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VIII. Que si, après que nous sommes tombés, nous nous sentons troublés, confus et découragés, la première chose que nous devons faire, c'est de regagner la paix et la tranquillité du cœur, en détournant pour lors notre pensée de notre chute, et en nous occupant de la miséricorde infinie de Dieu, des marques qu'il nous en a données depuis que nous sommes au monde, de toutes les grâces dont il nous a favorisés préférablement à un nombre infini de personnes et de peuples entiers. Et quand, par ces considérations ou d'autres semblables, nous aurous rendu la paix à notre cœur, nous penserons alors sérieusement à la faute que nous avons commise, pour la réparer en la manière qu'on a expliquée : car tant que dure le trouble, l'âme n'est point en état d'y penser d'une manière qui lui soit utile et salutaire ; et au lieu de réparer sa faute, elle en fera plutôt de nouvelles, et peut-être de plus grandes.

IX. Toutes les fois qu'on se sent troublé, il faut toujours poser ce principe très-certain, que la volonté de Dieu est qu'on se défende de ce trouble, comme d'une tentation qui empêche l'âme de bien connaître la vérité, d'agir d'une manière conforme à l'esprit de Dieu, et qui ouvre la porte à beau→ coup de suggestions de l'esprit malin, qui, pour cette raison, fait tous ses efforts pour exciter et pour entretenir le trouble. Il ne faut point se laisser séduire sur ce point par une fausse humilité, par les apparences trompeuses de la crainte de Dieu. Le trouble est toujours dangereux. Le pre

ni

mier et le plus important de nos devoirs est de nous en délivrer. Quand même il serait nécessaire de nous condamner à une rigoureuse pénitence pour expier quelque faute considérable, il le faudrait faire avec une vue tranquille, qui puisse discerner la vérité et nous y affermir, et non pas avec un trouble qui nous la cache, et qui est la source de l'inconstance et de beaucoup de tentations et de fautes.

S IV.

Les rechutes très-fréquentes en des fautes vénielles ne sont pas toujours des marques que la contrition qu'on en avait n'était pas suffisante.

I. C'est ici une matière fort ordinaire de trouble, de découragement et de défiance pour les âmes timorées. Car tout ce que l'on va dire ne regarde que les personnes qui aiment Dieu sincèrement, qui haïssent véritablement les péchés véniels, qui en gémissent, et qui désirent s'en corriger. C'est de ces personnes que nous disons que, quoiqu'elles retombent toujours dans les mêmes fautes, elles ne doivent pas croire que la douleur qu'elles en ont, ni la résolution où elles sont de s'en corriger, soient fausses on insuffisantes.

II. Il y a une grande différence entre la pénitence qu'il faut faire des péchés mortels et des péchés véniels, entre la haine et la détestation qu'il faut avoir des uns et des autres et la résolution où l'on doit être de ne plus commettre les uns et les autres. On ne peut faire une véritable

pénitence de quelques péchés mortels, sans la faire de tous les autres; on ne peut se convertir sincèrement à Dieu en haïssant et détestant les uns, sans détester aussi les autres; ni être dans la résolution, telle que le Sacrement de Pénitence l'exige, de ne plus commettre les uns, sans être de même fortement résolu de ne plus commettre les autres; ni enfin obtenir la rémission des uns, sans obtenir en même temps le pardon des autres. Les péchés mortels sont tous incompatibles avec la vie de la grâce, avec l'amitié de Dieu, et le droit au royaume des cieux. Tout péché mortel sépare l'âme de son Dieu, la rend ennemie de Dieu, lui donne la mort, et la rend digne de l'enfer. De là, il s'ensuit que pour se convertir et rentrer en grâce avec Dieu, pour se mettre en état d'obtenir de Dieu le pardon de ses péchés mortels, pour délivrer son âme de la mort et de l'enfer, il faut les haïr et les détester tous; être non seulement dans la résolution de n'en plus commettre quelques-uns, mais renoncer effectivement à tous. La résolution de quitter tous les péchés mortels, peut et doit être suivie de l'effet, parce que tous les fidèles peuvent et doivent être exempts de tous ces péchés qui tuent l'âme, et la rendent l'objet de la malédiction de Dicu, et digne de la damnation éternelle. Un chrétien qui · a une foi pure et une espérance ferme, ne commet point de tels péchés, disent les Pères 1. C'est

1

August. de verbis Apost., serm. 181, n. 8.

de ces sortes de péchés que l'apôtre saint Jean dit souvent que celui qui est né de Dieu, ne commet point de péché1.

III. Il faut raisonner d'une manière bien différente de l'état de ceux qui servent Dieu fidèlement, et qui ne commettent que des fautes vénielles. La résolution de les éviter, quelque sincère qu'elle soit, ne peut pas être suivie de l'effet, parce qu'il est de foi que les justes ne peuvent pas, avec les secours ordinaires de la grâce, éviter durant toute la vie tous les péchés véniels. C'est un privilége qui n'a été accordé qu'à la sainte Vierge. La résolution où doivent donc être les plus justes, d'éviter tous les péchés véniels, doit être plutôt un dessein de travailler à les éviter, et un désir sincère de n'en plus commettre, qu'une espérance de les éviter absolument, puisqu'ils sont obligés de croire qu'avec toute leur vigilance, toutes leurs prières, et tout leur travail ils ne parviendront jamais à en être entièrement exempts.

IV. Il ne faut donc pas qu'ils se découragent, ni qu'ils laissent affaiblir leur confiance en Dieu, quoiqu'ils retombent toujours dans les mêmes fautes vénielles, dont ils s'accusent sans cesse. Le juste, dit l'Ecriture, tombera sept fois, et se relèvera 2. Il suffit qu'ils s'en humilient, qu'ils en gémissent, qu'ils travaillent à les éviter autant qu'ils pourront. Ils peuvent avoir une douleur très-sincère et très-vive de ces péchés, et néan

11. Joan., 3, 6, 9, et ch. 5, 18. 2. Prov., 25, 16.

moins souvent y tomber. Car on peut être faible et haïr sa faiblesse. Ceux mêmes qui seraient assez faibles pour conserver une attache volontaire à quelque péché véniel, ne doivent pas perdre courage. On ne vient point à bout de détruire toutes ses attaches vicieuses sans beaucoup de peine et beaucoup de temps. Ceux qui vivent dans une plus grande séparation des créatures et des affaires du siècle, sont plus sujets à retomber toujours dans les mêmes péchés véniels. Comme leurs exercices sont toujours les mêmes, leurs occupations toujours les mêmes, leurs fautes sont aussi ordinairement les mêmes. Nos péchés ordinairement ne se diversifient qu'à proportion que les occasions d'en commettre se diversifient. Les mêmes occasions produisent les mêmes tentations et les mêmes péchés; cependant ce sont ces personnes qui haïssent plus fortement tous les péchés véniels, et qui font de plus grands efforts pour s'en corriger.

V. Il ne faut pas pour cela croire ni que toutes les résolutions que nous formons d'éviter ces fautes, ni que toute notre vigilance, notre travail et les prières que nous offrons à Dieu pour nous en délivrer, soient inutiles. Ce serait donner dans un des plus dangereux piéges de notre ennemi. C'est par tous ces moyens que Dieu nous préserve de beaucoup d'autres péchés ou semblables ou plus grands que ceux que nous commettons ; c'est encore par ces moyens qu'il conserve ou augmente même la haine et la détestation de ceux mêmes que nous commettons, qu'il nous en accorde le

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