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dans le fiecle paffé; encore voit - on des gens fufpects, à cet égard, qui n'en font pas moins acueillis d'ailleurs. La feule juftice qu'on en faffe, eft d'employer beaucoup de politeffes & de détours pour fe difpenfer de jouer avec eux; cela reffemble moins au mépris qu'à la prudence. Mais un home du monde, qui eft irréprochable par cet endroit & par la valeur, eft home d'honeur décidé. Quoiqu'il fasse profeffion d'être de vos amis, n'ayez rien à démêler avec lui fur l'intérêt, l'ambition ou l'amour propre. S'il craint feulement d'ufer fon crédit, il vous manquera fans fcrupule dans une ocafion effentièle, & ne fera blâmé de perfone. Vous vous croyez en droit de lui faire des reproches, mais il en eft plus furpris que confus; il refte home d'honeur. Il ne conçoit pas que vous ayez pu regarder comme un

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engagement de fimples propos de politeffe; car cète politeffe, fi recomandée, fauve bien des baffeffes; on feroit trop heureux qu'elle ne couvrît que des platitudes.

Il y a, à la vérité, tèle action fi blâmable, que l'interprétation ne fauroit en être équivoque. Un home d'un caractère lefte trouve encore alors le fecret de n'être pas deshonoré, s'il a le courage d'être le premier à la publier & de plaifanter ceux qui feroient tentés de le blâmer. On n'ofe plus la lui reprocher, quand on le voit en faire gloire. L'audace fait fa juftifica tion, & le reproche qu'on lui feroit feroit un ridicule auquel on n'ofe s'expofer. On comence alors à douter qu'il ait tort; on craint de l'avoir. Dans la façon comune de penser, prévoir une objection, c'est la réfuter, fans être obligé d'y répondre; dans les mœurs.

prévenir un reproche, c'eft le dé

truire.

Un home qui en a trompé un autre avec l'artifice le plus adroit & le plus criminel, loin d'en avoir des remords ou de la honte, fe félicite fur fon habileté; il fe cache pour réuffir, & non pas d'avoir réuffi; il s'imagine fimplement avoir gagné une bèle partie d'échecs, & celui qui eft fa dupe ne pense guère autre chofe, finon qu'il l'a perdue par fa faute : c'eft de luimême qu'il fe plaint. Le reffentiment est déja devenu un fentiment trop noble, à peine eft on digne de haïr, & la vengeance n'est plus qu'une revanche utile; on la prend comme un moyen de réuffir, & pour l'avantage qui en réfulte.

Cète manière de penfer, cète négli gence des mœurs àvilit ceux mêmes qu'elle ne deshonore pas, & devient de

plus en plus dangereuse pour la fociété. Ceux qui pouroient prétendre à la gloire de doner l'exemple par leur rang ou par leurs lumières, paroiffent avoir trop peu de respect pour les principes, même quand ils ne les violent pas. Ils ignorent qu'indépendament des actions, la légèreté de leurs propos, les fentimens qu'ils laiffent apercevoir, font des exemples qu'ils donent. Le bas Peuple n'ayant aucun principe, faute d'éducation, n'a d'autre frein que la crainte, & d'autre guide que l'imitation. C'eft dans l'état mitoyen que la probité eft encore le plus en honeur.

Le relâchement des mœurs n'empê che pas qu'on ne vante beaucoup l'ho neur & la vertu ; ceux qui en ont le moins, favent combien il leur importe que les autres en aient. On auroit rougi autrefois d'avancer de certaines maxi

mes, fi on les eût contredites par les ac tions les difcours formoient un pré, jugé favorable fur les fentimens. Au jourd'hui les difcours tirent fi peu à conféquence, qu'on pouroit quelquefois dire d'un home qu'il a de la probité, quoiqu'il en faffe l'éloge. Cependant les discours honêtes peuvent tou jours être utiles à la fociété ; mais on ne fe fait vraiment honeur, & l'on ne fe rend digne de les tenir que par fa conduite. C'est un engagement de plus, & l'on ne doit pas craindre d'en prendre, quand il est avantageux de les remplir.

On prétend qu'il a régné autrefois parmi nous un fanatifme d'honeur, & l'on raporte cète heureuse manie à un fiècle encore barbare. Il feroit à défi rer qu'elle fe renouvelât de nos jours: les lumières que nous avons acquifes ferviroient à régler cet engoûment,

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