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gens, fans raifon, réfiftèrent affez au
cri de la nature & de l'humanité, pour
exhumer le cadavre d'un Proteftant
qui y étoit dépofé deux jours avant;
& ils alloient l'élever à cette potence,
quand deux de leurs Profeffeurs
avertis de ce défordre, fe préfentèrent.
Les écoliers furent dociles à leurs re-
présentations, & rentrèrent dans la
ville. Les premiers qui arrivèrent dans
la grande rue, furent effrayés de s'y
voir au milieu de deux rangées de
bourgeois fous les armes ; & ceux qui
passèrent les derniers la porte de la
Barre, furent furpris de l'entendre
fermer après eux.

Quand les premières rangées de ces
écoliers furent arrivées entre le cou-
vent des Carmelites & la rue du Trou,
les Echevins, foutenus de plufieurs
capitaines & officiers de la bour-
geoifie, leur reprochèrent l'indignité
de leur conduite. Alors ces écoliers fe
crurent perdus; & pour fe fauver,
voulurent s'ouvrir un paffage à travers
les bourgeois, en menaçant de les
frapper, s'ils s'y oppofoient. Ceux-ci-fe
contentèrent d'en faifir trois, & ils
ouvrirent un paffage, par lequel les
autres s'enfuirent par la rue du Trou.

1660.

Ces trois écoliers furent conduits dans

1660.la prifon du Château: mais malheureufement ils appartenoient à des principaux bourgeois ; & le fieur de Montigny follicité, eut la foibleffe de les mettre en liberté une heure après.

Cette jeuneffe qui n'avoit pas été entièrement diffipée, voyant arriver un de ceux qui avoient été en prison, & certaine que les bourgeois n'étoient plus fous les armes, marcha fans crainte d'être punie droit au temple des Calviniftes; en enfonça les portes, arracha les bancs, les armoires, & fit du tout un grand bûcher, auquel elle mit le feu. L'incendie commençoit à faire des progrès, au grand contentemen des écoliers, qui apperçurent alors venir M. de Montigny, à la tête d'un détachement de la garnifon du Château: ces écoliers s'enfuirent au plus vite, chacun de fon côté, fans que M. de Montigny les fit poursuivre; parce qu'il n'eut pas trop de toute fa troupe pour arrêter l'effet de l'incendie, qui brûloit plufieurs piliers de cet édifice.

Le lendemain les Miniftres fâchés mais trop tard, de n'avoir pas adhéré aux avis que les Officiers municipaux leur avoient donnés, prirent le parti

de

de fe retirer, fans avoir fini la tenue 1660. de leur Synode. Douze d'entr'eux partoient à cheval, du côté de la porte du Pont, quand ils furent rencontrés par une bande d'écoliers qui ne cefsèrent de les fuivre, en les huant & en leur jettant toutes les pierres & pourritures qu'ils purent ramaffer jufqu'à ce qu'ils fuffent hors de leur portée.

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Afin de punir & d'arrêter les fuites de ce défordre, le Gouverneur fit fermer le College, & fortir de la ville, les écoliers des environs qui y faifoient leurs études. L'Hôtel-de-Ville fit afficher, que les parents des écoliers bourgeois répondroient perfonnellement de leur conduite. Ce ne fut qu'un mois après, & quand la fermentation des efprits parut affoupie, que cet Hôtel accorda l'ouverture des claffes.

On eft forcé d'avouer qu'une conduite auffi irrégulière qu'indécente, de la part des écoliers, & des bourgeois mêmes, qui paroiffoient l'approuver, eft une démonftration que leur Catholicité n'étoit pas épurée de préventions, comme elle auroit dû l'être; puif que la patience & la charité, que notre Religion nous commandent, leur dé

S

1660.

1661.

fendoient toutes invectives & toutes voies de fait.

:

Rien de fi funefte, que l'efprit de fédition, quand il n'a pas été réprimé exemplairement & à propos; car, fans cela, il fe communique à toutes les conditions de la même ville c'eft ce qui arriva dans Dieppe. Nos ancêtres avoient jufques-là refpecté la voix de leurs Magiftrats; mais leurs enfants ne l'écoutèrent plus. Voici ce qui donna lieu à cette fédition.

Le 20 Juin 1661, il fe répandit dans Dieppe, le bruit qu'un étranger, logé chez le nommé Gruchy Organiste de la paroiffe de St Jacques, étoit un monopoleur, qui venoit pour percevoir un droit fur le bled, qui, alors étoit vendu un prix très-haut. Ce bruit, inquiétant pour le peuple, fouleva d'abord les poiffonnières. Une d'entr'elles, connue fous le fobriquet, le Cheval échappé, parce qu'elle étoit plus harangère & plus difficile à appaiser que les autres, prit d'une main un chauderon, & de l'autre un morceau de fer, dont elle le frappoit pour afTembler le peuple. Quand elle eut amaffé autour d'elle, ce qui s'en trouva dans la poiffonnerie, elle paffa avec

cette fuite, dans le marché, où elle fit la même manœuvre. Dès qu'elle fe vit accompagnée d'une grande partie de la populace, qui y accouroit de toutes les rues, elle cria; qui m'aime, me fuive, & fe rendit à la tête de tout ce monde, à la maifon de Gruchy. Le peuple en enfonça la porte, & en jetta les meubles par les fenêtres.

Après cette expédition, cette poiffonnière, toujours fuivie de fon monde, & d'une quantité prodigieufe de peuple qui s'y joignit, fut à la maifon d'un nommé Dubuc, Receveur de la Romaine, en criant qu'il falloit jetter ce B.... de gueux de Commis, dans le quai', parce que c'étoit lui qui avoit donné le confeil aux Fermiers, d'augmenter de cinquante fols par tonneau, le droit d'entrée des marchandises. Soutenu de quelques Commis, Dubuc défendit bravement l'entrée de fa maison, pendant le temps néceffaire à la femme, à fes amis & domeftiques, pour mettre à l'abri fes effets & principaux meubles, qu'on tranfporta dans une maifon de derrière, qui avoit un paffage par la rue au Lait. Quand on eut averti Dubuc & fes Commis, que fes effets y étoient paffés, il fe fauva

1661.

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