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l'accompagne, cause autant de joie que de dou

leur.

Nos deux spectateurs prirent leur vol, et suivirent la mort pour l'observer. Elle entra d'abord dans une maison bourgeoise, dont le chef était malade à l extrémité : elle le toucha de sa faux, et il expira au milieu de sa famille, qui forma aussitôt un concert touchant de plaintes et de lamentations. Il n'y a point ici de tricherie, dit le démon: la femme et les enfants de ce bourgeois l'aimaient tendrement; d'ailleurs ils avaient besoin de lui pour subsister; leurs pleurs ne sauraient être perfides.

Il n'en est pas de même de ce qui se passe dans cette autre maison, où vous voyez la mort qui frappe un vieillard alité. C'est un conseiller qui a toujours vécu dans le célibat, et fait très mauvaise chère pour amasser des biens considérables qu'il laisse à trois neveux, qui se sont assemblés chez lui dès qu'ils ont appris qu'il tirait à sa fin. Ils ont fait paraître une extrême affliction, et fort bien joué leurs rôles; mais les voilà qui lèvent le masque, et se préparent à faire des actes d'héritiers, après avoir fait des grimaces de parents : ils vont fouiller par-tout. Qu'ils trouveront d'or et d'argent! Quel plaisir,

vient de dire tout à l'heure un de ces héritiers aux autres, quel plaisir pour des neveux d'avoir de vieux ladres d'oncles qui renoncent aux douceurs de la vie pour les leur procurer! La belle oraison funèbre! dit Leandro Perez. Oh! ma foi, reprit le Diable, la plupart des pères qui sont riches, et qui vivent long-temps, n'en doivent point attendre une autre de leurs propres enfants.

Tandis que ces héritiers pleins de joie cherchent les trésors du défunt, la mort vole vers un grand hôtel, où demeure un jeune seigneur qui a la petite vérole. Ce seigneur, le plus aimable de la cour, va périr au commencement de ses beaux jours, malgré le fameux médecin qui le gouverne, ou peut-être parcequ'il est gouverné par ce docteur.

Remarquez avec quelle rapidité la mort fait ses opérations: elle a déjà tranché la destinée de ce jeune seigneur, et je la vois prête à faire une autre expédition. Elle s'arrête sur un couvent, elle descend dant une cellule, fond sur un bon religieux, et coupe le fil de la vie pénitente et mortifiée qu'il mène depuis quarante ans. La mort, toute terrible qu'elle est, ne l'a point épouvanté; mais, en récompense, elle entre dans un hôtel qu'elle va remplir d'effroi. Elle

s'approche d'un licencié de condition, nommé. depuis peu à l'évêché d'Albarazin. Ce prélat n'est occupé que des préparatifs qu'il fait pour se rendre à son diocèse avec toute la pompe qui accompagne aujourd'hui les princes de l'église. Il ne songe à rien moins qu'à mourir; néanmoins, il va tout à l'heure partir pour l'autre monde, où il arrivera sans suite comme le religieux; et je ne sais s'il y sera reçu aussi favorablement que lui.

O ciel! s'écria Zambullo, la mort va passer par-dessus le palais du roi! je crains que d'un coup de faux la barbare ne jette toute l'Espagne dans la consternation. Vous avez raison de trembler, dit le boiteux, car elle n'a pas plus de considération pour les rois que pour leurs valets de-pied; mais rassurez-vous, ajouta-t-il un moment après; elle n'en veut point encore au monarque, elle va tomber sur un de ses courtisans, sur un de ces seigneurs dont l'unique occupation est de le suivre et de faire leur cour: ce ne sont pas les hommes de l'état les plus difficiles à remplacer.

Mais il me semble, répliqua l'écolier, que la mort ne se contente pas d'avoir enlevé ce courtisan, elle fait encore une pause sur le palais,

du

côté de l'appartement de la reine. Cela est vrai, repartit le Diable, et c'est pour faire une très bonne œuvre elle va couper le sifflet à une mauvaise femme qui se plaît à semer la division dans la cour de la reine, et qui est tombée malade de chagrin de voir deux dames, qu'elle avait brouillées, se réconcilier de bonne foi.

Vous allez entendre des cris perçants, continua le démon: la mort vient d'entrer dans ce bel hôtel à main gauche; il va s'y passer la plus triste scène que l'on puisse voir sur le théâtre du monde: arrêtez vos yeux sur ce déplorable spectacle. Effectivement, dit don Cleophas, j'aperçois une dame qui s'arrache les cheveux, et se débat entre les bras de ses femmes. Pourquoi paraît-elle si affligée? Regardez dans l'appartement qui est vis-à-vis de celui-là, répondit le Diable, vous en découvrirez la cause. Remarquez un homme étendu sur un lit magnifique; c'est son mari qui expire: elle est inconsolable. Leur histoire est touchante, et mériterait d'être écrite : il me prend envie de vous la conter.

moins que

le ridi

Vous me ferez plaisir, répliqua Leandro; le pitoyable ne m'attendrit cule me réjouit. Elle est un peu longue, reprit

pas

Asmodée; mais elle est trop intéressante pour

vous ennuyer. D'ailleurs, je vous l'avouerai, tout démon que je suis, je me lasse de suivre la mort; laissons-la chercher de nouvelles victimes. Je le veux bien, dit Zambullo: je suis plus curieux d'entendre l'histoire dont vous me faites fête, que de voir périr tous les humains l'un après l'autre. Alors le boiteux en commença le récit dans ces termes, après avoir transporté l'écolier sur une des plus hautes maisons de la rue d'Alcala.

CHAPITRE XIII.

LA FORCE DE L'AMITIÉ,

HISTOIRE.

Un jeune cavalier de Tolède, suivi de son valetde-chambre, s'éloignait à grandes journées du lieu de sa naissance, pour éviter les suites d'une tragique aventure. Il était à deux petites lieues de la ville de Valence, lorsqu'à l'entrée d'un bois il rencontra une dame qui descendait d'un carrosse avec précipitation: aucun voile ne couvrait son visage qui était d'une éclatante beauté;

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