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humilié, c'est le sacrifice le plus digne de vous, et que vous ne méprisez jamais 1. Un enfant qui, après avoir offensé son père, craint de se présenter devant lui, par la douleur et la confusion qu'il sent d'avoir offensé un père dont il n'avait reçu que toute sorte de biens, et dont il espère encore en recevoir à l'avenir, honore plus son père et répare mieux sa faute par cette conduite que par toute autre voie.

V. Jésus-Christ, lui-même, comme il n'était venu au monde que pour être le chef et le modèle de tous les pénitents, que pour satisfaire à la justice de son père et réparer l'honneur que le péché lui avait ravi, n'a point voulu se dispenser de cette sorte de pénitence. Nous voyons, dans plusieurs endroits de l'Evangile, qu'il s'est troublé lui-même, que son âme a été troublée, qu'il a frémi en lui-même. C'est par là qu'il a commencé sa Passion, qui est la grande pénitence, et le grand sacrifice d'expiation qu'il a offert à son Père. Les Evangélistes ont soin de marquer que Jésus.commença dans le Jardin des Oliviers à être saisi de frayeur, à avoir le cœur pressé d'une extrême affliction, et que son âme en devint triste jusqu'à la mort 2; et que cette frayeur et cette tristesse le firent tomber en agonie, et firent sur lui une si terrible impression, qu'il lui vint une sueur comme de gouttes de sang qui découlaient jusqu'à terre3. N'est-il pas juste que nous honorions cette crainte,

1 Ps. 50,

18. 2

--

Luc., 22, 43, 44.

3 Marc., 14, 33, 44.

cette frayeur, cette tristesse, et cette agonie que nos péchés ont causées à Jésus-Christ, par des dispositions qui y aient quelque rapport? Ne devons-nous pas regarder comme une grande grâce cette crainte, cette frayeur, cette horreur, cette tristesse que la vue de nos péchés pourrait nous causer; et les regarder comme une petite goutte de ce calice d'amertume dont Jésus-Christ a été enivré, et dont il veut bien nous faire quelque part? Trop heureux si une telle vue nous faisait tomber en agonie, nous causait une sueur de sang, et la mort même. Mais nous sommes infiniment éloignés de concevoir une telle frayeur et une telle horreur à la vue des péchés que nous avons eu le malheur de commettre contre Dieu. David exprime, en plusieurs de ses Psaumes, les sentiments de frayeur et d'horreur dont il était pénétré en pensant à ses péchés : et ces sentiments, qu'il regardait comme des effets de la miséricorde de Dieu, fortifiaient son espérance, loin de la dimi

nuer.

S VI.

La erainte doit faire une partie de notre sûreté, et être pour nous un sujet de joie.

I. Dieu nous commande de craindre. Et qui ne voit que nous devons trouver notre sûreté à lui obéir, et à accomplir ses commandements? La crainte est un don de Dieu; c'est un des grands moyens de salut; et Jésus-Christ la recommande

à ses apôtres, et la leur recommande, parce qu'ils sont ses amis. La crainte est un honneur et un hommage que nous devons à Dieu; elle est une partie de notre pénitence. C'est ce que l'on a montré jusqu'à présent. N'est-il pas naturel d'en conclure que la crainte de Dieu doit faire notre sûreté, et doit être pour nous un sujet de joie? II. Ce n'est point un paradoxe de dire que la crainte de Dieu doit nous rassurer, et nous donner une joie véritable et solide; c'est parler comme l'Ecriture en parle. Celui qui craint le Seigneur ne tremblera point; il n'aura point de peur, parce que Dieu même est son espérance. Heureuse est l'âme de celui qui craint le Seigneur!... Les yeux du Seigneur sont sur ceux qui le craignent. Il est leur protection puissante, et l'affermissement de leur force.... il les soutient, afin qu'ils ne tombent pas. Il les assiste, quand ils sont tombés1. La crainte du Seigneur réjouira le cœur, elle donnera la joie, l'allégresse et la longue vie. Celui qui craint le Seigneur se trouvera heureux à la fin de sa vie, et il sera béni au jour de sa mort 2. Heureux donc l'homme qui est toujours dans la crainte! Mais celui qui a le cœur dur tombera dans le mal3. La crainte du Seigneur chasse le péché : car celui qui est sans crainte ne pourra devenir juste". C'est ainsi que le Saint-Esprit fait consister une partie de notre bonheur, de notre joie et de no

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tre sécurité, à vivre toujours dans la crainte de Dieu, et à ne nous tenir jamais dans une pleine et entière assurance, qui nous serait funeste.

III. C'est ce qui fait dire à saint Grégoire, qu'il n'y a point de plus grande sûreté que de craindre toujours. Avec cette crainte, on espère avec fruit et avec mérite, dit saint Bernard, et cette crainte est elle-même un motif très-fort et très-efficace d'espérer. Cette crainte est plus désirable qu'une entière sécurité, qui ne convient point à l'état de cette vie.

IV. Craignons le Seigneur, et que cette crainte fasse notre joie et notre bonheur; ces mouvements de crainte et de joie, qui nous paraissent contraires, s'allient parfaitement. La douleur et la joie paraissent autant incompatibles : cependant la douleur des vrais pénitents s'accorde trèsbien avec la joie; ce qui a fait dire à un Père, qu'un pénitent soit toujours dans la douleur de ses péchés, et qu'il fasse toujours sa joie de sa douleur même. C'est ainsi qu'un vrai chrétien doit toujours vivre dans la crainte, et trouver toujours sa joie dans sa crainte même. Servez donc le Seigneur dans la crainte, et réjouissezvous en lui avec tremblement1. Car heureux est l'homme qui craint le Seigneur, il mettra toute son affection à accomplir ses préceptes 2. La crainte de Dieu produit la joie, et cette joie produit de nouveau l'accroissement de cette crainte

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salutaire. Seigneur, que mon cœur se réjouisse, afin qu'il craigne votre saint Nom1. Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur 2, craignezle, observez ses commandements; c'est là le tout de l'homme3.

S VII.

En quels temps on doit s'occuper moins de la crainte.

I. Dieu, qui est admirable dans ses saints, juste dans toutes ses voies et saint dans toutes ses œuvres, conduit à lui ses élus par des voies fort différentes. Ils ont tous craint, ils ont tous espéré, et aimé ; ils ont même tous beaucoup plus aimé et espéré, qu'ils n'ont craint. L'amour et la confiance doivent être les dispositions dominantes de tous les justes; et la crainte même, quoique bonne et louable en elle-même, ne nous est commandée qu'autant qu'elle est nécessaire pour conduire à la confiance et à l'amour, ou pour les conserver, et les fortifier. Cependant il y a eu des justes, et même de grands saints, en qui Dieu avait imprimé une si vive crainte de ses jugements, que leur confiance ne paraissait pas d'une manière aussi sensible que leur frayeur. Cette impression sensible a paru dans quelques-uns durant toute leur vie, et quelquefois même à leur mort. Et c'est ce qui doit consoler et rassurer les âmes pieuses, qui n'éprouvent point en elles-mêmes

Ps. 85,

10.

2

3
Philipp., 4, 4. Eccli., 12, 13.

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