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que ces œuvres renfermoient en même tems la preuve des propheties, puifque ces œuvres mêmes étoient prédites.

V. Il femble étrange qu'entre les preuves que Jefus-Chrift apporte pour inontrer qu'il étoit le Meffie, il fe ferve de celle-là, que l'Evangile étoit annoncé aux pauvres, puifqu'on jugeroit d'abord qu'il n'y en a point de plus aifée à contrefaire, & que des ambitieux pourroient fort bien ellayer de gagner des pauvres pour fortifier leur parti. Mais c'eft qu'il ne faut pas la féparer des autres preuves, comme il ne faut pas féparer les autres preuves de celle-là. Le Meffie devoit rendre la vûe aux aveugles, l'ouïe aux fourds, & en même-tems annoncer l'Evangile aux pauvres. Ces chofes jointes enfemble fe fortifient mutuellement. Les miracles marquent la puiffance du Meffie, & l'inftruction des pauvres fa bonté. Or le Meffie ne devoit point avoir ni une puiffance fans bonté, niune bonté fans puiffance.

VI. Et heureux celui qui ne prendra point "de moi un fujet de fcandale & de chute. v. 6.

Jefus-Chrift déclarant heureux ceux à qui il ne feroit pas un fujet de scandale & de chute, fait voir qu'il eft aifé de tomber dans ce fcandale, & il n'eft pas difficile de le comprendre. Car il eft impof

fible

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fible qu'on ne foit pas choqué de ce qui eft contraire aux paffions qui poffedent notre cœur. Si donc il eft poffedé d'ambition & d'avarice, il n'eft pas poffible qu'il ne foit scandalifé de Jefus-Christ, c'eft à dire, qu'il ne haifle dans le fond fon humilité & la pauvreté. Il n'y a que ceux dont les inclinations font conformes aux fiennes, qui puiflent n'être point choqués de la vie qu'il a menée: & comme cette difpofition eft fort rare, il est an-contraire fort ordinaire d'être fcandali é de Jefus-Chrift. Tous les Juifs ont été fcandalif's du peu d'éclat & de pompe avecle que! il a paru. Les Pharifiens avares & fuperbes ont été fcandalilés de fon defintérellement & de fon humilité: & ce fcandale qu'ils ont conçu leur ayant donné de l'éloignement de Jefus-Chrift, a étouffé en eux toute l'impreffion de fes miracles. C'eft pourquoi Jefus-Christ ayant employé la preuve de fes auvres pour montrer aux difciples de faint Jean qu'il étoit le Melfie, y joint cet avertif fement: Que c'eft un grand bonheur de n'etre point fcandalife en lui: comme s'il leur cut dit: Quelques fortes & quelques convainquantes que foient les preuves que je vous apporte, elles vous feront inutiles fi la corruption de votre cœur C

Tome IX.

vous donne de l'éloignement de la vie que j'ai choifie.

VII. On s'imagine aifement qu'on eft exemt du defaut d'être fcandalité de Jefus-Chrift, parcequ'on n'eft plus tenté de ne le pas reconnoître pour le Meffie, & qu'on n'a pas l'infolence de blâmer ouvertement les actions. Mais quand on a de l'averfion pour ce qu'il a choifi, il est impoffible qu'on ne condanne en effet ce choix, & qu'on ne préfere fes propres penfées à celle de Jeus-Chrift. On le met au-deffous de foi, & l'on le préfere à la fagelle même. Il eft impoffible de hair la fageffe fans hair Jefus-Chrift; & il eft impoffible de hair Jefus Christ, fans être fcandalifé de Jefus-Chrift, c'està-dire, fans y trouver un fujet de chute. Ainfi ce fcandale eft un défaut géneral qui fe rencontre dans tous les amateurs Joan du monde: Quiconque fait mal hait la lumiere; c'eft-à-dire, qu'il hait la lumiere intérieure de fa confcience qu'il tâche d'étouffer: & cette lumiere n'étant qu'un rayon de la Verité éternelle qui perce le cœur des méchans, & ne permet pas qu'ils ignorent entierement leurs déreglemens, quiconque la hait eft fcandalife de Jefus-Christ.

20.

VIII. Outre cette maniere géner ale d'être fcandalisé de Jefus-Christ, qui fe

fencontre dans tous les pécheurs, il y en a encore d'autres plus particulieres. Ily en a qui fe forment certaines idées trop bornées de la vertu chrétienne, & qui ne la connoiffant pas dans toute fon étendue, prennent enfuite la liberté de condanner tout ce qui n'eft pas conforme à cette idée étroite qu'ils s'en font formée. Les Pharifiens ne connoiffoient point de vertu qui ne fût auftere: & ainfi ils méprifoient Jefus-Chrift, parce qu'il me

noit une vie commune.

Mais c'eft qu'ils ne favoient pas que la vertu chrétienne auffi-bien que la grace qui en eft la fource, a plufieurs formes: outre que l'on peut pratiquer autant de mortification dans une vie qui paroit commune, que dans une profeffion ouverte d'aufterité. C'est donc une grande fource d'injustices & de jugemens téneraires que cette maniere de réduire la vertu chrétienne à l'étoit, & de fuppofer qu'il n'y en a point d'autre que celle dont notre fantaifie fe fera formé l'idée fur nos inclinations particulie

res.

IX. Lorfque les difciples de Jean s'en fu vent allés, JESUS s'adrefjant au peuple leur parla de Jean, &c. v. 7.

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Il n'eft point dit que Jefus Chrift ait loué faint Jean, lorfque faint Jean lui

rendit témoignage qu'il étoit le Chrift. Ile loue préfentement, lorfque felon l'apparence, il fembloit en douter. Il oblerve de plus de ne le louer point en préfence de les difciples, qui auroient pu Je lui rapporter, & il attend pour cela qu'ils s'en toient allés. Il n'eft pas moins difficile de louer faintement les hommes, que de les blâmer charitablement. La lounge & le blame font des actions difficiles, qui ont befoin de beaucoup d'égards & de précautions. Souvent les louanges ne font qu'un commerce de vanité. On lone ceux qui nous louent, ou de qui l'on efpere être loué, & l'on fe regarde prefque toujours foi-même dans les louanges que l'on donne aux autres. On veut paroître équitable, éviter le foupçon de jalousie, plaire à ceux qui eftiment ceux que l'on loue. Enfin, il y a bien pen de louanges qui foient comme celles de Jefus - Chrift, des témoignages definterefiés de l'eftime que l'on fait de ceux qu'on loue, & où l'on regarde uniquement l'utilité de ceux devant qui on leur donne ces louanges.

X. Le premier éloge que Jefus-Christ donne à faint Jean eft celui de la fermeté. C'eft auffi la qualité la plus digne d'un Prédicateur de la vérité & d'un miniftre de Dieu. Car la verite ne changeant

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