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Il femble qu'il n'y ait guere de perfonne qui ne rendît facilement ce témoignage de foi-même, qu'il n'eft pas la lumiere, qu'il n'eft pas le CHRIST; & qu'aina fi il n'y a rien d'extraordinaire dans ce qu'a fait faint Jean-Batifte, & que chacun ne foit difpofé à faire auffi-bien que lui. Mais fi l'on veut bien penetrer le fond de la corruption de l'homme, on trouvera que ce témoignage eft plus rare qu'on ne penfe, lorsqu'il eft auffi fincere & auffi étendu qu'il doit être, & que la verité l'exige de nous. Il y a dans l'homme pécheur une hypocrifie naturelle qui lui fait defirer de pafler pour autre qu'il n'eft, & d'être traité autreinent qu'il ne mérite. Non feulement il ne veut pas être connu dans fes défauts, mais il ne veut pas même les connoître. Il détourne les yeux de fes miferes & de fes pechés. Il ne les avoue ni aux autres ni à foi-même. Il tend toujours à fe juftifier. Il s'attribue même en quelque forte d'être lumiere, en voulant marcher tout feul, & fuivre fes volontés & fes caprices, en préferant fes penfées aux regles de la Sagelle éternelle. Entrer dans une difpofition oppofée à celle-là, reconnoître toutes fes ténebres & toutes fes miferes, c'eft imiter faint Jean; c'eft rendre témoignage qu'on n'eft pas la lumiere; c'eft entrer dans la

voie de la pénitence à laquelle il a exhorMatt. 3 té tous les hommes: Pænitentiam agite; & enfin c'eft proprement croire par lui, en recevant cette partie de fon témoignage.

Ioan. 1.

29.

VII. Outre ce témoignage qu'il faut rendre contre foi-même à l'imitation de Jean-Batifte, il faut encore rendre celui qu'il a rendu à Jefus-Chrift; c'est-à-dire, qu'il faut confeffer Jefus-Chrift comme il a fait; qu'il faut le recevoir comme la véritable lumiere qui nous a été donnée pour nous conduire, en fe foumettant parfaitement à fa doctrine,en defavouant en nous tous les fentimens qui y font contraires, en le faifant régner fur tous les mouvemens de notre ame. Ce n'eft pas confeffer que Jefus-Chrift eft la vérible lumiere que de ne pas le fuivre. C'est au-contraire protefter qu'il ne l'eft pas. Qui fuit fes fantaisies, prend fes fantaifies pour lumiere, & il tombe ainfi dans une espece d'idolatrie. Il faut recevoir Jefus-Chrift comme l'Agneau de Dieu, c'eft-à-dire, comme la victime qui nous a rachetés par fon fang. Car c'eft encore un témoignage que faint Jean lui a rendu en difant de Jefus-Chrift qu'il voyoit venir à lui: Voilà l' Agneau de Dieu. Or en cette qualité nous lui devons toutes nos actions; c'est-à-dire, que nous ne devons vivre que pour lui, puifqu'il nous a

achetés par ce prix ineftimable. Qui lui fouftrait donc quelque partie de fa vie, commet une injuftice & un larcin.

VIII. Mais quelle fera la récompenfe de ceux qui la recevront, à l'imitation de Jean-Batifte? L'Evangelifte nous le déclare par ces paroles: Il a donné à ceux qui v, 127 font reçu, reçu, le pouvoir de devenir enfans de Dieu. Rien de plus miferable que ceux qui rejetteront Jefus - Chrift; puifqu'ils feront en même-tems privés de la vie de l'ame. Rien de plus heureux que ceux qui le recevront, puifqu'ils feront rendus participans de la véritable vie: & il faut par néceffité que chacun foit du nombre des uns ou des autres. Il n'y a point de milieu, l'homme eft deftiné ou ala fouveraine mifere, on au fouverain bonheur: & la raifon en eft, que quiconque eft privé de Dieu, eft privé de tout; parceque la juftice de Dieu ne permet pas qu'ayant rejetté le bien fouverain il jouifle d'aucun autre bien, pour petit qu'il foit. Quiconque au-contraire fera trouvé digne de poffe der Dieu, participe néceffairement à tous les biens en qualité d'enfant de Dien, le droit des enfans étant d'avoir part à l'heritage de leur

pere.

IX. Pour avoir quelque idée de cette eminente qualité d'enfans de Dieu, qui

2. 13.

convient à tous les Chrêtiens, & de ce qu'elle nous donne lieu d'efperer, il eft bon de confiderer que par elle nous appartenons à Dieu d'une maniere beaucoup plus réelle & plus effective, que les enfans des hommes n'appartiennent à leurs peres & à leurs meres felon la chair; & c'eft auffi ce que l'Apôtre faint Jean nous a voulu faire entendre par ces paroles: Qui ne font point nés du fang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme, mais de Dieu même. C'est la chair & le fang, c'eft à dire, que c'est une néceffité aveugle qui nous rend enfans des hommes: mais les hommes naiffent de Dieu par le choix & par l'élection de Dieu. Les peres font peres, parcequ'ils communiquent à leurs enfans une vie femblable à la leur, c'eft-à-dire, une vie humaine & miferable. Dien eft notre pere en nous rendant participans de fa vie divine. Il eft lumiere, il eft amour. Il nous vivifie en nous éclairant & en nous communiquant fon amour; & c'est en cela même qu'il eft bien different des peres felon la chair. Car les peres de la terre ayant donné la vie une fois à leurs enfans, ne contribuent plus rien à la conservation de cette vie, & ne font, pour le dire ainfi, peres que pour un moment, Mais Dieu eft notre pere par une action

continuelle, & parcequ'il nous éclaire toujours, & qu'il conferve dans notre cœur l'amour qu'il a créé. Il eft notre pere, & le devient de plus en plus, à mefure qu'il nous communique cette vie de connoiffance & d'amour plus abondamment. C'est pourquoi, encore que nous foyons enfans de Dieu dès cette vie même, comme dit faint Jean, nous le ferons néanmoins dans l'autre d'une maniere bien plus parfaite ; parceque Dieu nous y comblera de tous fes biens, & nous eni- Pf. 35 vrera, comme parle l'Ecriture, de l'abon- 9. dance de fa maifon, &du torrent de fes delices céleftes. Nous attendons encore notre Rom. 84 adoption parfaite dans l'autre vie, & nous 23. n'en avons que de petits commencemens en celle-ci, où nous fommes tellement enfans de Dieu, que nous tenons encore beaucoup de notre premiere naiffance, c'eft-à-dire, de l'ignorance & de la baffeffe dans laquelle nous fommes nés.

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