encan. Les abus & les inconvéniens qu'on remarque parmi nous, ne feroient pas fans remèdes, fi on le vouloit. Sans entrer dans le détail de ceux qui apartiènent autant à l'autorité qu'à la Philofo phie, quel parti ne tireroit pas de luimême un peuple chez qui l'éducation générale feroit affortie à fon génie, à fes qualités propres, à ses vertus, & même à fes défauts ?

CHAPITRE II.

Sur l'Éducation, & fur les Préjugés.

N trouve parmi nous beaucoup d'inftruction, & peu d'éducation. On y forme des Savans, des Artistes de toutes espèces; chaque partie des Lètres des Sciences & des Arts y eft cultivée avec fuccès, par des méthodes plus ou moins convenables. Mais on ne s'eft pas encore avifé de former des homes, c'est-à-dire, de les élever respectivement les uns pour les autres, de faire porter fur une bafe d'éducation générale toutes les inftructions particulières; de façon qu'ils fuffent acoutumés à chercher leurs avantages perfonels dans le plan du bien général, & que dans quelque profeffion que ce fût, ils començaffent par être Patriotes.

Nous

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