Imágenes de páginas
PDF
EPUB

jusqu'en 1726, temps pendant lequel des attaques fréquentes d'apoplexie et de paralysie le retinrent chez lui. Plusieurs de ses ouvrages n'ont plus d'intérêt à l'époque actuelle. L'académie a recueilli avec soin, dans les six premiers volumes de ses Mémoires, plusieurs dissertations curieuses et savantes sur des sujets historiques.

Ce fut en 1719 qu'il publia les Révolutions romaines. Le mérite reconnu de cet ouvrage engagea l'ordre de Malte à charger Vertot de réunir le travail de divers historiens que cet ordre avoit dans presque toutes les langues vivantes. Le grand-maître lui fit remettre par l'ambassadeur, avec la croix de l'ordre, un bref plein de marques d'estime, et le grandprieur de France lui conféra la commanderie de Santeny. On imprima l'ouvrage en quatre volumes in-4°, et il eut un très grand succès.

Pendant l'impression de l'Histoire de Malte le duc d'Orléans, dont on formoit la maison, y donna à l'abbé de Vertot une place d'interprète, un logement au Palais royal, et le nomma sitôt après son mariage secrétaire des commandements de madame la duchesse.

On assure qu'il avoit été nommé pour être sousprécepteur de Louis XV, mais que des raisons particulières le privèrent de cet emploi qu'il étoit si digne de remplir par ses connoissances et son esprit.

Tels furent les avantages et les agréments que lui valut son talent singulier de bien écrire l'histoire. Ce n'étoit point la fortune que recherchoit l'abbé de Vertot; il n'a jamais desiré rien autre chose que de

pouvoir mener une vie exempte de trouble et de la sollicitude des besoins mais pour les honneurs de l'esprit, qui sont de tous les états, et dont l'ambition ne peut être qu'utile aux hommes loin de s'en défendre il n'oublia rien de ce qui pouvoit les lui as

surer.

On ne doit pas négliger de faire remarquer que l'abbé de Vertot avoit près de quarante-cinq ans lorsqu'il publia le premier morceau d'histoire, et qu'ilsen avoit plus de soixante-dix quand il acheva l'Histoire de Malte, qui a terminé sa carrière littéraire. Il vécut encore neuf années; mais [accablé de tant d'infirmités, et dans une telle langueur d'esprit, que ce n'étoit plus que la grande habitude du travail qui lui suggéroit encore de nouveaux projets. Il parloit souvent des révolutions de Carthage et de l'histoire de Pologne ; et lorsqu'on lui représentoit qu'il n'étoit plus en état ni de lire ni d'écrire, il répondoit qu'il avoit assez lu pour composer de mémoire, et assez écrit pour n'être pas embarrassé de dicter. Toutes ses idées se perdoient le moment d'après, et ses dernières années n'ont rien produit pour les lettres.

[ocr errors]

-L'abbé de Vertot étoit d'un caractère aimable: il avoit cette aménité que donne presque toujours le commerce des compagnies choisies et des esprits ornės. Son imagination étoit brillante dans sa conversation comme dans ses écrits. Ami fidèle et sincère, officieux et empressé à plaire, il avoit autant de chaleur dans le cœur que dans l'esprit.

Jamais auteur ne fut plus attentif à choisir des

sujets nobles, élevés, capables d'intéresser et d'émouvoir. L'élégance et la pureté de sa diction répondent à la noblesse des sujets; il les expose avec une grande netteté, et le détail des circonstances semble plutôt les émbellir que les charger. Il exprime les différents caractères par des traits fermes, énergiques, et précis, qui peignent l'ame ellemême. Ses descriptions vives et animées entraînent le lecteur on marche avec l'armée qu'il met en mouvement; et, selon qu'il l'a déterminé, on prend part à la victoire, ou l'on gémit sur le sort des vain

cus.

[ocr errors]

Dans son Histoire de la conjuration de Portugal il présente une monarchie, qui, assujettie depuis près d'un siècle par un roi puissant, paroît la province de ses états la plus soumise, et qui, en un seul jour, change sa destinée. L'entreprise est un secret confié pour ainsi dire à la nation entière, et qui ne transpire par aucun endroit; l'exécution, que mille accidents peuvent encore arrêter, réussit également partout; c'est un embrasement général qui de la capitale passe rapidement aux frontières, et même au-delà des merso

[ocr errors]
[ocr errors]

I

Dans les révolutions de Suède on voit un prince malheureux et proscrit qui, du fond des montagnes et des mines obscures où il est forcé de se réfugier, porte dans le coeur de leurs plus grossiers habitants un tel amour de la gloire et de la liberté, qu'à leur tête il s'ouvre un chemin au trône, s'y affranchit de la dépendance où l'autorité du sénat, la jalousie des grands, et la puissance du clergé, avoient tenu les rois

3

[ocr errors]

ses prédécesseurs; rend héréditaire une couronne élective, change jusqu'à la religion du pays, et meurt regretté universellement, après avoir régné sans favori comme il avoit vaincu sans généraux. Mably comparoit les Révolutions de Suède à ce que les anciens ont de plus beau. « Quel charme, dit-il, ne «< cause pas cette lecture! Je vois partout un histo<< rien qui, ayant médité sur le cœur humain, avoit << acquis une grande connoissance de la marche de «la politique et des passions. Tite Live, dont l'au<< teur s'est rempli, lui avoit appris le secret de son « art. Vertot développe la cause des événements et «< ne perd point de vue la chaîne qui les lie, et l'on « marche à sa suite en éprouvant un nouveau plai¬ «sir.ong Bl

Rome est en quelque sorte le palais de l'histoire pour l'auteur de ses révolutions. Les événements y sont distribués avec un art supérieur. Un art plus grand encore les peint chacun avec les couleurs qui lui sont propres, et les place dans le jour qui leur convient. On se croit dans les assemblées du sénat et du peuple, au champ de Mars ou sur les bords du Tibre. Rome y paroît formidable tant qu'elle fait gloire de la pauvreté, et que le dictateur comme le soldat ne subsistent que du peu de terre qu'ils cultivent de leurs mains. On présage sa ruine dès que, maîtresse du monde entier, toutes les richesses de l'univers coulent dans son sein!: b f... 1

[ocr errors]

Cet ouvrage est regardé comme le chef-d'œuvre de l'auteur. La chaleur de son style n'est point factice comme celle de quelques historiens modernes. A

l'exemple des bons écrivains de l'antiquité, il peint ses personnages, non en traçant des portraits détachés, mais en les faisant agir. On voit les patriciens, cherchant sans cesse à étendre leur domination, écraser les plébéiens sous le poids de leur orgueil; les tribuns flatter bassement la multitude, et proposer impérieusement des lois que sanctionne le sénat effrayé de leur audace; enfin on voit le peuple toujours victime de l'avarice et de la cupidité des grands et des riches ainsi que de l'ambition des magistrats qu'il s'est donnés pour le protéger.

3

« Je regarde Vertot, disoit Mably, comme celui « de nos écrivains qui a été le plus capable d'écrire « l'histoire. Il a l'ame élevée et généreuse. Son ima«< gination ne le domine point, et ne lui sert qu'à << donner aux objets qu'il traite les ornements qui << leur sont convenables. Ses peintures sont dessi«nées avec hardiesse, ses réflexions courtes, «< marche rapide. Son style brillant et léger, sa nar<< ration vive et ingénieuse, son art d'attacher et «< d'intéresser, peuvent le faire comparer à Quinte«< Curce. »

sa

Les annales de Malte, où l'on trouve tant d'actions vraiment romaines, ne demandoient pas une plume moins exercée à les décrire : mais la piété y consacre l'héroïsme, et c'est à ce point que Vertot ramène tout ce qu'il dit d'un ordre que la charité fit naître, et qui, toujours en butte aux efforts des Barbaresques, sut allier les vertus paisibles de la religion à la plus haute valeur dans les combats. La vérité oblige de dire que l'on remarque dans les An

« AnteriorContinuar »