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1420. gea. Les Dieppois fe défendent avec leur bravoure ordinaire, pendant trois femaines; mais, n'entendant parler ni du Dauphin, ni d'aucun de fa part, ils fe laifsèrent féduire par l'offre que leur fit Henri de reconnoître & confirmer leurs priviléges, en fa qualité de Roi de France. Ce même Prince, pour capter l'attachement des bourgeois, leur donna des Lettres - Patentes en faveur de leur hôpital, le premier Janvier 1428.

Les habitants de Dieppe qui, dans la détreffe d'un fiége, s'étoient aveuglés comme le refte de la nation, fentirent, par le cri de leur cœur, que Charles VII devoit feul être leur maître ; d'ailleurs ils jugèrent, par la manière dont Henri les traitoit, qu'il n'étoit pas fait pour

l'être.

En fe retirant de leurs murailles, le Roi d'Angleterre y avoit mis une gar nifon. Ces citoyens n'avoient jamais connu ce joug fous leurs Princes: cette fervitude leur parut infupportable,comparée à l'ancienne habitude d'une liberté qui n'avoit été fubordonnée qu'à la fidélité qu'ils devoient à leurs Rois. Les Officiers de cette garnifon s'apperçurent de leur averfion, & leur Com

mandant en appréhenda les fuites. En effet, ils étoient beaucoup plus nombreux, & une révolte de leur part, étoit à craindre. Ce Commandant crut devoir faire part de fon inquiétude au Duc de Bedfort, alors Régent du royaume pour les Anglois, & lui demanda un renfort de garnison. Ce Prince, qui avoit befoin de fes troupes pour profiter des avantages que fa bonne fortune lui préfentoit, ordonna à ce Commandant de s'affurer de la conduite des Dieppois, en faifant enlever les enfants des principaux bourgeois, qu'il enverroit à Rouen, pour otage & garantie de la conduite des habi

tants.

Cette exécution parut barbare à des gens indignés déjà contre les Anglois. Un grand nombre de Dieppois prit les armes à la hâte, pour arracher de leurs mains, plufieurs de ces enfants: ils y réuffirent; mais, toute la garnifon s'étant raffemblée, ils furent forcés de se retirer dans l'Eglife de Saint Jacques d'où on ne leur permit de fortir, qu'après avoir rendu ces enfants.

Cette tentative, faite par occurrence & fans ordre, fervit cependant à faire fentir aux habitants qu'ils auroient pu

1420.

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réfifter aux Anglois, s'ils avoient été tous réunis fous le commandement de leurs Officiers. Loin donc que cet échec les décourageât, l'apparence d'un fuccès poffible, leur fit prendre la réfolution de fecouer le joug des Anglois, & de fe remettre fous la domination du vrai Roi de France. Ni la crainte de la perte de leurs enfants, ni celle de leurs biens & de leur vie, ne purent ébranler leur amour patriotique; mais comme toutes leurs actions étoient veillées par une garnifon inquiète, ils s'en rapportèrent aux foins & au zèle notables d'entr'eux, pour régler les préparatifs & le moment de cette révolution dans le fecret.

de

quatre

Ces quatre bourgeois fentirent l'importance de la commiffion: ils ne précipitèrent point leurs démarches, & fe procurèrent, avec difcrétion, les moyens d'en affurer le fuccès. Quand tout fut difpofé, un des quatre fortit de la Ville, fous un faux prétexte, & fe rendit au village de Bures, éloigné de cinq lieues. Le fieur Defmarets dont la probité & la valeur étoient connues des Dieppois, demeuroit en cet endroit. Ce gentilhomme faifoit des vaux pour la profpérité des armes de

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Charles VII, & n'étoit venu à fa terre, 1420. que pour la parfaite guérifon d'une bleffure qu'il avoit reçue au fervice de ce Prince.

Dès que ce député lui eut fait part du projet des Dieppois & de leurs préparatifs, Defmarets, qui connoiffoit leur intrépidité, ne douta point du fuccès; il promit de fe trouver, avec le plus grand nombre de braves qu'il pourroit raffembler devant Dieppe, la nuit du vingt-deux Novembre de cette année quatorze cent trente-un; & il fut ar- 1431 rêté qu'il pafferoit la rivière au Pollet, dans de petites barques qu'on lui tiendroit prêtes, fans que cela pût être apperçu de la garnifon, qui n'avoit la nuit aucun pofte au-delà des portes de l'ancien mur du quai.

Pendant l'intervalle du temps julqu'au jour convenu, on diftribua en fecret, des armes à ceux qui n'en avoient pas; enfin, la nuit du 22 Novembre, les citoyens fortirent de leurs maisons à l'heure fixée; les uns fe rendirent fur la place d'armes, où ils attaquèrent les Anglois, qui y faifoient leur fervice; les autres fe rendirent à une des portes du quai, tuèrent la, fentinelle, & brisèrent cette porte. Le

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brave Defmarets fe rendit, au fignal convenu, fur le quai, fe mit avec fes gens à la tête des habitants, attaqua les ennemis & les chaffa de pofte en pofte jufques dans le Château, où les Dieppois entrèrent avec eux. Forcés partout, les Anglois s'enfuirent par la porte du fecours, laiffant plus de la moitié des leurs tant morts que bleffés.

L'affront que ces Bourgeois venoient de faire à la gloire des armes des Anglois, fe grava dans leurs cœurs; ils jurèrent de s'en venger; mais comme alors la fortune étoit favorable à Charles VII, ils remirent à un autre temps, l'effet de leur reffentiment.

Pendant les années que Dieppe avoit été fous la Domination Angloife, cette Ville n'avoit que très-peu interrompu fa navigation: il femble que le chagrin de cette fervitude avoit engourdi & flétri l'ame de fes marins; car ils ne firent aucune découverte, ni aucune expédition maritime pendant ce temps; fes habitants ne recouvrèrent même leur énergie à cet égard, qu'après la levée du fiége de leur Ville dont nous allons faire le récit.

Talbot, le meilleur Général de l'An

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