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ment de toutes les délibérations, qui, dans ces premiers temps, n'avoient cependant d'effet qu'autant qu'elles étoient ensuite approuvées par le sénat. Telle étoit alors la forme qui s'observoit dans les élections: celle du successeur de Romulus fut fort contestée.

Le sénat étoit composé d'anciens sénateurs et de nouveaux qu'on y avoit agrégés sous le règne de Tatius; cela forma deux partis. Les anciens demandoient un Romain d'origine : les Sabins, qui n'avoient point eu de roi depuis Tatius, en vouloient un de leur nation. Enfin, après beaucoup de contestations, ils demeurèrent d'accord que les anciens sénateurs nommeroient le roi de Rome, mais qu'ils seroient obligés de le choisir parmi les Sabins. Leur choix tomba sur un Sabin de la ville de Cures, mais qui demeuroit ordinairement à la campagne.' Il s'appeloit NumaPompilius, homme de bien, sage, modéré, équitable, mais peu guerrier, et qui, ne pouvant se donner de la considération par son courage, chercha à se distinguer par des vertus pacifiques. Il travailla pendant tout son règne, à la faveur d'une longue paix, à tourner les esprits du côté de la religion, et à inspirer aux Romains une grande crainte des dieux. Il bâtit de nouveaux

'Tit. Liv. Dec. 1, lib. I, cap. 18. Dionys. Halicarn. .lib. II, pag. 120. Plut. in Numa.

temples; il institua des fêtes; et comme les réponses des oracles et les prédictions des augures et des aruspices faisoient toute la religion de ce peuple grossier, il n'eut pas de peine à lui persuader que des divinités, qui prédisoient ce qui devoit arriver d'heureux où de malheureux, pouvoient bien être la cause du bonheur ou du malheur qu'ils annonçoient : la vénération pour ces êtres supérieurs, d'autant plus redoutables qu'ils étoient plus inconnus, fut une suite de ces préjugés. Rome se remplit insensiblement de superstitions: la politique les adopta et s'en servit utilement pour tenir dans la soumission un peuple encore féroce. Il ne fut même plus permis de rien entreprendre qui concernât les affaires d'état sans consulter ces fausses divinités; et Numa, pour autoriser ces pieuses institutions et s'attirer le respect du peuple, feignit de les avoir reçues d'une nymphe appelée Égérie, qui lui avoit révélé, disoit-il, la manière dont les dieux vouloient être servis. Sa mort, après un règne de quarante-trois ans, laissa la couronne à Tullus Hostilius, que les Romains élurent pour troisième roi de Rome. C'étoit un prince ambitieux, hardi, entreprenant, plus amateur de la guerre que de la paix, et qui, sur le plan de Romulus, ne songea à conserver son état que par de nouvelles conquêtes.

Si la conduite pacifique de Numa avoit été utile aux Romains pour adoucir ce qu'il y avoit de féroce et de sauvage dans leurs mœurs, le caractère fier et entreprenant de Tullus ne fut pas moins nécessaire dans un état fondé par la force et la violence, et environné de voisins jaloux de son établissement. Le peuple de la ville d'Albe faisoit paroître le plus d'animosité, quoique la plupart des Romains en tirassent leur origine, et que la ville d'Albe fût considérée comme la métropole de tout le Latium. Différents sujets de plaintes réciproques et ordinaires entre des états voisins allumèrent la guerre, ou, pour mieux dire, l'ambition seule et un esprit de conquête leur firent prendre les armes. Les Romains et les Albins se mirent en campagne. Comme ils étoient voisins, les deux armées ne furent pas long-temps sans s'approcher : on ne dissimuloit plus qu'on alloit combattre pour l'empire et la liberté. Comme on étoit prêt d'en venir aux mains, le général d'Albe, soit qu'il redoutât le succès du combat ou qu'il voulût seulement éviter l'effusion du sang, proposa au roi de Rome de remettre la destinée de l'un et de l'autre peuple à trois combattants de chaque côté, à condition que l'empire seroit le prix du parti victorieux. La proposition fut acceptée';

'D. H. 1. III, p. 153. Tit. Liv. Dec. 1, l. I, c. 25.

les Romains et les Albins nommèrent chacun trois champions; on voit bien que je veux parler des Horaces et des Curiaces. Je n'entrerai point dans les détails de ce combat: tout le monde sait que les trois Curiaces et deux des Horaces périrent dans ce fameux duel, et que Rome triompha par le courage et l'adresse du dernier des Horaces. Le Romain, rentrant dans la ville, victorieux et chargé des armes et des dépouilles de ses ennemis, rencontra sa sœur qui devoit épouser un des Curiaces. Celle-ci, voyant son frère revêtu de la cotte d'armes de son amant qu'elle avoit faite elle-même, ne put retenir sa douleur; elle répandit un torrent de larmes; elle s'arracha les cheveux, et, dans les transports de son affliction, elle fit les plus violentes imprécations contre son frère.

Horace, fier de sa victoire, et irrité de la douleur que sa sœur faisoit éclater mal-à-propos au milieu de la joie publique, dans le transport de sa colère lui passa son épée au travers du corps. «< Va, lui dit-il, trouver ton amant, << et porte-lui cette passion insensée qui te fait

<<

préférer un ennemi mort à la gloire de ta pa<< trie. >> Tout le monde détestoit une action si inhumaine et si cruelle. On arrêta aussitôt le meurtrier; il fut traduit devant les duumvirs; juges naturels de ces sortes de crimes : Horace

fut condamné à perdre la vie ; et le jour même de son triomphe auroit été celui de son supplice, si, par le conseil de Tullus Hostilius, il n'eût appelé de ce jugement devant l'assemblée du peuple. Il y comparut avec le même courage et la même fermeté qu'il avoit fait paroître dans son combat contre les Curiaces. Le peuple crut qu'en faveur d'un si grand service il pouvoit oublier un peu la rigueur de la loi. Horace fut renvoyé absous, plutôt, dit Tite-Live', « par admiration « pour son courage, que par la justice de sa cau«se. » Nous n'avons rapporté cet événement que pour faire voir', par le conseil que donna le roi de Rome à Horace d'en appeler au peuple, que l'autorité de cette assemblée étoit supérieure à celle du prince, et que ce n'étoit que dans le concours des suffrages du roi et des différents ordres de l'état que se trouvoit la véritable souveraineté de cette nation.

L'affaire d'Horace étant terminée, le roi de Rome songea à faire reconnoître son autorité dans la ville d'Albe, suivant les conditions du combat, qui avoit adjugé l'empire et la domination au victorieux. Ce prince, en suivant l'esprit et les maximes de Romulus, ruina cette ville, dont il transféra les habitants à Rome : ils y

3

1

Tit. Liv. lib. I, cap. 26:

2 Cicero pro

cap. 3. - ' Dionys Halicarn. lib. III, pag. 172.

Milone,

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