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1650. mier Echevin, répondit que les citoyens de Dieppe prenoient la plus grande part à la détention des Princes; mais que leur ville appartenoit au Roi, & qu'ils fupplioient inftamment la Princeffe de ne rien exiger d'eux, qui pût paroître contraire au fervice qu'ils devoient à Sa Majefté; qu'en toute autre chofe, la Princeffe pouvoit difpofer de leurs biens & de leurs per fonnes. Après lui avoir ainfi parlé le fieur Martin se tourna du côté du fieur de Montigny, & lui dit, avec la noble affurance de la vertu : Monfieur, vous connoiffez notre amour pour le Roi, ne nous mettez pas dans le cas de vous en donner des preuves. Le fieur de Montigny ne lui répondit qu'en balbutiant quelques mots, qui n'exprimoient rien de pofitif; tant il eft dans l'ordre des chofes, qu'un homme qui remplit fon devoir, ait tout l'avantage fur fon fupérieur qui trahit le fien.

Madame de Longueville & le fieur de Montigny remontèrent au Château, fans avoir pu ébranler la fidélité des bourgeois ils furent, ainfi que leur fuite, obligés de paffer à travers les trois Compagnies qui venoient

d'arriver

arriver pour en garder la defcente, fuivant l'ordre de l'Hôtel-de-Ville. Le fieur de Montigny demanda au plus ancien des trois capitaines, ce qu'il prétendoit faire, & par quel ordre ces compagnies bourgeoifes étoient fous les armes, puifqu'il ne l'avoit pas commandé. Ce capitaine lui répondit que dès l'inftant qu'il avoit abandonné le parti du Roi, il avoit perdu le droie qu'il avoit de le faire. Le fieur de Montigny favoit bien qu'on n'infultoit pas alors impunément les Dieppois fous les armes : auffi, fans relever cette réponse, prit-il le parti de rejoindre Madame de Longueville, qui montoit au Château.

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L'Hôtel de Ville fit mettre tous les jours fous les armes, cinq compagnies bourgeoifes: deux étoient pof tées au bas de la defcente du Château, afin d'empêcher fa garnifon d'entrer dans la ville; une troifième, qui pouvoit feconder les deux premières, gardoit la porte de la Barre; la quatrième gardoit la porte du Pont & le Quai; & la cinquième étoit poftée dans la grande place, avec l'obligation de pofer des fentinelles aux portes de la mer, qu'on tint fermées

R

1650.

1650. pendant tout ce temps d'inquiétude.

La Reine régente avoit été inftruite. de la démarche de Madame de Lon-. gueville; & quand Sa Majefté pur difpofer de fon temps, elle partit de Paris avec le Roi, pour fe rendre à Dieppe. L'Hôtel-de-Ville venoit dans le même temps d'arrêter que le fieur du Caron, Procureur-Syndic, & deux autres notables fe mettroient en route pour faire part à Leurs Majeftés, de la preffe où les habitants fe trouvoient. Les députés eurent la fatisfaction de les rencontrer dans le bourg d'Ecouy.. Le fieur du Caron les harangua à genoux, ainsi qu'il fuit:

« SIRE, la fidélité des habitants de »notre ville de Dieppe a trop d'éclat » dans toute la France & dans les na» tions étrangères, pour manquer l'occafion qui fe préfente, d'en donner » une nouvelle preuve à Votre Majefté. Quoique la difgrace de M. de » Longueville les ait touchés d'un grand déplaifir, & que la retraite, en leur ville, de Madame la Ducheffe, ait ouvert leurs cœurs à la fenfibilité de fon infortune, cependant ils ne fe départiront jamais de

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la fidélité & des devoirs que de bons fujets doivent à leur Souverain. Les ≫ gratifications & les priviléges dont

vos illuftres ancêtres ont décoré »notre ville; la faveur que Votre

Majefté leur a récemment faite, en > leur confiant la garde de fa perfonne » facrée, a ajouté la tendreffe à leurs >> fentiments de bons Sujets : ils affurent » Votre Majefté, que quoi que faffe » Madame la Ducheffe, ce ne fera » jamais que pour le fervice de Votre Majefté qu'ils répandront jusqu'à la » dernière goutte de leur fang. »

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Le fieur du Caron ayant préfenté au Roi, la copie de la délibération de l'Hôtel-de-Ville à ce fujet, la Reine eut la bonté de dire qu'il ne falloit pas d'écrits pour affurer le Roi, de la fidélité des Dieppois. Les députés fuivirent à Rouen leurs Majeftés : ils y faluèrent le Cardinal Mazarin, qui fic aux perfonnes qui l'entouroient, l'éloge de l'ancienne & actuelle fidélité des gens de Dieppe.

Dans cet espace de temps, Madame de Longueville avoit mandé les Echevins au Château : ceux-ci, en y montant, exhortèrent les citoyens à être

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4650. toujours fidèles au Roi, quand même cette Ducheffe les retiendroit prisonniers, & qu'elle les forceroit, par des tourments, de leur écrire de fe rendre pour leur fauver la vie ; que pour tenir fermes, les citoyens n'avoient qu'à réfléchir que la ville n'avoit plus qu'un ou deux jours à refter dans cette crife, parce que les députés dévoient être fur leur retour.

Quand les Echevins furent parvenus devant Madame de Longueville, cette Princeffe fit de nouveaux efforts pour les engager à prendre le parti des Princes; mais voyant qu'elle ne pouvoit y réuffir par de vives follicitations, elle les menaça de faire rafer la ville par le canon du Château & celui du Fort du Pollet, s'ils persistoient dans leur opiniâtreté. Le fieur Martin eut la fermeté de répondre à cette Princeffe, qu'il avoit été délibéré par la Communauté, qu'il valoit mieux perdre fes biens & fa vie, que de paroître infidèles à fon Roi. Certe Ducheffe les renvoya, en difant au fieur Martin: Tu n'es qu'un Mazarin fraife: apparemment la fraife que le fieur Martin portoit, étoit arrangée de la manière dont ufoient ceux qui tenoient le parti des Princes.

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