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affaires temporelles mais on n'en a point pour le fouvenir des bienfaits de Dieu. On manque, dit-on fouvent, de penfées pour s'entretenir devant Dieu. Pourquoi ne s'entretient - on pas de fes bienfaits qui nous ferviroient d'une matiere infinie, fi nous avions quelque fond de gratitude? Il y en a qui fe plaignent qu'ils n'ont rien à faire, & qui cherchent à perdre leur tems. Pourquoi ne l'emploient-ils pas à repaffer dans leur efprit les graces de Dieu, & à en renouveler ainfi le fouvenir?

III. Mais cette admirable gratitude de faint Paul étoit jointe encore à un autre mouvement non moins nécessaire. Comme il rendoit gracescontinuellement à Dieu pour les bienfaits dont il avoit comblé les Theffaloniciens, il prioit continuellement Dieu afin qu'il les conservât & les augmentât. La priere & l'action de graces doivent être infeparables. Quiconque a reçu des graces de Dieu, doit en avoir de la reconnoiffance: mais comme on ne les fauroit conferver fans de nouvelles graces, il faut néceffairement qu'il prie pour les obtenir. Ainfi cenx à qui il a fait la grace de contribuer à la converfion de quelque ame, s'acquittent imparfaitement de leur miniftere, s'ils fe contentent d'avoir prié & d'avoir rendu graces

quelque tems pour elle, s'ils ne continuent toujours de remercier Dieu, & de prier pour la confervation de cette grace. Ils n'ont pas plus d'affaires que faint Paul, ni plus de differens objets dans l'efprit. Qu'ils ayent quelque part à fa charité, & ils verront qu'elle dilate le cœur, & qu'elle le rend capable de fuffire à toutes ces differentes actions. Ce n'eft que notre peu de charité qui nous rend fiétroits & li refferrés en nous-mêmes. O ame de faint Paul, ame apoftolique, ame vraiment grande, puisqu'elle embrafsoit tant de differens objets, parcequ'ils y avoient tous fait de profondes traces qui fe renouvelloient fans ceffe par des mouvemens de gratitude & de priere; combien les bornes étroites de notre cœur qui s'occupe & fe remplit de fi peu de chofe, font elles éloignées de votre étendue!

IV. Comme faint Paul connoiffoit parfaitement l'effence de la vertu chrétienne, il nous inftruit même par les louanges qu'il donne à ceux à qui il écrit, & nous apprend ce qui eft véritablement eftimable dans les Chrétiens. Il ne loue pas feulement les Theffaloniciens de leur foi, mais des œuvres de leur foi, c'est-à-dire, d'une foi operante & active qui leur faifoit obferver exactement les commande mens de Dieu.

Il ne les loue pas feulement de leur cha rité, mais d'une charité laborieufe qui les portoit à travailler fortement pour leur perfection & pour affurer leur falut.

Il ne les loue pas feulement de leur espe rance, mais d'une efperance ferme & immobile, par laquelle ils réfiftoient à tout ce qui la pouvoit ébranler. On fait affez que la foi Jans les œuvres, c'eft-à-dire, fans Fac. 2 l'accompliffement des commandemens 25. de Dieu, eft morte; mais on ne comprend pas facilement ce que c'eft que ce travail de la charité & cette ferme efperance que l'Apôtre releve dans les Theffaloniciens.

La plupart des gens font Chrétiens de telle forte qu'ils feroient toutes les mêmes chofes s'ils ne l'étoient point. Toute leur vie eft employée à l'établiffement de leur fortune, & à s'acquitter des minifteres qu'ils exercent, & qu'ils choifiroient quand ils ne feroient point Chrétiens. Un Medecin paffe fa vie à fes vifites, un Juge & un Avocat dans les fonctions de leurs emplois, les Grans à faire leur cour & à executer les ordres des Rois. Ils ne fe`roient pas autre chofe quand ils ne feroient pas Chrétiens. Pour les actions de religion qui y font mêlées, elles font fi peu de chofe & fi courtes, que ce ne peut être ce qui eft marqué par ce travail de la charité dont parle faint Paul, Il eft vrai que

le travail des fonctions légitimes y pent être compris: mais comme il peut avoir pour principe la coutume & l'interêt auffi-bien que la charité, il faut une regle pour le difcerner : & ce mot de faint Paul nous la peut faire trouver.

Cette regle eft, que quand on voit qu'une perfonne eft également fidelle dans fes devoirs lorsqu'ils font contre fes interêts humains, ou dans des chofes où il n'a point d'interêt, on a lien de croire que c'est par charité qu'il s'acquitte de fes emplois. Mais on en doit juger tout autrement lorsqu'on ne voit en quelqu'un que de la langueur pour toutes les actions defintéreffées. Et c'est ce qui pa roît dans la vie de la plupart des Chrétiens. Ils font tout pleins d'ardeur pour toutes les chofes qui ont des récompenfes humaines attachées; mais quand leur interêt n'y a point de part: quand les chofes ne regardent que Dien & fa juftice, on l'interêt de leurs ames: quand il s'agit de combattre leurs paffions, ou d'éviter les occafions du pechè en fe privant de certaines utilités temporelles : quand il eft queftion de foutenir gratuitement la verité & la juftice, ou de réfifter à l'injustice des plus puiffans, ou de fe rencnveler devant Dieu par la retraite, ou de donner à leur ame la nourriture

dont elle a befoin tous les jours par de faintes lectures, il n'y a rien de plus froid & de plus languiffant qu'eux. Leur cha rité, s'ils en ont, eft une charité oiseuse, pareffenfe, & qui donne lieu de conclure que l'interêt a bien plus de part que la vue de Dieu dans tous leurs travaux.Ceft donc avec raison que faint Paul, pour marquer une charité fincere, la défigne par les termes de charité active & laborieuse.

V. Pour comprendre ce que faint Paul veut dire par cette efperance ferme & fouffrante, qu'il appelle SUSTINENTIAM SPEI, il faut confiderer que la condition des premiers Chrétiens étoit bien differente de la nôtre. Quelque déreglement qu'il y ait parmi les Chrétiens d'à préfent, il n'eft pas néanmoins honteux parmi eux d'efperer les biens éternels, & de fe conduire par cette efperance. La vie des Religieux qui quittent le monde férieusement, n'y eft point deshonorée. Mais il n'en étoit pas de même à l'égard des premiers Chrétiens. Ces biens éternels qu'ils prétendoient acquerir paffoient pour des chimeres ridicules, & leur mifere préfente fournifloit aux payens des fujets de rifée & de moquerie Il falloit donc que leur efperance fe foûtint contre toutes ces infultes: & c'eft ce que l'Apôtre loue

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