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W. 120

plus ordinaire dans le monde que
de ne
confiderer que fa propre gloire & fes pro-
pres interêts dans le choix des miniftres
de l'Eglife, dans la prédication de la
pa-
role de Dieu, & dans l'exercice des mi-
nifteres les plus faints?

VII. Mais pour nous faciliter la pra→ tique de ces devoirs eflenciels, & nons en donner une idée plus précife, l'Apotre 1 ajoûte, qu'il faut vivre dans ce monde avec temperance, avec juftice, avec pieté. Le paffage de cette vie eft court; mais l'éternité en dépend. Rien n'eft donc plus im portant que de favoir de quelle maniere on s'y doit conduire. Celt ce que l'Apôtre apprend à tous les hommes par ces trois paroles: Avec temperance,avec juftice, avec pieté.

Perfonne n'eft difpenfé de ces devoirs, riches, pauvres, grans, petits, Rois, fujets, maîtres, efclaves. Il faut que tous les hommes marchent par ce chemin pour arriver à la vie ; car il n'y en a point d'aurre. Mais en quoi confiftent ces trois difofitions effencielles & indifpenfables? La temperance n'étant point reftrainte à un objet particulier, confifte en géneral à n'ufer des créatures que dans les bornes de la néceffité:& comme ces vertus fe renferment en quelque forte l'une l'au-tre, cette regle de la temperance chre

tienne eft en même - tems une partie de la juftice. Car Dieu ne nous accordant toutes les chofes de cette vie que pour la néceffité, quiconque en ufe pour fon plaifr & fans néceffité, abufe des dons de Dieu, & ufurpe ce qui ne lui appartient point. Il est injufte envers Dieu, puifqu'il ravit ce qui ne lui a point été donné, & qu'il s'enfert contre fon intention.

Et il eft injufte envers foi-même, par cequ'il s'avilit & fe dégrade par cette Jouiffance des biens indignes de l'excellence de la nature, & qu'il rend fon ame malade par l'attache que la jouiffance des créatures produit néceffairement.

Enfin s'étant rendu par fon peché indigne de la poffeffion des créatures, c'est encore une plus grande injuftice que d'en vouloir user contre la volonté de Dieu, qui ne l'accorde à l'homme pécheur dans la néceffité même, que par une indulgence qu'il ne méritoit pas.

VIII. La juftice que préfcrit l'Apôtre fe doit pratiquer envers Dieu, envers nousmêmes, & envers le prochain.

Envers Dieu, en lui rendant ce que nous lui devons, amour, reconnoiffance, obéiffance, foumiffion, humilitė.

Envers nous-mêmes, en faifant tout ce qui eft néceffaire pour nous procurer une éternité bienheureufe,& pour éviter l'ég

ternité malheureuse..

Mais l'Apôtre a principalement en vue celle que l'on doit pratiquer envers le prochain; parceque c'eft celle-là qui eft la plus connue des hommes, & qu'ils renferment ordinairement fous l'idée de la justice.

Or on pratique la juftice envers le prochain, en ne lui faifant aucun tort,& en lui rendant tout ce qui lui appartient. La juftice veut que nous ne lui faffions aucun tort, mi dans fes biens temporels, ni dans fa perfonne, ni dans fa réputation, non feulement par nos actions & par nos paroles, mais par nos jugemens mêmes. Car les jugemens témeraires que l'on fait du prochain, font une espece d'injuftice, Nous lui ôtons au-moins devant Dieu ce qui lui appartient : & Dien connoît en nous cette injuite difpofition. Si nous ne bleffons pas le prochain, parcequ'il n'en fent rien,nous bleflons la juftice même à qui toutes nos penfées font connues.

Mais la principale partie de cette forte de juftice confifte à ne nuire point au prochain à l'égard des biens fpirituels, à ne lui point donner de mauvais exemples, ne lui point infpirer de mauvaises maximes, à n'imprimer point dans fon efprit l'image de nos paffions. Car cette image nuit toujours au prochain, parcequ'elle le porte à vivre de paffion, & à quitter la conduite de la raison.

Enfin la même juftice nous oblige, felon l'Apôtre, à rendre au prochain tour ce qui lui eft dû, l'honneur à qui l'on le Rom. 13è doit, le tribut à qui l'on eft obligé de le payer, 7. parceque c'eft lui faire tort que de ne lui rendre pas ce qui lui eft dû. Et entre les chofes qui lui font dûes, on doit compter la charité & le pardon des offenfes, Car étant obligés envers Dieu à une fouveraine reconnoiffance pour les miferi cordes qu'il nous a faites. Dieu transporte au prochain une partie de fes droits. Mé- Matth. chant ferviteur, dit Dieu dans la parabole 18. 324 de l'Evangile,je vous avois remis toute votre dette: n'étiez-vous donc pas obligé de faire mifericorde à un de vos compagnons, comme je vous l'avois faite?

Le pardon des offenfes n'est donc pas une action de pure charité; c'eft une obli gation de juftice. Ceft une véritable dette envers Dieu, & une reconnoillance très-jufte que Dieu exige de tous les hommes,& dont il donne le droit à tous ceux qui ont befoin de ce pardon.

IX. Enfin il ne fuffit pas de pratiquer ces devoirs envers foi-même ou envers le prochain, fi l'on s'arrête à la créature. I faut s'élever à Dieu dans la pratique de toutes les vertus, en le regardant comme l'objet principal de notre amour, comme notre fin & notre fouverain bien, en de

bid.

que

firant de nous unir à lui, & de nous raf fafier de la parfaite juftice. C'eft cette heureuse efperance & ce faint defir qui devroit être continuel dans l'efprit des 13. Chrétiens: Nous devons, dit l'Apôtre, toujours être dans l'attente de la beatitude nous efperons. On doit defirer le royaume de Dieu, le parfait affujettissement à ses volontés, & enfin qu'il regne pleinement dans nous. Et comme lavenement glorieux de JESUS-CHRIST eft le commencement de ce regne parfait & éternel, nos penfées & nos defirs doivent fe porter continuellement vers ce grand objet qui commencera le regne éternel & invariable de Dieu fur les hommes. Car ce commencement comprend en un fens tout ce qui fe fera dans l'éternité, puifque cette vie bienheureuse où JESUS CHRIST établira fes élus dans fon fecond avenement, fera incapable de viciffitude & de variété Un jour & mille jours font la même chofe, C'eftpourquoi l'Ecriture nous repréfente la beatitude éternelle fous l'image d'un F83. jour. Un feul jour dans votre maison, dit à Dieu le Roi prophete, vaut mieux que mille par-tout ailleurs.Ceft un jour unique, mais un jour éternel, toujours femblable à foi-même, fans fucceffion & fans changement: & c'eft dans le defir de ce jour que confifte la pieté, dont JESUS-CHRIST

AL.

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