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fameux, fous Charles VI, par de sanglantes catastrophes: plus d'un Acteur y ont perdu la vie; les autres, l'honneur plus cher la vie: Cet Hôtel n'étoit pas ouque

les uns,

vert à tout le monde, comme ceux que

l'on a connus depuis, fous les noms de Gefvres & de Soiffons: il n'étoit fréquenté que par la Nobleffe, ou par les Particuliers les plus opulens. Le jeu n'avoit pas encore confondu toutes les conditions; cette honte étoit réservée à des temps poftérieurs. Ce Tripot, eft le premier que je connoiffe en France.

QUANT au Peuple, l'Hiftoire & les Mémoires du temps, nous apprennent qu'il se livroit plus volontiers aux jeux d'exercice, qu'aux jeux de hafard; & même je trouve dans les Antiquités de Sauval, que ceux-ci lui étoient abfolument étrangers. << Avant l'arquebuse, dit-il, & la poudre » à canon, il avoit toujours en main l'arc » & l'arbalêtre; &, de tout temps, il s'eft » plu à jouer au palet, aux quilles, à la » boule & autres paffe-temps (1). »

(1) SAUVAL, Antiquités de Paris, Tom. II. pag. 680,

· L'INVENTION des cartes, apporta quelques changemens dans la manièrë de s'amufer. Les différens jeux qu'elles amenèrent, coûtèrent d'abord plus de temps que d'argent : cette perte, non moins réelle que l'autre, attira l'attention des Magiftrats & du Clergé. Un Religieux Auguftin, dit Pafquier, fit, fous Char les VII, des changemens merveilleux dans Paris par fes prédications à sa voix, on alluma des feux dans plufieurs quartiers; chacun, à l'envi, courut y jeter cartes, billes & billards (1).

EXCEPTÉ quelques folies paffagères, quelques accès momentanés, je n'ai rien trouvé non-feulement dans les derniers rangs de la Société, telle qu'elle existoit alors, mais encore dans l'état moyen, qui puiffe les faire foupçonner de la fureur du jeu; tandis, au contraire, que je vois cette fureur régner, fans interruption, dans les palais des Rois ou dans les maisons des Grands.

QUAND nous en ferons aux joueurs

(1) Recherche des Recherches, &c. pag. 721

infidèles, on verra comment on jouoit fous Louis XI & fes fucceffeurs : on remarquera que la délicateffe & la bonne foi, se sont altérées à proportion que le jeu s'eft aug menté. Il ne faut pas s'y méprendre, quel, que choifie que foit la fociété des joueurs, elle eft rarement exempte de baffeffes; & ceux-ci, quoi qu'ils en difent, tardent rarement à s'oublier.

CHAPITRE IX.

Du Jeu, depuis François I. jusqu'à Henri IV

«Du temps de François I, dit l'Abbé de

» Longuerue, on ne favoit pas ce que » c'étoit que ce miférable jeu dont la rage » a gagné tout le monde (1); » ce qui fignifie feulement, que les Citadins économes & laborieux, des villes médiocrement peuplées, ne s'y livroient pas encore. Ce Savant, ne pouvoit pas ignorer que les Cours, ont prefque toujours été le théâtre du jeu.

(1) Longueruana.

» Nos Rois, dit Sauval, l'ont aimé de tout » temps ; & présentement on les voit, à » portes ouvertes, paffer le temps aux » échecs, au tri&rac, aux dez (1). »

J'EN ai dit affez, pour indiquer les vraies fources de cet abus; pour montrer d'avance, par où doit commencer la réforme. Continuons de fuivre cette paffion qui, déformais, va marcher à plus grands pas, & fe gliffer jusque dans le fanctuaire de la Juftice. « Je fais qu'il y a des joueurs » parmi vous, difoit en 1564, le Chan» celier de l'Hôpital, au Parlement de » Bordeaux (2). »

Si les Rois, avoient imité le défintéressement de Henri II, cette manie n'auroit pas fait tant de progrès. Brantome, donne une haute idée, de la générofité de ce Prince, en même temps qu'il fait la fatire de fes Contemporains : « Il jouoit à la » paume, dit-il, & s'y affectionnoit fort; » non pour l'avarice, car ce qu'il gagnoit,

(1) Antiquit. de Paris.

(2) Mémoires & Harangues, imprimés chez Pierre Chevaljer.

» il le donnoit à fes affociés: s'il perdoit, » autant de perdu pour lui, il payoit pour » tous; auffi les parties de ce temps, n'é>> toient-elles que de deux, trois ou quatre>> cents écus au plus, non, comme à préfent, » de quatre-mille, fix-mille & deux fois » plus mais le paiement ne s'en fait auffi » beau comme alors, & il faut, aujourd'hui, » en faire bonne compofition (1). »

:

Le même Auteur parle d'un Capitaine François, nommé la Roue, qui jouoit cinq à fix-mille écus d'un coup; ce qui, alors étoit exorbitant. Ce joueur intrépide, propofa de jouer vingt - mille écus contre l'une des Galères de JeanAndré Doria: celui-ci, quoiqu'il eût engagé fa parole, la retira de crainte d'être raillé, s'il venoit à fuccomber. « Je ne » veux pas, difoit-il, que ce jeune Aventu »rier, qui n'a de quoi perdre, me gagne » ma Galère, pour s'en aller triompher » en France, de ma fortune & de mon » honneur (2). »

(1) BRANT. TOM. VII. Difc. XLI. pag. 54. La Haye,

770.

(2) BRANT. Tom. V. Difc. XXXVI. pag. 65

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