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Les gentilshommes du pays de Caux 1650. qui étoient vaffaux de M. de Longueville, ou déclarés pour les Princes, vinrent faire leur cour à Madame la Ducheffe & lui offrir leurs fervices. Ces Meffieurs, en nombre affez confidérable, tentèrent la nuit fuivante, de furprendre la garde des bourgeois de Dieppe la plus avancée vers le Château mais ceux-ci, exacts dans leur pofte, firent feu, & furent dans l'inftant foutenus par les trois compagnies; de forte que ces gentilshommes furent contraints de remonter au Château plus vite qu'ils n'en étoient defcendus.

Cette attaque, quoique fans fuccès, porta l'Hôtel-de-Ville à faire mettre fous les armes une fixième compagnie bourgeoife, qui fut poftée dans la grande place, pour donner du fecours où il en feroit befoin. La Ville ayant été avertie par un des députés, revenu en toute diligence, que le Roi étoit arrivé à Rouen, les Echevins y envoyèrent deux des notables, afin d'af furer Sa Majefté de leur inviolable fidélité; & de lui dire que les habitants defiroient fi fort lui donner des preuves de leur zèle pour pour fon fervice

1650. que fi elle daignoit feulement leur envoyer un Officier général pour met tre à leur tête, ils étoient sûrs de s'emparer du Château & de la Citadelle.

Le Roi donna cette commiffion à M. Dupleffis-Bellières, Maréchal de camp de fes armées. Les députés arrivèrent avant lui à Dieppe, & annoncèrent à leurs concitoyens, que cet Officier s'y rendroit dans le jour. En conféquence l'Hôtel-de-Ville fit toutes les difpofitions néceffaires pour le fuccès du projet qu'elle vouloit exécuter. M. Dupleffis-Bellières arriva fur les fept heures du foir. Les Echevins firent part à cet Officier, de leurs arrangements: ils lui dirent que leur deffein étoit d'engager Madame de Longueville à fe retirer du Château, en lui faisant croire que le Roi arrivoit à Dieppe; qu'ils avoient répandu dans toute la ville, ce faux bruit, ne doutant pas que quelques amis que le fieur de Montigny pouvoit y avoir, ne le lui fiffent parvenir; qu'ils voyoient avec plaifir, que ce bruit étoit fi accrédité, que les bourgeois âgés, les mariniers, 'les jeunes gens, les femmes & les filles fortoient en foule par la porta de la Barre, pour aller au-devant da

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Sa Majefté: qu'ils avoient ordonné à chaque maifon qui donnoit fur les rues, d'allumer le foir, deux lumières à chaque fenêtre, en réjouiffance; qu'ils avoient pareillement, fous ce prétexte, ordonné à toutes les compagnies bourgeoifes, de prendre les armes. M. Dupleffis approuva tous ces arrangements; & il fut arrêté qu'on ordonneroit à quatre compagnies, de fe rendre par le chemin d'Arques, par lequel on avoit fuppofé que le Roi arriveroit, pour y attendre Sa Majefté: il fut auffi convenu qu'on enverroit quelques perfonnes qui fe placeroient au milieu du peuple, & crieroient vive le Roi! cri qui feroit infailliblement répété par tous les bourgeois, qui aimoient paffionnément leur Souverain ; & enfin on donna ordre à la compagnie de Canonniers, de tirer trois décharges des canons de la ville, dès qu'ils entendroient les cris du peuple.

Toutes ces difpofitions furent exécutées & furent fuivies du fuccès qu'on en attendoit. Madame de Longueville, perfuadée que le Roi entroit dans la ville, s'enfuit du Château, par la porte du Secours. Gette Princeffe fe retira

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dans le petit presbytère de Pourville, où elle paffa le refte de la nuit ; & pour indemnifer ce pauvre Curé, de la paille & du bois qu'elle avoit confommé pour fa chauffe, elle ordonna au Receveur de fa terre de Hotot, dont dépend Pourville, de faire livrer tous les ans, deux-cents de fagots à ce Curé : générofité qui a encore fon effer aujourd'hui. Dès que le jour parut, un navire qu'on voyoit depuis plufieurs jours fur les côtes de Dieppe, envoya fa chaloupe à terre, fur le fignal qui lui fut donné; & Madame de Longueville s'y embarqua pour rejoindre ce navire.

De fon côté, M. Dupleffis-Bellières, qui ignoroit, ainfi que les Dieppois, la fuite de Madame de Longueville, voulut profiter de la frayeur où devois être la garnifon du Château, & il en fit les approches à la tête de fix des compagnies bourgeoifes. La réfolution avec laquelle il vit marcher cette troupe en bon ordre, bien ferrée, & traînant deux gros canons pour enfoncer la porte du Château, fit voir à ce Maréchal de camp, que ces gens intrépides n'avoient avancé rien de trop au Roi, quand ils avoient affuré

befoin

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Sa Majefté, qu'ils n'avoient pas
d'autres troupes qu'eux-mêmes, pour
fe rendre maîtres de ce Château. Le
fieur de Montigny,.qui les connoiffoit
bien, ne douta pas qu'ils ne le priffent;
& comme il craignoit qu'ils ne lui
fiffent payer cher l'inquiétude qu'il
leur avoit caufée, en recevant la Du-
cheffe de Longueville, il fit defcendre
du Château, un Jéfuite, pour affuret
le Commandant qu'il ne demandoit
qu'à obéir au Roi, qu'il prioit qu'on
lui donnât feulement le temps qu'il
falloit pour le retour d'un courier
qu'il alloit dépêcher à Sa Majefté; &
qu'il évacueroit le Château & la Cita-
delle. M. Dupleffis lui accorda deux
jours. En effet, ce courier étant revenu
le lendemain après-midi, le fieur de
Montigny fortit du Château, qu'il re-
mit à M. Dupleffis-Bellières. M. d'Har-
court, qui étoit chargé du gouverne-
ment de la province, pendant la dif-
grace de M. de Longueville, donna
aux habitants de Dieppe, ce Maréchal
de camp pour Gouverneur, & nomma -~-
le fieur des Rocques pour Lieutenant
de Roi de la place.

Le Roi, fenfible à la preuve d'amour & de fidélité que les Dieppois venoient

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