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avec hauteur & avec fierté; ce n'est pas une raifon à nous de nous éloigner de T'humilité, ni d'imiter les défauts qui nous choquent dans les autres, parceque c'eft à Dieu que nous devons cette douceur & cette humilité; puifque c'eft lui qui nous les préfcrit.

7. Ce qui fait que nous découvrons peu les fautes que nous pouvons commettre en général, & que nous fommes fi portés à nous juftifier en nous mêmes, c'est que nous connoiffons peu les vrais devoirs de la charité, & les fources d'où ils découlent; & c'eft ce qu'il eft important de déveloper, afin de inieux découvrir en combien de manieres nous y manquons. Et pour cela il paroît utile de confiderer que le prochain n'eft pas fimplement l'’image de Dieu, qu'il n'eft pas fimplement appelé à la participation du même bonheur que nous,mais qu'il eft deplus revêtu des droits de Jefus-Chrift à notre égard; c'eft-à-dire, que Jefus-Chrift l'a fubftitué en fa place, afin de recevoit en fa perfonne ce que nous lui devons à la fienne. C'eft la fource de ces expreffions de Matth. l'Evangile: ce que vous avez fait à l'un de 25. 40. ces petits, vous me l'avez fait à moi-même ; ce que vous n'avez point fait à l'un de mes freres, vous ne me l'avez point fait. Il ne faut donc point tant regarder ce que les

hommes méritent, que ce que JefusChrift mérite que nous leur faffions. Le mérite de Jefus Chrift eft le fondement de la regle de nos devoirs envers le prochain, & tout ce qui ne le détruit pas ne le peut détruire.

8. Comme nous devons donc un amour invariable à Jefus-Chtift, nous devons un amour invariable au prochain; & fes défauts & fes injuftices ne peuvent pas le détruire. Jefus-Chrift mérite de même que nous procurions au prochain tous -les biens que nous pouvons lui procurer, que nous tâchions de le délivrer de tous les maux dont nous pouvons le délivrer. Comme il n'y a rien que nous ne devions endurer pour Jefus Chrift, notre patien ce envers le prochain ne doit point avoir de bornes. Enfin comme Jefus - Chrift eft toujours digne de relpect, nous avons toujours des raifons de refpecter & d'honorer le prochain.

9. Il faut avoir de plus pour principe, qu'il ne nous eft jamais permis de faire rien envers le prochain par maniere de vengeance. C'eit un droit que Dieu n'a point laiflé aux hommes, & qu'il s'eft uniquement réservé. Or il y a bien des manieres de vengeances: car comme on fe venge des dommages réels qu'on reçoit par d'autres dommages qu'on cause,

comme on le venge des coups par des coups, des injures par des injures, on se venge auffi de la hauteur qui nous incommode par une hauteur qui incommode les autres, on fe venge de la fierté par la fierté, des airs par les airs. Et tout cela ne vaut rien, parce qu'il n'a pour principe que le reflentiment & la vengeance, qui font des mouvemens aufquels il n'eft pas permis de s'abandon

ner.

10. Nous ne devons pas feulement la patience au prochain, nous lui devons auffi l'édification, non feulement par nos paroles, mais beaucoup plus par notre exemple, & par un air de pieté répandu dans nos actions. Il n'eft pas toujours tems de l'inftruire, ni de le reprendre; mais il est toujours tems de lui donner des exemples d'humilité, de moderation & d'équité : & c'eft pourquoi l'Apôtre faint Pierre veut que les Chrétiens infiPetr. nuent l'humilité en toutes chofes: humili. tatem in omnibus infinuantes. Le Sage vent que toutes nos œuvres foient faites avec douceur: Fili in manfuetudine opera tua perfice. Ceft par l'examen de ce premier devoir que doit commencer celui du tort que nous pouvons avoir fait aux autres dans les conteftations; parce qu'il arrive fouvent que le défaut de ces difpofitions

5.5.

Eccli. 3.

39.

imprime dans nos paroles un air de fierté, qui bien loin de porter les autres à une difpofition d'humilité, leur inspire au contraire une certaine mauvaife humeur, qui paroiffant dans leurs paroles nous irrite à notre tour, fait qu'enfuite les paffions étant excitées, elles ont beaucoup plus de part que la raifon à tout ce qui fe dit: chacun n'étant appliqué qu'à caufer à l'autre par fes repliques, une peine pareille à celle qu'il a reçue par fes difcours.

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11. Quel interêt avons nous dans ce monde, que d'y acquerir les vrais biens? Or ces biens font l'humilité & la charité, il n'y a donc rien de plus contraire à nos interêts que ce que nous faifons, qui eft de nous juftifier en nous mêmes, ce qui détruit ou diminue en nous l'humilité: & de nous appliquer fortement aux défauts du prochain, ce qui affoiblit notre charité. On devroit faire tout le contraire: tâcher à connoître les défauts, s'humilier & occuper des bonnes qualités du prochain, pour s'exciter à l'aimer..

12. Il eft vrai qu'on peut connoître les défauts du prochain fans ceffer de l'aimer, mais c'eft lorfque les paffions ne font point émues, & qu'en voyant tranquilement fes défauts, on peut s'occuper en même-tems de ses bonnes qualités, & des

autres raifons

que nous avons de l'aimer. Mais quand l'ainour-propre eft piqué & intereflé, la vue d'un feul défaut qui le regarde, ôte le sentiment de tout ce qu'il peut avoir de bon: ainfi il n'y a rien de fi dangereux, que la vue des défauts du prochain, dans cet accès de paffion.

13. Cette vûe eft inutile pour nous juftifier: parce que la faute des autres n'empêche pas la nôtre: elle eft dangereuse, parce qu'elle affoiblit notre charité: elle eft trompeufe, parceque nous voyons les chofes autrement qu'elles ne font ; au travers de la paffion, nous ne voyons que ce qui l'itrite,& rien de ce qui la peut adoucir.

14. Il faut porter le remede à ce qui eft attaqué, & en quoi on nous peut nuire: or la dureté des paroles des antres, foit quand on la procure, foit quand on s'en fouvient,n'attaque proprement que notre patience, notre humilité, notre charité: c'eft donc à quoi nous devons remedier. 15. Celui qui a l'avantage dans un combat, c'eft celui qui n'y eft point bleffé, & qui n'y reçoit aucune plaie. Or les vérita bles bleffures des conteftations, qui font des efpeces de combats, confiftent dans ce qu'on dit aux autres, & non pas dans l'on nous peut dire. Qu'on nous dife tant de duretés que l'on voudra, fi on ne les repouffe point par des paroles

ce que

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