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Tongue douleur. Il ne faut pas fouffrir les maux, il faut fouffrir les hommes qui les canfent, leurs humeurs, leurs caprices, leurs chagrins, leurs injuftices; & il faut fouffrir tout cela avec douceur & avec amour. Il ne faut pas fouffrir feulement les autres homines, il fe faut fouffrir foimême, la mortalité de fon corps, les foiblefles & les ténebres de fon efprit, & enfin ses propres pechés, dont il fant por ter l'humiliation fans s'abattre & fans fe décourager.Il ne faut pas feulement fouffrir & les hommes & foi-même, mais il faut auffi fouffrir la conduite qu'il plaît à Dieu de tenir fur nous. Elle n'eft pas toujours conforme à nos inclinations. Dieu a fes tems & fes retardemens qui ne s'ac cordent pas toujours avec nos impatiences & nos defirs; & c'eft pourquoi l'Ecriture nous recommande de nous y aflujettir: Souffrez, dit-elle, les rerardemens Eccli. z« de Dieu: SUSTINE fuftentationes Dei. La patience même ne fe pratique pas feulement, felon l'Ecriture, à l'égard des biens & des bonnes actions, parcequ'il eft difficile d'y perfeverer. C'est pourquoi l'Ecriture nous recommande la patience dans les bonnes œuvres: Patientiam boni aperis. Elle nous affure que la femence de l'Evangile ne porte du fruit que lorf qu'on attend ce fruit avec patience. By

Rom. 26

7.

Luc. 95

Tob. 2.

22.

39.

Ceft une chole pénible que de con tinuer de bonnes œuvres lorfqu'on n'en voit pas les fruits & les récompen fes: ce qui fir que la femme de Tobie fe laiffant aller à l'impatience lui dit: left clair que votre efperance eft vaine, & l'on voit préfentement l'inutilité de vos aumônes. L'Ecriture nous exhorte à pratiquer la patience en toutes ces manieres, & elle nous fournit dans chacune de puiffantes confolations pour nous y foutenir : c'est pourquoi la patience & la confolation font attribuées à l'Ecriture par ces paroles de faint Paul Patientiam & confolationem fcripturarum.

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IV. Saint Paul nous reprefente l'efperance comme un fruit de la patience & de la confolation, Afin, dit-il, que par la patience & la confolation des Ecritures nous ayions l'efperance. Cependant c'eft l'efperance même qui nous rend patiens, c'eft: l'efperance qui nous confole dans les 66. maux; & c'eftpourquoil'Apôtre la compare à une ancre ferme & affurée, qui nous tient immobiles dans les tempêtes & les agitations de cette vie. Mais c'eft: qu'il y a deux fortes d'efperances. L'une qui précede la patience, l'autre qui la fuit. L'une qui la produir, l'autre qui en est la récompenfe. Car il ne faut pas s'ima→ giner què l'efperance d'un homme qui

n'a encore rien fouffert, foit pareille à cel le des perfonnes qui ont été long-tems exercées dans la patience. Celle qui fuit la patience est tout autrement vive & forte. Elle nous fait goûter en quelque maniere par avance les biens qu'elle nons fait efperer, elle en rend le cœur tout pénetré. Telle étoit l'efperance des Martyrs; & c'est ce que l'Ecriture nous promet quand elle nous dit : Vos confolations, Sei- P[ 9# gneur, ont rempli de joie mon ame, à propor- 19. tion des penfées de trouble qui ont agité le fond de mon cœur. La mefure des confolations de Dieu eft celle des fouffrances. Voilà l'efperance qui naît de la patience, & que faint Paul lui attribue comme fon effet.

v.

V. La patience, la confolation, l'efperance font attribuées à l'Ecriture dans le commencement de cette Epitre, & dans la fuite ces mêmes vertus font attribuées à Dieu, qui eft appelé par cette raison le v §. Dieu de patience, le Dieu de confolation, le Dieu d'efperance. C'eft que ces effets conviennent à Dieu & à l'Écriture, mais differemment. Diew eft la véritable fource de ces vertns. Il faut que ce foit lui qui les verfe dans le cœnr: mais il fe fert de l'Ecriture comme d'un inftrument & d'un moyen, afin de cacher fes operations diVnes. Il faut donc pour les obtenir,non

feulement s'adreffer à Dieu par la priere, mais fe fervir même des moyens qu'il employe ordinairement pour cela, qui eft la lecture & la méditation de l'Ecriture. Il faut fe foumettre à la conduite ordinaire de Dieu, pratiquer les moyens qu'il nous a préfcrits, & ne pas prétendre qu'il· agisse fur nous d'une maniere extraordi

naire.

VI. L'Apôtre faint Paul fouhaite dans la fuite; que le Dieu de patience donne aux Romains à qui il parle, une parfaite union de cœurs de fentimens. Et ce n'eft pas fans raifon qu'il fonde cette union fur ce que Dieu eft un Dieu de patience. Car Moral. 1. ileft impoffible, comme dit faint Gregoire, 31.c. 16. d'être uni aux hommes & de vivre en paix c. 21. n. avec eux, fans pratiquer à leuregard beau

nov. edi

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coup de patience. Quiconque relève tout,& ne veut fouffrir dans les autres aucun défaut de perfection ou de lumiere, ne doit pas prétendre être jamais uni de fentimens avec eux. Les penfées & les lumieres des Rom. 14 hommes étant differentes, chacun abonders toujours dans fon fens : & c'eft pourquoi Apôtre ordonne de le fouffrir. Unufquifque in fuo fenfu abundet. L'union des Chré tiens entr'eux doit donc confiter à fouffrir patiemment ces petites differences de fentimens, à les tolerer, à ne faire pas femblant de les voir, & à ne faire paroître

an-dehors qu'une union parfaite dans les maximes capitales de la Religion: afin de v. 6. louer Dieu d'une même bouche, en fupprimant ces petites differences de lumieres dont nous avons parlé,& de le louer d'un même cœur en s'attachant uniquement aux verités,capitales dans lesquelles on est uni, & en remettant l'éclairciflement des autres au tems où Dieu diffipera entie rement les tenebres de nos cœurs.

VII. C'eftpourquoi unissez-vous les uns avec les autres, pour vous foutenir mutuellement, comme JESUS-CHRIST vous a unis avec lui' pour la gloire de Dieu. v. 7.

Saint Paul invitant les Chrétiens à s'u nir les uns aux autres, leur en propofe le plus parfait modelle & le plus puiflant inotif dont on fe puiffe fervir. Ceft l'union que JESUS-CHRIST a bien voulu avoir avec nous en nous faifant membres de fon corps, & nous uniflant par là avec fon Pere même. Car qui peut refufer de s'unir avec fes freres après cet exemple? Quelle proportion y a-t-il de la perfection fouveraine de JESUS-CHRIST avec l'imperfection & les défauts de fes membres?

Qui les connoît mieux que JESUSCHRIST à qui rien ne peut être caché, & qui a toute une autre idée des mɔindres défauts que celle que les hommes en

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