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vouloient point les recevoir: Charles fit favoir aux Dieppois le befoin qu'il avoit de leur fecours pour chaffer les Anglois de devant cette place (1). Auffitôt ces fidèles citoyens firent fortir de leur port une flotte commandée par Ambroife furnommé Bouche-Nègre, parce que, dans les différents voyages qu'il avoit faits à la côte de Guinée, il avoit appris la langue de ces Africains. Ce Capitaine expérimenté battit & difperfa la Flotte Angloife; & Charles V nous témoigna la fatisfaction qu'il avoit de ce fervice.

Quelques jeunes Gentilshommes des environs ne purent entendre le récit des belles actions & des découvertes de nos navigateurs, fans defirer de partager leur gloire; ils vinrent demander de l'emploi à nos armateurs. Ceux-ci n'y confentirent, qu'à la condition qu'il n'avanceroient dans les poftes d'Officiers maritimes, qu'à raifon de leur expérience & de leur mérite perfonnel.

Béthancourt fut le premier qui mé

(1) M. de Villaret l'attribue aux Caftillans, qui n'étoient que nos Auxiliaires.

1370.

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1370.

rita leur confiance: il parvint au grade de capitaine ; &, par la fuite, on lui donna le commandement de deux vaiffeaux, pour faire le commerce à la côte d'Adra, que nous avions reconnue depuis peu. Béthancourt fit un voyage d'autant plus heureux, que, pour revenir plus promptement, il s'étoit plus écarté des côtes, qu'on n'avoit fait jufqu'alors que fuivre, & qu'à ce moyen il avoit rencontré une des Canaries en 1395. Ces Infulaires acceptèrent les préfents qu'il leur fit.

Sur le rapport qu'en fit ce marin à nos armateurs, ils lui accordèrent des vaiffeaux pour aller prendre poffeffion de cette ile; ce qu'il exécuta: mais ces négociants ayant réfléchi que l'établiffement qu'ils y pourroient faire, dépeupleroit leur ville, & conféquemment arrêteroit l'activité de leur commerce; ces confidérations les portèrent à la céder au Roi de Portugal, qui la demandoit, moyennant une compenfation pour eux & une récompenfe pour Béthancourt.

1380. Il fe tenoit alors une foire franche à Dieppe, pendant la femaine de la fête de faint Denis. La bonne foi des négociants de cette Ville, & l'importa

tion qu'ils faifoient dans leur port, des marchandises de l'Europe & de l'Afrique, attiroient à cette foire quantité de Marchands François & étrangers, qui profitoient de la sûreté des routes que Charles V tâchoit de procurer. Ce rétabliffement de Police Françoife qui, malheureusement, dura peu, favorisa l'exportation & augmenta les profits que les bourgeois de Dieppe faifoient fur leurs marchandifes. Plufieurs de ces marchands étrangers voulurent partager leur profpérité, leurs priviléges, & s'établirent dans Dieppe. Cette heureuse fortune de nos habitants fubfifta, fans altération, jufqu'en 1412.

Les infirmités de Charles VI ne lui permettoient plus de tenir les rènes de l'Etat: on ne voyoit plus que de foibles traces de la fage adminiftration que Charles V avoit introduite; les partis Bourguignons & Armagnacs déchiroient le fein de leur commune patrie.

Les Anglois furent appellés en France par le Fils du Duc d'Orléans, qui vouloit venger l'affaffinat de fon père. Cette nation a toujours été attentive à profiter de nos malheurs : elle fit l'effai de fes armes fur Dieppe. Ces Infulaires portoient dès-lors dans leur

1380.

1380.

1412.

fein, le germe de jaloufie contre notre navigation, qui s'eft depuis développé avec tant de violence leur fotte fe présenta devant notre port, dans le mois 'de Juin 1412.

Les Dieppois, qui ne s'attendoient pas à cette irruption, s'emprefsèrent à mettre leur ville en état de défenfe. Les Anglois débarquèrent dans la baie voifine de Pourville, d'où ils vinrent affiéger cette place parterre, tandis que leur flotte la bloquoit par mer. Ils ne trouvèrent parmi fes habitants, ni Armagnacs, ni Bourguignons, mais de bons François, difpofés à mourir plutôt qu'à rendre leur Ville. Des individus accoutumés aux fatigues & aux périls de la navigation, intéreffés à défendre les richeffes qui leur avoient coûté bien des peines, & qui joignoient à ce puiffant motif, l'amour de leur prince & de leur patrie, étoient certainement la meilleure garnifon qui pût exifter: auffi les citoyens ne fe bornèrent-ils pas à la feule défense de leurs murailles; leur réfolution & leur bravoure les engagèrent à porter tous les jours la mort dans le camp des Anglois. Sans ceffe affaillis par des gens qui méprifoient la vie, pourvu qu'ils puffent contribuer au falut de

leur

leur Ville, ils furent forcés de fe rembarquer, après avoir perdu leur Général, ainfi qu'un grand nombre de leurs Officiers & de leurs Soldats.

Depuis le retour de la Normandie à la couronne de France fous PhilippeAngufte, la fidélité des Dieppois s'eft toujours diftinguée, & nulle ville du royaume ne peut lui difputer la gloire d'être celle qui a le plus aimé & mieux fervi fes Rois : elle ne s'eft rendue qu'une fois à leur ennemi; encore avoit-il ufurpé l'augufte titre de Roi de France, & la plus grande partie du royaume l'avoit-elle reconnu pour tel; mais fes habitants ne furent pas long-temps à fentir leur tort, & ils eurent le bonheur de laver leur faute dans le fang de ceux qui la leur avoient fait commettre.

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1412

Henri V, Roi d'Angleterre, & qui 1420 fe prétendoit Roi de France, ayant été reçu fous ce titre à Paris & à Rouen, vint à Dieppe recevoir l'hommage des habitants de cette ville. Ils firent représenter à ce Prince, qu'il leur étoit impoffible de concevoir comment on pouvoit priver Charles, Dauphin, de l'héritage de fes pères. Henri, mécontent de la remontrance, les affiéC

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