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Nous avons tous dans le cœur des germes de vertus & de vices ; il s'agit d'étoufer les uns & de déveloper les autres. Toutes les facultés de l'ame fe réduifent à fentir & penfer : nos plaifirs confiftent à aimer & conoître; il ne faudroit donc que régler & exercer ees difpofitions, pour rendre les homes utiles & heureux par le bien qu'ils feroient, & qu'ils éprouveroient euxmêmes. Tèle est l'éducation qui devroit être générale, uniforme, & préparer l'inftruction qui doit être diférente; fuivant l'état, l'inclination & les difpofrtions de ceux qu'on veut inftruire. L'inftruction concerne la culture de l'efprit & des talens.

Ce n'eft point ici une idée de Répu blique imaginaire: d'ailleurs ces fortes d'idées font, au moins, d'heureux mo dèles des chimères qui ne le font pas totalement, & qui peuvent être réaliB

fées jufqu'à un certain point. Bien des chofes ne font impoffibles que parce qu'on s'eft accoutumé à les regarder come tèles. Une opinion contraire & du courage rendroient fouvent facilet ce que le préjugé & la lâcheté jugent impraticable.

Peut-on regarder come chimérique ce qui s'eft exécuté? Quelques anciens Peuples, tèls que les Egyptiens & les Spartiates, n'ont-ils pas eu une éducation relative à l'Etat, & qui en faifoit en partie la constitution ?

En vain voudroit-on révoquer en doute des mœurs fi éloignées des nôtres on ne peut conoître l'antiquité que par le témoignage des Hiftoriens, tous dépofent & s'acordent fur cet article. Mais come on ne juge des homes que par ceux de fon fiècle, on a peine à fe perfuader qu'il y en ait eu de plus fages autrefois, quoiqu'on ne

ceffe de le répéter par humeur. Je veux bien acorder quelque chofe à un doute philosophique, en fupofant que les Hiftoriens ont embèli les objets; mais c'eft précisément ce qui prouve à un Philofophe qu'il y a un fonds de vérité dans ce qu'ils ont écrit. Il s'en faut bien qu'ils rendent un pareil témoi gnage à d'autres Peuples dont ils vouloient cependant relever la gloire.

Il est donc conftant que dans l'éducation qui fe donoit à Sparte, on s'ata choit d'abord à former des Spartiates. C'eft ainfi qu'on devroit dans tous les Etats infpirer les fentimens de Citoyen, former des François parmi nous, & pour en faire des François. travailler à en faire des homes.

Je ne fais fi j'ai trop bone opinion de mon fiècle; mais il me femble qu'il y a une certaine fermentation de raison universèle qui tend à fe déveloper,

qu'on laiffera peut-être fe diffiper, & dont on pouroit affurer, diriger & hâter les progrès par une éducation bien entendue.

Loin de fe propofer ces grands principes, on s'ocupe de quelques mé thodes d'inftructions particulières dont l'aplication eft encore bien peu éclai rée; fans parler de la réforme qu'il y auroit à faire dans ces méthodes mèmes. Ce ne feroit pas le moindre fervice que l'Univerfité & les Académies pourroient rendre à l'Etat. Que doit-on enfeigner? Coment doit-on l'enfeigner? Voilà, ce me femble, les deux points fur lesquels devroit porter tout plan d'étude tout fyftême d'inftruction.

Les Artifans, les Artiftes, ceux en. fin qui atendent leur fubfiftance de leur travail, font peut-être les feuls qui reçoivent des inftructions convena

bles à leur deftination; mais on done absolument les mêmes à ceux qui font nés avec une forte de fortune. Il y a un certain amas de conoiffances prefcrites par l'ufage qu'ils aprènent im parfaitement, après quoi ils font cenfés inftruits de tout ce qu'ils doivent favoir, quèles que foient les profeffions auxquèles on les destine.

Voilà ce qu'on apèle l'éducation, & ce qui en mérite fi peu le nom. La plûpart des homes qui penfent, font fi perfuadés qu'il n'y en a point de bo nés, que ceux qui s'intéreffent à leurs enfans, fongent d'abord à fe faire un plan nouveau pour les élever. Il est vrai qu'ils fe trompent fouvent dans les moyens de réformation qu'ils ima ginent, & que leurs foins fe bornent d'ordinaire à abréger ou aplanir quelques routes des Sciences; mais leur conduite prouve du moins qu'ils fen

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