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toutes ces traverses, & je fuis plus veritablement que jamais, Monfieur, votre

&c.

LETTRE

LXIV,

Quels fent les devoirs aufquels la charité nous oblige les uns envers les autres.

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ILn'y auroit rien de moins urile, Mademoiselle, que de vous écrire fur la mort de Madame N..... fi ce devoir n'avoit point d'autre fin que votre confolation. Vous en trouverez tant, & dans votre pieté, & dans celle des perfonnes qui vous environnent, que je ne fuis pas affez fimple pour croire que vous en attendiez de moi. Mais j'ai penfè, Mademoiselle, que ces devoirs qui ne font pas toujours utiles aux perfonnes à qui on les rend, le peuvent toujours être à ceux qui les rendent. Car fi nous étions tels que nous devrions être, nous trouverions dans tout ce qui arrive aux autres de quoi nous inftruire nous-mêmes, nous nous revêtirions de tous les fentimens qu'ils devroient avoir, nous nous réjouirions de tous leurs biens, nous ferions touchés de tous leurs maux, & nous profiterions ainfi des uns & des autres. La civilité humaine à établi qu'on

'dife que l'on fait tout cela; quoique pour l'ordinaire on ne dife pas trop vrai: mais auffi cela n'eft-il pas abfolument faux. Quand on defire fincerement de le faire, c'eft avoir en quelque forte tous ces fentimens, que de defirer de les avoir; parce que c'est avoir la charité que d'aimer la charité. Ces devoirs établis par la coutume, nous marquent donc en même tems les fentimens que nous devrions avoir, & nous fournissent des occafions de les réduire en pratique. Ainfi ce n'eft point proprement pour vous, mais c'eft pour moi-même que je prendrai la liberté de vous dire, Mademoifelle, qu'entre les penfées que la mort des perfonnes avec qui nous avons été unis nous doit donner; il me femble que c'en eft une que cette mort finiffant le commerce que Dieu a voulu que nous euffions avec cette créature, elle finit par confequent le Miniftere que Dieu nous avoit donné à son égard. Ĉar nous ne faurions avoir d'union & de liaison avec cette perfonne, que Dieu ne nous oblige à quelques devoirs & à quelque Miniftere envers elle. Nous fommes tous chargés de notre prochain, felon l'Ecriture, & nous fommes au moins obligés envers qui que ce foit à ces deux devoirs géneraux, de l'édifier

& de ne lui pas nuire, de profiter de ce que nous voyons de bon en lui, & de ne le pas fuivre en tout ce qu'il auroit de mauvais. On ne peut nier que ce ne foit là un veritable devoir, & par consequent, on eft obligé d'en rendre compte à Dieu, & d'examiner de quelle forte on s'en eft acquité. Or il n'y a point de tems où l'on foit plus obligé de le faire que lorfque ces devoirs étant finis par la mort de ces perfonnes, il ne reste plus que d'en rendre compte. Mais quelles fautes, dira-t'on, peut-on commettre dans la plupart de ces liaisons humaines avec des gens qu'on n'eft pas en état ni d'inftruire, ni de reprendre? On ne laiffe pas, Mademoiselle, de pouvoir commettre avec eux une infinité de fautes. On est toujours obligé de ne leur parler que felon la verité, & de ne leur faire paroître que des mouvemens de charité. On eft obligé de ne leur pas nnire, en ne les confirmant point dans leurs paffions, & en ne leur infpirant pas les nôtres. Or c'eft les leur infpirer que de les leur montrer tout mouvenient de cupidité, pour fubtil & délicat qu'il puiffe être, ayant je ne fai quoi de contagieux, qui laiffe une mauvaise impreffion dans l'efprit. Combien s'en peutil glifler de cette forte, Mademoiselle

que

dans le commerce que nous avons avec les créatures puifque ne parlant & n'agiffant pas toujours avec charité, il s'enfuit que l'on parle, & l'on agit quelquefois par cupidité, & que fouvent on ne fait autre chofe dans les communications que l'on a avec les perfonnes du monde, que de fe faire mutuellement des playes qui fe multiplient d'autant plus qu'on ne reçoit pas feulement celles qu'on nous fait, mais qu'on reçoit auffi le contre-coup de celles que leur fait, puifqu'on ne fauroit blesser les autres, fans fe bleffer foi-même. Il eft vrai que le plus fouvent on ne s'en apperçoit pas. Mais fi on ne connoît pas en détail le nombre de ces omiffions & des petits scandales que l'on caufe au prochain, on peut favoir au moins qu'il eft grand, & qu'on a grand fujet de s'en humilier devant Dieu.

.

l'on

Si c'est là, Mademoiselle, comme on n'en pent pas douter, la condition de toutes es liaifons humaines, il s'enfuit que la charité qu'on a pour les morts eft en cela plus heureuse que celle que l'on a pour les vivans. On peut nuire & fervir aux vivans, & on leur nuit souvent plus qu'on ne leur fert. Mais on ne fauroit nuire aux morts, & l'on peut au contraire leur fervir, en offrant pour eux à

Dieu le facrifice d'un cœur contrit & humilié.

Voilà, Mademoiselle, ce que je me fuis dit à moi-même fur votre fujet. Et fi je me l'étois bien dit, je pourrois dire que je me ferois acquitté de ce que je vous dois en cette occafion. Je l'ai au moins defiré, puifqu'il me femble que c'eft avec fincerité que je vous affure que je fuis avec respect, Mademoiselle,

votre &c.

LETTRE LXV.

Aune Religieufe qui avoit de la peine d'être continuée dans la charge de Prieure, craignant de l'être contre l'ordre de Dieu, parceque fon Superieur avoit été oppofé à fa continuation dans cette Charge.

IL n'eft point étrange, ma Réverende

Mere, que vous aiyez été troublée par un accident, tel que celui que vous décrivez. Toutes les fois que notre efperance eft trompée, & qu'on eft traverfé par ceux dont on attendoit un autre traitement; que ce font des perfonnes qu'on doit honorer, & qu'on honore en effet ; que l'on n'eft pas bien afluré qu'ils fe trompent dans le jugement qu'ils portent de nous, mais qu'on ne

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