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équilibre. Enfin je m'appliquai à chercher l'équilibre lui-même dans fa fource, ou pour mieux dire, dans fa generation.

Le premier objet qui me vint à l'efprit, ce fut un poids qu'une puiflance foûtient fur un plan incliné. D'abord je me le reprefentai de telle figure que le concours de fa ligne de direction avec celle de cette puiffance, fe fit dans quelqu'un de fes points. De-là je vis auffi que leur concours d'action fe faifant auffi par ce moyen dans ce feul point, il devenoit alors fon centre de direction: de forte que fi ce plan eût manqué tout d'un coup, ce corps auroit neceffairement suivi l'impreffion de ce point. Je cherchai enfuite quelle devoit être cette impreffion, & j'apperçûs que celles que faifoient fur ce point, & la pefanteur de ce poids, & la puiffance qui le retenoit, étant les mêmes que s'il eût été pouffé en même tems par deux forces qui leur euffent été égales, & qui euffent agi fuivant leurs lignes de direction. J'apperçûs, dis-je, qu'il lui en réfultoit une impreffion compofée fuivant une ligne qui étoit la diagonale d'un parallelogramme fait fous des parties de ces lignes de direction, qui étoient entr'elles comme ce poids & cette puiflance. D'où je vis que l'impreffion de ce corps fe faifoit alors fuivant cette diagonale, qui devenoit en ce cas fa ligne de direction, mais que ce plan lui étant perpendiculairement oppofé, il la foûtenoit toute entiere; ce qui faifoit que ce poids ainfi poufle

par le concours d'action de fa pefanteur & de la puiffance qui lui étoit appliquée, demeuroit fur ce plan incliné de même que s'il eût été horisontal, & que cette impreffion compofée n'eût été qu'un effet de fa pefanteur.

De cette pensée j'en vis n'aître plufieurs autres, & je m'apperçûs, 1°. Que toute l'impreffion que ce plan recevoit alors de ce poids ainsi soûtenu par cette puissance, fe faifoit fuivant cette diagonale. 2°. Que fa charge, c'est-à-dire, la force de cette même impreffion,.étoit à ce poids & à cette puiffance, comme cette même diagonale à chacun des côtez qui les repréfentent dans fon parallelogramme. 3°. Que ce poids & cette puifLance étoient toûjours entr'eux comme ces mêmes côtez, c'est-à-dire, en raison réciproque des finus des angles que font leurs lignes de direction avec cette diagonale, ou (ce qui revient au même ) en raison réciproque des distances de quelque point que ce foit de cette diagonale à leurs lignes de direction. Je vis enfin prefque tout à la fois quantité de choses toutes nouvelles, qu'on on verra dans les Corollaires de la Propofition des Surfaces..

Aprés avoir ainfi trouvé la maniere dont l'équilibre fe fait fur des plans inclinez, je cherchai par le même chemin comment des poids foû tenus avec des cordes feulement, ou appliquez à des Poulies, ou bien à des Leviers, font équilibre entr'eux, ou avec les puiffances qui les foû

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tiennent; & j'apperçûs de même que tout cela fe faifoit encore par la voye des mouvemens composez, & avec tant d'uniformité, que je ne pus m'empêcher de croire que cette voye ne fût véritablement celle que fuit la nature dans le con cours d'action de deux poids ou de deux puissances, en faifant que leurs impreffions particulieres, quelque proportion qu'elles ayent, fe confondent en une feule, qui fe décharge toute entiere fur le point où fe fait cet équilibre: de forte que la raison Physique des effets qu'on admire le plus dans les Machines, me parut être juftement celle des mou-vemens compofez.

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Je me démontrai d'abord par cette méthode, & fans le fecours d'aucune Machine, les proprie tez des poids fufpendus avec des cordes, en quelque nombre qu'elles foient, & pour tous les angles poffibles qu'elles peuvent faire entr'elles. Delà je paffai à une démonstration des Poulies, qui comprend toutes les directions poffibles des puiffances ou des poids qui y font appliquez, foit que le centre de ces Poulies demeure fixe, foit qu'on le fuppofe mobile. Enfuite au lieu de la démonstration qu'on ne fait ordinairement que pour les plans inclinez,j'en trouvai une qui s'étend géné ralement à toutes fortes de furfaces, & à toutes les directions poffibles des puiffances ou des poids qui y font appliquez. Enfin d'une feule démonftration je découvris les proprietez de toutes les ef peces de Leviers, de quelque figure, & dans quel

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que

fituation qu'ils foient, & pour toutes les directions poffibles des puiffances ou des poids qui y font appliquez.

Des vûës fi étendues me furprirent; & l'évidence avec laquelle le détail de tout cela me paroiffoit, indépendamment même du général, me confirma encore dans l'opinion où j'étois, qu'il faut entrer dans la génération de l'équilibre, pour y voir en soi, & pour y reconnoître les proprietez que tous les autres Principes ne prouvent tout au plus que par néceffité de confequence.

Il y a encore un avantage dans la route que je tiens, c'eft qu'elle facilite extrêmement le calcul des forces, tant des poids que des puissances, en ce que leurs rapports y font toûjours déterminez immédiatement par les finus des angles que font leurs lignes de direction avec celle de l'impreffion qui réfulte de leur concours d'action, & que cette méthode détermine pour le point où elles concourent. On y voit que lorfque deux puiffances ou deux poids, ou bien une puiffance & un poids font équilibre, foit avec des cordes feulement, foit à l'aide de quelque Poulie, de quelque Surface, ou de quelque Levier que ce foit, ils font toûjours entr'eux en raison réciproque des finus de ces mêmes angles.

J'avois deffein d'expliquer avec cette méthode les effets les plus furprenans & les plus difficiles des Machines compofées que l'on rencontre dans les arts & dans la nature; mais cela demandoit plus

riences que

de loifir, & même un plus grand nombre d'expe l'état de ma fortune ne me peut permettre: c'eft pour cela que je me fuis déterminé à ne donner préfentement que les Propofitions. fondamentales de la Mécanique. Peut-être que de plus habiles gens que moi, & qui feront plus. en état de faire cette entreprife, voudront bien fe donner la peine d'en faire l'application à la Phyfique.

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Mais en attendant je ne laifferai pas d'amaffertout ce que je pourrai d'experiences pour ce deffein : c'eft pourquoi je prie ceux qui n'auront pas en vue d'y travailler, de vouloir bien me communiquer celles qu'ils croiront s'y pouvoir rapporter ; & fur-tout de me faire part de tout ce qui leur viendra de difficultez ou de lumieres fur les principes qu'on propofe ici, leur promettant d'en ufer avec toute la docilité d'un homme qui ne.cherche que la verité.

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