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les envoyoit à notre jeune Roi. Ces

deux vaiffeaux étoient commandés par

le fils du capitaine Duquefne, dont

nous venons de parler. Ce jeune hom-

me revenoit de ce royaume, dont il

avoit fervi la Reine avec gloire ; &

cette Princeffe étoit fi contente de la

diftin&tion avec laquelle il s'étoit com-

porté dans le commandement de Ca-

pitaine - Major de fa flotte, qu'elle

l'avoit chargé de l'honorable com-

miffion de préfenter à Louis XIV, ces

deux vaiffeaux, dont elle lui faifoit

préfent.

Ce jeune Prince vint le foir, lors de

la marée, voir entrer ces deux vaif-
feaux Sa Majefté en fut faluée de
tous les canons. Le jeune Duquefne
eut l'honneur de lui préfenter fa lettre
de créance & de recommandation. Le
Roi lui fit accueil, & l'honora du
brevet de Chef d'efcadre..

Contents de la bonne réception des
citoyens de Dieppe, & de toutes
les marques qu'ils leur donnoient de
leur zèle & de leur fidélité, la Reine
& notre Roi firent partir de cette
ville, les troupes de leur garde, pour
aller occuper les différents poftes de
la route que Leurs Majeftés devoient

1647. prendre; & elles firent l'honneur aux bourgeois, de leur confier la garde de leurs perfonnes, pendant les trois jours qu'elles reftèrent encore dans leur ville. Cette faveur attacha fi fort le cœur des habitants à leur jeune Prince, que nous les allons voir dans la conjondure la plus critique, préférer le danger de périr, à la feule apparence d'avoir manqué de fidélité.

Sa Majefté, après avoir confirmé dans leurs places, les Echevins & les Capitaines de la bourgeoifie, partit de Dieppe avec la Reine régente le 6 Août. Les habitants, fous les armes, formèrent une ligne le long de la rivière jufqu'à la Chapelle de Bonne-Nouvelle, parce que Sa Majefté prit cette route, afin de paffer par le chemin de Martin - Eglife à Arques, où s'étoit donnée la bataille de ce nom. Le fieur de Montigny, gouverneur de Dieppe, à la tête de quarante jeunes-gens' des meilleures familles de cette ville, bien montés & en riche uniforme, fuivit & garda Leurs Majeftés jufqu'au premier pofte, où leur garde ordinaire avoit eu ordre de les attendre.

Le Roi ayant fait arrêter, le 18 Jan

vier 1650, les Princes de Condé, de Conti & de Longueville; la fœur du 1650. Prince de Condé, femme du Duc de Longueville, partit de Paris accompagnée d'une vingtaine de gentilshommes, à deffein de se faire un parti dans la Normandie, dont le Duc étoit le gouverneur.

Cette Princeffe fe rendit d'abord à Rouen, où elle fit tous fes efforts pour engager la capitale de notre Province à fe déclarer pour les Princes. N'y ayant pu réuffir, elle crut qu'elle feroit plus heureuse à Dieppe, parce que le fieur de Montigny, qui en étoit le gouverneur, étoit une des créatures de fon mari. En effet, elle fut trèsbien reçue de ce commandant, qui la logea dans le Château.

Maîtreffe de ce Château & de la Citadelle, qui dominent la ville de Dieppe, Madame de Longueville crut que les habitants ne pourroient pas tenir pour le Roi, dans la pofition où ils fe trouvoient en conféquence, elle réfolut de faire de cette ville, fa place d'armes, & dépêcha un courier à Bruxelles, pour qu'on lui envoyât par Oftende, les troupes que cette Cour avoit promises aux Princes, en cas de

*1650. guerre civile: mais, foit que lezè le politique de ce Gouvernement fût réfroidi par l'emprisonnement imprévu des Princes, foit par quelqu'autre caufe heureufe pour les Dieppois, ces troupes n'arrivèrent point dans leur port.

:

La conduite de cette Princeffe, & fur-tout celle du fieur de Montigny qui lui avoit remis la Citadelle & le Château de Dieppe, donnèrent une grande inquiétude aux bourgeois de cette ville ils comprirent que leur deffein étoit de fe rendre maîtres de la ville. Les Officiers municipaux affemblèrent les notables en l'Hôtel-deVille, afin de délibérer fur la manière dont on fe comporteroit dans une occurrence fi épineufe. Le plus grand nombre opina pour conferver la ville au Roi; & ceux qui avoient repréfenté qu'il étoit impoffible de le faire fans être écrafés du canon du Château & du Fort du Pollet, convinrent qu'il valoit mieux périr, que de paroître infidèles au jeune Prince, qui les avoit honorés de fa confiance.

Dès que ce parti fut pris, l'Hôtelde-Ville ordonna à trois Capitaines de la bourgeoifie, de faire promptement

mettre leurs compagnies fous les ar- 1650.

mes, & de fe rendre à la defcente du Château, pour empêcher fa communication avec la ville: mais dans ce temps même, avertie de cette affemblée, Madame de Longueville en defcendoit avec le fieur de Montigny & plufieurs gentilshommes. Cette Princeffe fe rendit à l'Hôtel-de-Ville: les notables en fortoient, & il n'y en reftoit plus que quelques-uns avec les Echevins. Cette Ducheffe leur fit un affez long difcours, pour leur prouver que fon deffein n'avoit rien de contraire au fervice du Roi; qu'elle ne vouloit, par l'union des villes qui s'intérefferoient en faveur des Princes, que faciliter leur liberté; ce qui étoit jufte, puifqu'ils n'étoient prifonniers d'Etat, que parce qu'ils l'avoient voulu fervir contre l'étranger Mazarin, qui ne méditoit que fa ruine: qu'enfin, elle ne leur demandoit leur concours, que pour obtenir cette liberté ; qu'ils feroient les plus ingrats des hommes, s'ils refufoient ce fervice à la mémoire du Comte de Dunois & de fes defcendants, qui leur avoient rendu tant de bons offices.

Le fieur Martin, qui étoit le

pre

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