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NOTICE

SUR VERTOT,

EXTRAITE EN PARTIE DES MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE

DES INSCRIPTIONS ET BELLES LETTRES.

RENÉ AUBER DE VERTOT, deuxième fils de François Auber, seigneur de Vertot, et de Louise de Hanyvel de Mannevillette, naquit au château de Bonnetot, pays de Caux (aujourd'hui département de la Seine inférieure), le 25 novembre 1655. La famille d'Auber, l'une des plus anciennes de Normandie, s'étoit alliée dans l'espace de deux siècles. aux meilleures maisons de cette province. Le frère aîné de l'abbé de Vertot, mort jeune et sans alliance, étoit chambellan de Monsieur, frère de Louis XIV, et Marie de Mannevillette, leur tante, avoit épousé un Clermont-Tonnerre.

Quoique second fils d'un père noble, Vertot ne fut point élevé selon l'ancienne coutume de cette province, qui destinoit à l'Église tous les cadets de famille. Dès qu'il fut à portée de recevoir la première éducation, on lui donna un bon précepteur qui le suivit au collége des jésuites de Rouen : il y fit des progrès rapides, et il n'avoit que seize ans quand il soutint ses dernières thèses de philosophie. Après ses études le jeune Vertot demanda lui-même

la tonsure sa famille y consentit, présumant que ce n'étoit qu'une fantaisie de jeune homme qui n'auroit pas de suites; mais, sa retraite au séminaire étant finie, il disparut subitement. On le chercha pendant six mois, et l'on découvrit enfin qu'il étoit dans un couvent de capucins à Argentan. Son père fit des efforts inutiles pour le détourner d'une résɔlution si étrange. Le frère Zacharie (c'étoit le nom de religion de Vertot) persista, et fit profession. Il seroit devenu un des plus beaux ornements de cet ordre sans un accident qui le mit en danger de la vie.

Pendant le cours de ses études à Rouen, Vertot avoit été retenu près d'un an au lit pour un abcès à la jambe. Ce mal étoit si considérable qu'on avoit fait venir de Paris des chirurgiens pour le traiter. L'os se trouva carié; la cure fut longue et difficile, et la cicatrice qui resta étoit si étendue et si profonde que l'on convint de la tenir toujours couverte et entourée d'un bandage. Rien assurément de plus opposé à cette sage précaution que de se soumettre à avoir toute sa vie les jambes nues sous une robe de laine rude et grossière telle que la portoient les religieux de cette observance. Aussi peu de temps après la profession de Vertot, son abcès se renouvela, et fut jugé presque incurable on le transporta à Fécamp, dans le voisinage de sa famille. Le mal y augmenta encore. Les parents demandèrent enfin à se charger du malade : les soins qu'ils en prirent ranimèrent leur tendresse ; il résolurent de l'arracher au danger qui le menaçoit. Ils sollicitèrent et obtinrent des brefs du pape, le consentement des supérieurs,

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et, le plus difficile de tous, celui du jeune profès, pour le faire passer sous une règle plus douce. Ver tot choisit celle des prémontrés. Il fit sa seconde profession religieuse à l'âge de vingt-deux ans, après en avoir passé quatre chez les capucins.

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Son esprit et ses talents ne s'étoient point affoiblis malgré la maladie et les austérités. L'abbé de Colbert, général des prémontrés, entendit parler si avantageusement du jeune religieux qu'il le fit venir dans le chef-lieu de l'ordre pour y enseigner la philosophie. L'abbé de Colbert ne tarda pas à la chériv il lui témoigna son estime en le nommant son secrétaire, et en lui conférant le prieuré de Joyenval. Cette distinction causa d'autant plus de jalousie que, suivant les règles de la discipline ecclésiastique, des vœux faits dans un premier ordre rendoient incapable de posséder des bénéfices ou des dignités dans celui où l'on étoit transféré. On résolut, dans un chapitre provincial, de se pourvoir contre les brefs que l'abbé de Colbert avoit obtenus pour faire réhabiliter Vertot dans ses droits. Ils furent attaqués, et ils auroient été déclarés nuls sans l'autorité de Louis XIV, qui expédia des lettres-patentes pour l'exécution et l'enregistrement de ces brefs. Cette formalité assuroit à Vertot son état, mais non sa tranquillité : il abandonna le prieuré de Joyenval, la maison de Prémontré, et se réduisit à la cure de Croissy-la-Garenne, près de la machine de Marly, qui dépendoit de l'ordre. C'est là que, conduisant des ouailles d'une espèce toute différente, et plus docile que celle des moines, il sut allier aux devoirs.

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sa cure, qui lui valoit 3,000 livres de rentes, le seul bien qu'il eût, et qu'il ne pouvoit encore résigner sous pension, parce qu'il lui manquoit deux années de résidence et de service. Dans cette perplexité il répondit au ministre dans les termes généraux de la reconnoissance pour l'honneur qu'on lui faisoit, et du plus grand empressement à le justifier par ses travaux. Quelque temps après il écrivit à un de ses amis, qu'il savoit être en liaison avec le comte de Pontchartrain, une lettre dans laquelle, après avoir exposé sa situation, c'est-à-dire ses peines, il proposoit d'envoyer régulièrement tous les six mois à l'académie des ouvrages qui vaudroient, disoit-il, mieux que lui, en attendant qu'il pût y réparer par son assiduité des absences involontaires. A la suite de ce détail il traçoit le plan d'une nouvelle histoire de France accompagnée de médailles sur les principaux événements de chaque règne; et la conclusion étoit que, pour se dévouer entièrement aux lettres, il ne cherchoit qu'à s'assurer le strict nécessaire avant que de fonder son opulence sur ce qu'il pourroit espérer de la libéralité du prince.

Ces représentations produisirent leur effet. Vertot fut attendu ; il tint parole, et les exercices de l'académie se ressentirent aussitôt de sa présence. Il les tourna le plus souvent sur des points d'histoire moderne qu'il avoit fort approfondie; de celle de France surtout, dont il étoit également instruit et jaloux.

Nous ne nous engagerons pas dans l'énumération des ouvrages qu'il a donnés à l'académie depuis 1703

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