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fits mais les citoyens font-ils louables d'avoir été les premiers à entreprendre un pareil commerce? C'eft une queftion qui n'eft pas encore jugée: en notre particulier, nous avouons que fi la loi que nous nous fommes impofée de rapporter exactement tous les faits hiftoriques de notre Ville, ne nous y obligeoit pas, nous omettrions cet article, car nous fommes fachés de ce que nos pères, qui étoient de fi grands hommes, n'ont pas écouté les cris de l'humanité, qui devoient fe faire entendre dans le fond de leurs cœurs, & y réclamer fes droits avec plus d'empire que ceux de l'intérêt.

Cette compagnie a exifté dans Dieppe, plus de cinquante années, & jufqu'au temps où les Anglois s'emparèrent de notre Fort. Nous croyons devoir borner à cette époque, le récit des voyages des Dieppois au-delà des mers, parce que le Cardinal de Richelieu, dont le génie alors fécondoit le royaume, donnoit de l'émulation aux autres ports, pour les imiter ; & qu'au moyen des Profeffeurs d'hydrographie que les Dieppois y envoyèrent fur fes ordres, leur fcience de la navigation fe communiqua & s'étendit par toute

1639.

1639.

la France, comme nous le dirons dans l'article de l'hydrographie. Nous devons faire obferver ici que nos ancêtres, qui ont fait tant de découvertes & tant d'expéditions maritimes, auroient procuré à la France, la poffeffion des Indes & de l'Amérique, fi nos malheureuses guerres civiles n'avoient empêché le Gouvernement de les feconder. Il eft malheureux, pour leur mémoire, que Vafco-de-Gama & Chriftophe Colomb fe foient emparés d'une gloire qu'ils avoient acquife avant eux. Nos Rois ont fenti trop tard cette vérité, qu'ils ont reconnue dans plufieurs de leurs Lettres-Patentes, rapportées à la fin de ces Mémoires. Enfin, une preuve démonftrative de cet avancé, c'eft qu'aucune nation ni aucune ville ne peut difputer aux Dieppois, l'honneur d'être les auteurs de la théorie & des règles de l'hydrographie: c'eft ce qui eft conftaté par l'article de cette fcience , que nous venons d'annoncer, qui fait voir que Dieppe a été le berceau de l'hydrographie, & que fes marins ont été les premiers du monde qui en aient fait ufage,

Le fieur Guillaume de Montigny étant mort en 1639, le gouvernement

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de Dieppe fut donné au fieur de Torcy. Ce dernier ne le pofféda pas long-temps, & le fieur Philippe de Montigny, fils de Guillaume, obtint cette place en 1642.

Les Proteftants de cette ville, dont' le nombre diminuoit fucceffivement furent tranquilles pendant le miniftère. du Cardinal de Richelieu. Le génie de ce grand homme parvint à étouffer l'efprit de mutinerie, qui, avant lui, ravageoit le royaume. Ce Miniftre encouragea la navigation dans Dieppe, du moins par des louanges & quelques priviléges, puifqu'il ne put la protéger autant qu'il le defiroit par une marine refpectable, que les fonds épuifés de l'Etat ne lui permirent pas d'établir.

Alors la difette d'argent, ou, pour mieux dire, la misère, étoit prefque générale dans le royaume. Les Grands s'étoient obérés pour foutenir leurs factions; & le peuple avoit été dépouillé de fon néceffaire, par les incurfions des différents partis. Dieppe étoit, proportion gardée, la ville la plus riche du royaume, comme elle en avoit été la plus heureufe; puifqu'elle n'avoit point partagé l'infor tune des autres depuis 1567; mais

1642.

1642. elle n'avoit pu, avec fes feuls fonds, foutenir fes comptoirs au-delà des mers, contre les efforts que firent les Nations Hollandoife, Portugaise, Angloife & Efpagnole pour les détruire. Si Richelieu eût vécu, il y a tout lieu de penfer qu'il eût vengé les Dieppois, & vivifié la Marine Françoife, car il en fentoit l'importance: mais à peine ce Miniftre avoit-il fini à térraffer les ennemis de l'autorité royale, & eut-il remis celle des Grands dans l'ordre, dont ils n'auroient pas dû s'écarter, qu'il fut obligé de rendre compte de fon adminiftration, au fouverain Maître des miniftres & des .rois.

Tout le monde fait que Pierre-Alexis Michaelowitzs'écria avec enthoufiafme, quand il vit dans l'Eglife de Sorbone la ftatue de ce Cardinal: O grand homme! fi tu vivois, je te donnerois la moitié de mon empire, pour m'apprendre à gouverner l'autre ! mais tout le monde ne fait pas qu'un Docteur préfent, dit tout haut fur le champ: Je ne le confeillerois pas à votre Majefté; car le Cardinal fe rendroit bientot maître de l'autre moitié. Les lecteurs décideront lequel des deux cons poiffoit mieux ce miniftre.

Louis XIII ne furvécut le Cardinal, que de quatre à cinq mois. Henri IV, fon père, lui avoit facilité la tranquille poffeffion de fon trône, & le préfent règne prépara la grandeur de celui de Louis XIV, fon fils.

1643.

ÉVÉNEMENTS arrivés dans
Dieppe, fous le règne de Louis XIV.

ON étoit très-tranquille à Dieppe,

& les habitants ne s'occupoient que
de la profpérité de leur commerce de-
puis la régence d'Anne d'Autriche,
lorfque les Officiers municipaux reçu-
rent un courier de cette Princeffe,

qui les invitoit à faire armer avec la 1646.
dernière célérité, le plus grand nom-
bre de vaiffeaux qu'il leur feroit pof-
fible, pour une expédition dont elle
leur feroit part, fitôt qu'ils lui annon-
ceroient que leur flotte feroit prête à
fortir du port.

Les Dieppois, comme nous l'avons vu, n'ont jamais menagé ni leurs biens ni leur vie quand il a s'agi de fervir leur Prince; hommes, vaiffeaux, artil

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