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1646.

lerie, munitions de guerre & de bouche, tout le trouvoit prêt en temps, & à leurs propres dépens. Ils fe mirent donc tous en travail; & douze jours après l'ordre reçu, ils députèrent à la Reine, pour prendre les ordres.

Cette flotte, compofée de douze gros vaiffeaux & de cinq à fix plus petits, mais excellents voiliers, au retour du député, fortit du port: elle étoit commandée par le capitaine Claude Dablon, & arriva devant le port de Dunkerque, le 26 Septembre 1646. Cette ville étoit affiégée par le jeune Duc d'Enghien les Dieppois fecondèrent fi bien par mer ce grand Général, qu'après la prife de cette place, il dit à la Reine, que fans leur aide, cette ville auroit tenu trois femaines de plus, & auroit été ravitaillée (1).

(1) Mézeray dit que l'Amiral Tromp vint bloquer Dunkerque par mer: cet Hiftorien, qui paroît avoir ignoré que les Dieppois euffent des forces maritimes fuffifantes pour rendre des fervices à l'Etat, quand nos Rois le requéroient, attribue leurs expéditions à des étrangers; mais quand Tromp eût amené devant ce port, des vaiffeaux Hollandois les nôtres, en le fortifiant, n'en ont pas moins fervi l'Etat.

La Reine régente & notre jeune 1647. Roi, fatisfaits du zèle avec lequel ils venoient de les fervir, eurent la bonté de faire dire aux citoyens, que Leurs Majeftés fe rendroient à Dieppe l'année fuivante, pour leur témoigner leur bienveillance. En effet, elles les honorèrent de leur préfence, dans le commencement d'Août 1647. Comme les habitants s'y étoient attendus, ils n'avoient épargné aucune dépense, afin de pouvoir donner des preuves de leur amour & de leur dévouement à leur Souverain.

Ce fut le premier Août que ces bourgeois eurent ce bonheur. Toutes les rues étoient tendues des plus riches tapifferies. La porte de la ville par laquelle Leurs Majeftés firent leur entrée, étoit décorée & couverte d'emblêmes à la louange du jeune Roi & de la Reine fa mère. Leurs Majeftés pafsèrent fous quatre arcs de triomphe espacés à diftance égale depuis la porte de la Barre jufqu'à la maifon du fieur Miffant, rue du Haut-Pas, où elles furent loger. Tous les habitan étoient fous les armes & rangés fur deux files de chaque côté des rues par lefquelles elles passèrent.

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Introduits par le fieur de Saintot, : 1647. Maître des cérémonies, les Officiers municipaux eurent l'honneur de rendre leurs hommages au Roi & à la Reine régente. La Ville donna à Leurs Majeftés, le fpectacle d'un combat naval, dont elles virent tout l'effet des fenêtres de leurs appartements, qui donnoient fur la mer. On obferve qu'alors les flots venoient battre jusqu'au pied des murailles de la ville, dans les hautes marées.

Les armateurs avoient mis en état deux efcadres, compofées chacune de fix frégates de vingt à vingt-fix canons. La première, fous pavillon François, étoit commandée par le plus ancien capitaine de long cours de la ville, bréveté du titre de Capitaine de marine royale, nommé de Sefne : la feconde, qui portoit pavillon Efpagnol, étoit fous les ordres du capitaine le plus ancien après de Sefne, & qui étoit également bréveté il s'appelloit Abraham Duquefne, père du fameux Lieutenant-Général de nos armées navales. Dans ce temps la marine royale n'étoit pas fur le ton où elle est aujourd'hui c'étoit aux capitaines de marine marchande les

plus expérimentés & les plus braves, 1647. qu'on confioit l'honneur du pavillon François ; & jamais aucun de Dieppe ne s'en eft montré indigne.

La nuit du jour de l'arrivée de Leurs Majeftés dans Dieppe, on fit fortir l'efcadre qui portoit pavillon Espagnol, & elle fe tint à neuf à dix lieues, fans pouvoir être apperçue. Le lendemain, l'efcadre qui étoit fous les ordres de de Sefne profita de la marée pour fe mettre en mer, tous fes pavillons blancs dehors: elle fe préfenta fous les fenêtres des appartements du Roi & de la Reine, & les falua de toute l'artillerie de leurs vaiffeaux, qui delà firent route jufqu'en la grande rade. Pendant ce temps, l'efcadre de Duquefne venoit à toutes voiles. Dès qu'elle fut à portée de celle de de Sefne, celui-ci lui tira trois coups de canon pour lui faire déclarer fon pavillon. Alors Duquefne arbora pavillon Espagnol.

Les deux efcadres fe rangèrent en ligne; & s'étant rapprochées, elles donnèrent à Leurs Majeftés, le fpectacle d'un combat qui avoit la plus grande apparence poffible de la vérité. Pour aider encore à cette reffemblance, on

1647. avoit conduit à cet endroit, plufieurs vieux navires auxquels on mit le feu dans le fort de l'action. Chaque vaiffeau s'accrocha & fit des décharges de canon & de moufqueterie, comme dans un veritable abordage. Enfin, après trois heures de combat, l'Efcadre Françoise victorieuse, revint, en attendant la marée de la nuit pour entrer dans le port, fe mettre fous le. canon de la place, vis-à-vis les fenêtres des appartements de Leurs Majeftés, que les deux efcadres faluèrent d'une décharge de tous leurs canons.

Le 3 Août, les députés du Parlement de Normandie arrivèrent à I ieppe, & faluèrent le Roi & la Reine. Ce fut M. Charles Faucon ancien premier Préfident, père de Jean-Louis, en faveur de qui il s'étoit démis de fa place, qui harangua Leurs Majeftés au nom du Parlement ; mais ce vénérable vieillard tomba mort en fortant de l'appartement du jeune Monarque, qui fut très - fenfible à cet accident.

Le même jour, par le plus grand hazard, il parut à la rade de Dieppe, deux vaiffeaux chacun de quarante canons Chriftine, Reine de Suède,

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