Imágenes de páginas
PDF
EPUB

IV. Il fuffit à un miniftre de Jefus Christ de faire tout ce qu'il peut, felon tout ce qu'il a reçu de Dieu. Or Dieu donnant les graces aux hommes avec, differentes mefures, il peut arriver qu'un homme à qui il a peu donné foit fidelle, parcequ il donne tout ce qu'il a, & qu'un autre qui donne beaucoup plus foit infidelle, parcequ'il ne donne pas tout ce qu'il a reçu pour le donner. fly en a qui. font des impreffions plus fenfibles, & qui font néanmoins réellement moins de fruit, parcequ'ils attirent moins de bénedictions de Dieu par la fidelité de leurs actions: & il y en a d'autres qui attirent. beaucoup plus de bénedictions, quoiqu'ils ne remuent point fenfiblement l'i-magination, parceque leurs prieres font plus pures, & leur conduite plus édifiante, & que Dieu donne plus d'effica ce à leurs paroles.

V. Pour moi je me mets peu en peine d'ê tre jugé par vous, ou par quelqu'homme que ce foit. V. 3

On peut fe foucier en deux manieres de l'approbation des hommes, felon qu'on la peut regarder, ou comme un bien, ou comme un mal pour les autres, ou comme un bien ou comme un mal pour nous. mêmes. Ceft un mal pour les autres s'ils jugent témerairement de leurs Pafteurs »»

oufi ce qui leur plaît en eux eft ce qu déplaît à Dieu. C'eft un bien,fi l'eftime qu'ils ont pour eux eft conforme à celle de Dieu, & fi elle augmente leur créance, & donne plus d'entrée dans leur cœur aux verités de l'Evangile. Saint Paul ne dit pas qu'il ne fe foucie point d'être blâmó ou eftimé par les hommes, en regardant leur blâme ou leur approbation en cette maniere,c'est-à-dire par rapport à eux ; au-contraire il dit en d'autres lieux qu'il a deffein de plaire à tout le monde pour les gagner tous mais c'eft en confiderant les jugemens des hommes par rapport à lui-même, qu'il déclare aux Corinthiens qu'il ne s'en foucie pas. En effet ces ju gemens ou contraires ou favorables ne nous fervent effectivement de rien. Ils nous laiffent tels que nous fommes. Que rous les hommes s'uniffent à louer quelqu'un, ils n'ajoûteront rien à fon mérire. Qu'ils s'uniffent à le blâmer, ils ne lui en ôteront pas la moindre partie. Il ya même plus de bien réel dans les jugegemens defavantageux que dans les plus favorables, parceque les premiers peuvent contribuer à nous humilier : & qu'il est bien à craindre qu'on ne s'éleve des

autres.

VI. Cependant l'homme eft fi miferable & fi vain, que quoiqu'il ne puifle

defavouer ces verités, il ne fauroit s'em pêcher de regarder comme un grand bienou comme un grand mal d'être bien ou mal placé dans l'efprit des autres. Il fe nourrit ou il s'effraye du fpectacle des jugemens des hommes, & il est étrange combien l'impreffion qu'il en reçoit a de part à fes actions. C'est de cette corruption que la grace avoit exemté faint Paul :& nous ne faurions mieux nous procurer quelque part à un fi grand bien, qu'en nous fervant des mêmes verités dontDieu s'étoit fervi pour le guérir lui-mê me de cette maladie, qui font celles qu'il nous propofe dans la fuite de cette: Epitre.

VII. Je n'ofe pas même me juger moi-même,

[ocr errors]
[ocr errors]

Saint Paul déclare donc qu'il ne prend pas la liberté de le juger lui-mê ne,& que c'eft à Dieu à qui il appartient de Voyez le le juger. Les jugemens que les hommes Tra téde font de nous, font témeraires, parcequ'il téme ai- ne nous connoiflent pas, & qu'ainfi ils en jugent au hazard: mais cette même raifon prouve que nous ne devons pas nous juger nous-mêmes, parceque nous ne nous connoiffons pas auffi.

jugemens

res:

Onpeut connoître avec certitude cer tains pechés & certains défauts, & c'est Fourquoi faint Paul veut bien qu'on fe

juge à cet égard: mais on n'en connoît pas néanmoins le degré précis ; il y a toujours en cela même quelque chofe de caché qu'il faut lailler à Dieu.

Pour les vertus, nous les connoiffons encore moins. Non feulement nous n'en connoiflons pas le degré, mais nous ne favons pas même avec une entiere certinude fi nous en avons quelqu'une, & s'il n'y a point quelque chofe de caché en nous qui détruite tout ce qui y paroît de bon. Dieu veut que les plus juttes vivent dans cette incertitude qui n'empêche pas la jutte confiance qu'ils ont d'etre à Dieu. C'eltpourquoi faint Paul fe contente de dire qu'il ne fe fent coupable de rien ; mais v. 48 il ne nie pas qu'il n'eût une grande confiance d'être à Dien, quoique cette confiance ne fût pas telle qu'il osat fe juftifier lui-même.

VIII. C'eftpourquoi ne jugez point avans' be tems. v. 5.

Saint Paul après avoir déclaré fes fen-→ timens fur foi-même, préfcrit aux Corinthiens la regle génerale qu'ils devoient garder dans leurs jugemens. Cette regle eft de ne juger point avant le tems,c'està-dire, avant la manifeftation de la verité. D'où il s'enfinit qu'il n'eft pas défendu de juger, ou plutôt de voir les chofes claires, parceque la verité en est déja

manifefte. Cette regle ne s'entend donc que des chofes obfcures & incertaines mais ces chofes obfcures & incertaines s'étendent bien plus loin qu'on ne penfe, parceque nous connoiffons peu de chofes avec certitude. Nous ne connoiflons ni le fond des cœurs des autres, ni le nô tre propre. Leurs véritables intentions nous font cachées. Ne jugeons donc ja mais de leurs intentions ni du fond de leur vertu, ou de leurs vices. La plupart de leurs actions nous échappent. Nous ne les connoiflons qu'à demi, & nous ignorons prefque toujours quantité de circonstances dont elles dépendent. Soyons donc extrêmement retenus dans nos jugemens, puifque nos connoiffances font fi bornées & fi peu exactes. Il y aura un tems où il fera permis de juger. Ce fera lorfque Dieu aura découvert le fecret des cœurs, & qu'il en fera voir à tout le monde les replis les plus cachés. Pourquoi prévien→ drions-nous ce tems par des jugemens précipités & témeraires, & nous expoferions-nous à y être convaincus de cette précipitation qui a prefque toujours fa fource dans la malignité du cœur? Ne jugeons donc point, de peur d'être jugés nous mêmes en ce jour comme préfomtueux & témeraires. Ne nous attribuons point ce qui n'appartient qu'à Dieu. C'eft.

« AnteriorContinuar »