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mais l'Ecriture qui juge des chofes felon la verité, & qui en donne les idées qu'on en doit avoir, les traite de gens endormis & oilifs: Les puiffans fe font endormis, Pf. 751 dit le Prophete, je réveillant après leur 6. femmeil, ils n'ont rien trouvé dans leurs mains. Leur vie eft un fommeil, parcequ'ils ne s'y repaiffent que de fonges, qu'ils n'ont que des connoiffances fombres, confules, incertaines, & que le jour de la verité ne pénetre point la nuit où ils vivent. Voilà l'idée que l'Ecriture nous donne de la vie des paffions: & il eft très utile de concevoir fous cette idée de gens endormis, ces gens, fi actifs, fi Occupés, fi habiles & fi penetrans dans leurs interêts, & fi intelligens dans les affaires du monde. Car fielle ne nous reprefente pas tout-à-fait toute la mifere de cet état, elle nous en fait concevoir très-vivement la vanité.

11. Mais outre ce fommeil d'illufion qui ne peut être attribué à de bons Chrétiens, il y en a un autre qui eft le fommeil d'oifiveté & de négligence: & c'est celui-là proprement dont l'Apôtre exhorte les Romains de fe réveiller. L'ame délivrée des paffions criminelles n'eft pas toujours affez touchée des verités de la Religion, ni des biens qu'elle promet. Elle ne fent point toujours un faint em

Epift. 94.7. 2..

preffement qui la porte à chercher Dien avec le foin & l'ardeur dont il doit être cherché. Elle conçoit foiblement ses dangers & les artifices de fes ennemis. Elle n'eft pas affez pénetrée de la grandeur des biens éternels. Ainfi elle agit foiblement. Comme elle ne voit le bien qu'à demi, elle ne le cherche qu'à demi; elle avance peu dans fon chemin, & elle s'arrête à mille amusemens inutiles. Voilà l'état dont faint Paul exhorte les Romains de fe réveiller : état dangereux non feulement parcequ'il eft capable de faire tomber les ames dans les déreglemens dont elles ont été délivrées; mais auffi parcequ'il eft bien à craindre que l'on n'arrive jamais à un but vers lequel on marche fi lâchement. La feule inutilité, dit faint Bernard, fuffit pour nous danner SOLA fufficit inutilitas ad damnationem. Si ce n'eft directement, c'eft par un tour qui produit le même effet. L'inutilité affoiblit la charité; la charité affoiblie ne fe trouve plus en état d'empêcher que la cupidité ne fe rende la maitreffe de l'ame. Elle fuffit encore pour nous perdre, parcequ'elle eft caufe que nous manquons à plufieurs devoirs effenciels, comme au devoir de la pénitence, de la priere,de la reconnoiffance envers Dieu, de la charité envers le prochain, de la

protection qu'on doit aux perfonnes op primées. Ainfi l'on ne fauroit trop éviter nn fi dangereux fommeil.

III. Ce fommeil de négligence eft d'au tant plus à craindre, qu'on ne fauroit s'en exemter entierement. Car la juftice de cette vie ne va pas jufqu'à éviter tou tes les fautes vénielles. Or dans les faute vėnielles, pour petites qu'elles foient, l'ame s'endort, en agilant par cupidité De plus, les néceffités de la vie nous obligeant à nous occuper d'une infinité de divers objets, il eft impoffible qu'on n'y oublie Dieu & qu'on ne le perde quelquefois de vue, & cet oubli eft unet efpece de fommeil. Il eft donc néceffaite que l'ame s'en réveille: & l'avertiffement que l'Apôtre nous en donne, en nous difant qu'il eft tems de fe réveiller, nous marque le befoin que nous en avons. Nous avons une pente continuelle à ce fommeil. Nous devons donc fai re un effort continuel pour nous en réveiller. Le fommeil naturel a des bor nes, & après avoir dormi fuffifainment; on fe réveille fans effort: mais ce fommeil fpirituel n'en a point. Plus on a dor mi, plus on veut dormir; plus on a oublié Dieu, plus on eft difpofé à demeu rer dans cet oubli. Il faut que Dieu nou réveille de cet affoupiffement qui tend ♣

la mort, en nous faifant entendre cette parole de l'Apôtre: Hora eft jam nos de Jomno furgere.

IV. Linuit eft déja fort avancée, & le jour s'approche. Quittons donc les œuvres de tenebres, & marchons avec bienséance com→→ me on marche durant le jour. v. 12.

Ces paroles de l'Apôtre, qui contienment une nouvelle raifon de nous réveiller de notre fommeil, nous donnent lieu de confiderer trois états de l'homme, qu'il eft important de bien diftinguer, L'un qu'il appelle nuit, & qui a précedé; Nox præceffit. La nuit eft fort avancée:" L'autre qu'il appelle jour, qui approche & dont on jouit en partie; Dies appropin-" quavit. Le jour s'approche. Et le troifié me qui tient le milieu, & qui eft en quel que forte mêlé de l'un & de l'autre ; c'eft celui du crépuscule ou de l'aurore. I n'eft plus nuit dans cet état, parcequ'on y voit à fe conduire, mais il n'eft pas encore tout-à-fait jour, parceque le foleil n'eft pas encore levé, & qu'il ne diffipe pas encore par fes rayons toute l'obfcuri té de la nuit. Il eft, dis-je, important de difcerner ces états, parcequ'il eft important d'éviter l'un, d'afpirer à l'autre, & de marcher fidellement dans celui où Ton eft, qui eft celui du milieu.

La nuit n'eft autre chofe que ce fom

heil d'illufion que nous avons décrit cideffus. Mais parceque l'Ecriture nous le dépeint encore par d'autres caracteres, il' eft bon de les confiderer. Il faut donc favoir que l'homme n'étant pas à lui-même fa lumiere, il faut que Dieu fe découvre à lui, pour lui faire connoître le bien & le mal; pour l'éclairer fur fes devoirs, & pour lui montrer la voie où il doit marcher, c'est-à-dire, ce qu'il doit aimer & ce qu'il doit faire. Mais l'homme par fon peché ayant répandu fur les yeux de fon ame un nuage épais, s'eft privé de cette lumiere, & deineure ainfi dans la nuit Ils ont, dit faint Paul, l'ef- Eph.4 prit plein de tenebres. Cependant il ne fau- 18. roit fe tenir en repos dans ces ténebres. Il veut agir. Il veut marcher. Il veut courir après un bonheur dont il a confervé nine idée confufe, après en avoir perdu la réalité. Ainfi étant privé de la véritable miere, il y fubftitue la vanité de ses penfees. Il les fuit aveuglément & impetueufement; ce qui fait dire à l'Ecriture, de ceux qui font dans cet état, qu'ils Eph. marchent dans la vanité de leurs fens ; & 17. qu'ils font la volonté de leur chair & de leurs Eph. za penfees. Voilà quel eft l'homme dans cet état qui a régné prefque dans tout le monde avant JESUS-CHRIST, & regne encore dans tous ceux qui ne connoiffent

3.

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