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reçurent le droit de citoyens, et même les principaux furent admis dans le sénat ': tels furent les Juliens, les Serviliens, les Quintiens, les Geganiens, les Curiaces, et les Cléliens, dont les descendants remplirent depuis les principales dignités de l'état, et rendirent de très grands services à la république, comme nous le verrons dans la suite. Tullus Hostilius, ayant fortifié Rome par cette augmentation d'habitants, tourna ses armes contre les Sabins.

Le détail de cette guerre n'est point de mon sujet je me contenterai de dire que ce prince, après avoir remporté différents avantages contre les ennemis de Rome, mourut dans la trentedeuxième année de son règne; qu'Ancus Martius, petit-fils de Numa, fut élu en la place d'Hostilius par l'assemblée du peuple, et que le sénat confirma ensuite cette nouvelle élection.

Comme ce prince tiroit toute sa gloire de son aïeul, il s'appliqua à imiter ses vertus paisibles et son attachement à la religion. Il institua des cérémonies sacrées, qui devoient précéder les déclarations de guerre mais ces pieuses institutions, plus propres à faire à connoître șa justice que son courage, le rendirent méprisable aux peuples voisins. Rome vit bientôt ses frontières ravagées par les incursions des 'Dionys Halicarn. lib. III. ' Idem, ibid.

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Latins, et Ancus reconnut par sa propre expérience que le trône exige encore d'autres vertus que la piété. Cependant, pour soutenir toujours son caractère, avant que de prendre les armes, il envoya aux ennemis un héraut, que les Romains appeloient fécialien; ce héraut portoit une javeline ferrée, comme la preuve de sa commission. Etant arrivé sur la frontière, il cria à haute voix : « Écoutez, Jupiter, et vous, Junon, « écoutez, Quirinus, écoutez, dieux du ciel de la «< terre, et des enfers, je vous prends à témoin <«< que le peuple latin est injuste; et comme ce peuple a outragé le peuple romain, le peuple << romain et moi du consentement du sénat, lui « déclarons la guerre. »

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On voit par cette formule, que nous a conservée Tite-Live, qu'il n'est fait aucune mention du roi, et que tout se fait au nom et par l'autorité du peuple, c'est-à-dire de tout le corps de la nation.

Cette guerre fut aussi heureuse qu'elle étoit juste. Ancus battit les ennemis, ruina leurs villes, en transporta les habitants à Rome, et réunit leur territoire à celui de cette capitale.

Tarquin, premier ou l'ancien, quoique étranger, parvint à la couronne après la mort d'Ancus, et il l'acheta par des secours gratuits qu'il avoit

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Tit. Liv. Dec. 1, Gel. 1.XVI, c. 4.

lib. I, c.

32. Cic. 1. II, de Leg. Aul.

donnés auparavant aux principaux du peuple'. Ce fut pour conserver leur affection et récompenser ses créatures qu'il en fit entrer cent dans le sénat; mais, pour ne pas confondre les différents ordres de l'état, il les fit patriciens, au rapport de Denys d'Halicarnasse, avant que de les élever à la dignité de sénateurs, qui se trouvèrent jusqu'au nombre de trois cents, où il demeura fixé pendant plusieurs siècles. On sera peut-être étonné que dans un état gouverné par un roi, et assisté du sénat, les lois, les ordonnances, et le résultat de toutes les délibérations, se fissent toujours au nom du peuple, sans faire mention du prince qui régnoit : mais on doit se souvenir que ce peuple généreux s'étoit réservé la meilleure part dans le gouvernement. Il ne se prenoit aucune résolution; soit pour la guerre ou pour, la paix, que dans ses assemblées: on les appelait en ce temps-là assemblées par curies, parce qu'elles ne devoient être composées que des seuls habitants de Rome divisés en trente curies. C'est là qu'on créoit les rois, qu'on élisoit les magistrats et les prêtres, qu'on faisoit des lois, et qu'on administroit la justice. C'étoit le roi qui, de concert avec le sénat, convoquoit ces assemblées et décidoit par un sénatus-consulte du jour qu'on devoit les tenir, et des ma

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' Dion. Hal., 1. III, p. 184.—' Dion. Hal., 1. III, p. 199.

tières qu'on y devoit traiter. Il falloit un second sénatus-consulte pour confirmer ce qui y avoit été arrêté ; le prince ou premier magistrat présidoit à ces assemblées, qui étoient toujours précédées par des auspices et par des sacrifices dont les patriciens étoient les seuls ministres.

Mais cependant comme tout se décidoit dans ces assemblées à la pluralité des voix, et que les suffrages se comptoient par tête, les plébéiens l'emportoient toujours sur le sénat et les patriciens, en sorte qu'ils formoient ordinairement le résultat des délibérations, par préférence au sénat et aux nobles.

Servius Tullius', sixième roi de Rome, prince tout républicain, malgré sa dignité, mais qui ne pouvoit pourtant souffrir que le gouvernement dépendît souvent de la plus vile populace, résolut de faire passer toute l'autorité dans le corps de la noblesse et des patriciens, où il espéroit trouver des vues plus justes et moins d'entêtement. L'entreprise n'étoit pas sans de grandes difficultés. Ce prince avoit affaire au peuple de toute la terre le plus fier et le plus jaloux de ses droits; et, pour l'obliger à en relâcher une partie, il falloit le savoir tromper par l'appât d'un bien plus considérable. Les Romains

'Dion. Halicarn.flib. IV, p. 225. Tit. Liv. Dec. 1, lib. I, c. 43.

payoient en ce temps-là par tête un tribut au profit du trésor public; et comme dans leur origine la fortune des particuliers étoit à-peu-près égale, on les avoit assujettis au même tribut, qu'ils continuèrent de payer avec la même égalité, quoique par la succession des temps il se trouvât beaucoup de différence entre les biens des uns et des autres.

Servius, pour éblouir le peuple et pour connoître les forces de son état, représenta dans une assemblée que le nombre des habitants de Rome et leurs richesses étant considérablement augmentés par cette foule d'étrangers qui s'étoient établis dans la ville, il ne lui paroissoit pas juste qu'un pauvre citoyen contribuât autant qu'un plus riche aux charges de l'état; qu'il falloit régler ces contributions suivant les facultés des particuliers; mais que, pour en avoir une connoissance exacte, il falloit obliger tous les citoyens, sous les plus grandes peines, à en donner une déclaration fidèle, et qui pût servir de règle pour faire cette répartition.

Le peuple, qui ne voyoit dans cette proposition que son propre soulagement, la reçut avec de grands applaudissements, et toute l'assemblée, d'un mutuel consentement, donna au roi le pouvoir d'établir dans le gouvernement l'orDion. Hal. 1. III, p. 221.

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