Imágenes de páginas
PDF
EPUB

pour le commun de l'Eglife, & mêine pour le commun des ames fpirituelles; donc le commun des ames fpirituelles marche dans la voie de la multiplicité. Car de dire qu'ils marcheront tantôt dans l'une & tantôt dans l'autre, cela eft aflez contraire à l'experience, qui fait voir que ceux qui font parfaitement appliqués à cette Oraifon deviennent incapables de l'Office, & en font embarraffés. Or on n'a gueres oui dite que la fpiritua lité des Anciens, allât à réciter l'Office avec peine, ce qui fait voir que ce n'étoit pas leur voie.

Je ne paffe pas plus avant, Monfieur, je dis feulement que ce n'eft point la voie commune de la réparation des ames, que cet état n'a jamais été commun, & qu'ainfi ceux qui le veulent rendre commun, en y portant, comme l'on fait en ce temsici, la plupart des perfonnes dévotes, & en faifant un état ordinaire où l'on doit tendre par un certain ordre d'exercices comme par un cours de fpiritualité, femblent n'être pas affez entrés dans le deffein de l'Incarnation,& n'avoir pas eu affez d'égard à la conduite génerale de l'Eglife. Mais je ne fuis pas fi témeraire, que de prétendre donner des bornes aux operations de Dien. Il est toujours le maître des ames, & les conduit com

me il vent, & lorfqu'on voit dans certaines perfonnes des effets extraordinaires, qui font juftifiés par toute la fuite de la vie, il faut être bien hardi pour les COMdanner. L'Oraison eft le canal des graces de Dieu. Quand on remarque donc dans une ame beaucoup de graces, beaucoup de componction, beaucoup de fidelité, beaucoup de mortification, & beaucoup d'humilité, je croi qu'on doit juger fon Oraifon fort bonne, de quelque nature qu'elle foit: c'est-à-dire, quoique l'ame y foit toute recueillie dans un même objet, foit qu'elle fe foutienne par quelque multiplicité,la voie qui conduit l'ame à une fin fi defirable, doit être jugée agreable à Dien, puifqu'elle attire tant de faveurs & de benedictions de Dieu.

La longueur de cette Lettre, Monfieur, m'oblige de retrancher quelques autres difficultés que j'aurois pu vous propofer. En voilà affez, ce me femble, pour vous faire voir qu'on n'a pas rejetté abfolument cette Oraifon de fimple regard, puifque je n'ai jamais été perfuade qu'on le pût faire raisonnablement. Je ne me juge pas d'ailleurs competant pour condanner perfonne, & ceux qui fe mocqueroient de mes cenfures, feroient à mon avis très-bien fondés. C'est pourquor comme je vous ai parlé un peu

plus librement que je n'aurois fait dans un Ecrit public, non contre cette Oraifon en foi, mais contre l'étendue qu'on y veut donner; je vous fupplie trèshumblement de me faire la grace de ne montrer point cette Lettre à qui que ce foit. Il n'eft nullement à propos de me commettre avec des perfonnes fpirituelles que je n'ai nul deffein d'offenfer On m'a déja cominis fort mal à propos avec un nommé Monfieur l'Abbé Deftival que je n'ai jamais eu intention de choquer. Si vous voulez m'écrite vos fentimens, & encore plus l'experience que vous avez, ou par vous-même, ou par d'atitres, des effets de cette maniere de prier, je le recevrai, Monfient, comme une très-grande faveur. J'eftime beaucoup ces fortes d'Hiftoires, quand elles viennent par le canal d'un homme fincare & intelligent comme vous, & qui ne fait pas une vert d'une crédulité indifcrete. Il me femble que ce font des nouvelles de l'autre mon de, , qui fervent à détacher de celui-ci

J

LETTRE LXI.

Sur la Réponse à la Lettre précedente.

E n'ai, Monfieur, que des remerci mens à vous faire des éclairciflemens que vous avez la bonté de me donner dans la Lettre que je reçois de votre part. Je vous prie feulement de vouloir exami ner s'il n'y a point équivoque dans le terme d'Oraifon de Foi, & fi vous ne confondez point l'efprit de la foi avec l'économie de la foi. Il me feinble que ce que vous appelez l'Oraifon de Foi,eft celle qui eft conforme à l'économie de la foi felon laquelle Dicit a voulu que nous dépendiffions de beaucoup de chos fes exterieures aufquelles il a attaché l'exercice de la Religion Chrétienne ; au lieu que ce que les autres appellent com munément l'Oraifon de Foi, eft celle qui fe fait independemment de ces moyens exterieurs, & dans laquelle l'ame ne fe foutient que par la Foi qui lui dit que Dieu eft préfent même dans fon cœur, & qui par cette fimple vue fe tient en un profond respect dans la préfence, fe tient dans le filence pour l'écouter, & l'adore dans les perfections par un fimple regard de Foi.

LETTRE LXII.

Lè peu de fondement qu'il faut faire des prédictions, que certaines perfonnes le mêlent de faire.

A MADEMOISELLE PIETERSON A BRUXELLES.

E ne prétens point, Mademoiselle, me rendre garant de la nouvelle qui fera le fujet de cette Lettre ici, qui eft que l'on vous avoit prophetifé une mort prochaine, & que vous en étiez extraordinairement troublée. Peut-être que la prophetie eft imaginaire, & encore plus le trouble. Mais cette nouvelle ou vraie, ou fauffe, ne laiffe pas de me fournir une occafion de vous donner quelque preuve de la continuation de mon refpect, & de mon affection, par la part que je me trou ve obligé d'y prendre en la maniere que je le puis. Supofez donc ce bruit véritable, au moins pendant que vous lirez cette Lettre, & que vous y verrez ce que j'ai à vous représenter fur cette prophetie, & fur ce trouble.

Je ne m'arrêterai pas, Mademoiselle, à vous décrier le Prophete. Comme je ne le connois point, je n'en pourois parler

« AnteriorContinuar »