Imágenes de páginas
PDF
EPUB

moignage dont le feu roi l'a honoré publiquement, qu'il ne rendit jamais de mauvais office à perfonne auprès de S. M. Il a eu toutes les graces & toutes les dignités auxquelles, pour ainfi dire, il avoit droit, & qu'une ambition raisonnable lui pouvoit promettre. Il n'a jamais eu le défagrément qu'elles aient fait une nouvelle furprenante pour le public. Il a été gouverneur de Touraine, le premier des fix menins que le feu roi donna à monseigneur, grand pere du roi, chevalier d'honneur des deux dauphines de Baviere & de Savoie, confeiller d'état d'épée, chevalier des ordres du roi, grand-maître des ordres royaux & militaires de Notre-Dame du Mont-Carmel, & de Saint-Lazare de Jérufalem.

Quand il fut revêtu de cette derniere dignité, il fongea auffi-tôt à relever un ordre extrêmement négligé depuis longtems, & prefque oublié dans le monde. Il apporta plus d'attention au choix des chevaliers ; il renouvella l'ancienne pompe de leur réception, & de toutes les cérémonies, ce qui touche le public plus qu'il ne

penfe lui-même; il procura par fes foins la fondation de plus de vingt-cinq commanderies nouvelles ; enfin, il employoit les revenus & les droits de fa grande maîtrife à faire élever en commun, dans une grande maison deftinée à cet ufage, douze jeunes gentilshommes des meilleures nobleffes du royaume. On les appelloit les Eleves de Saint-Lazare, & ils devoient illuftrer l'ordre par leurs noms, & par le mérite, dont ils lui étoient en partie redevables. Cet établiffement dura près de dix ans ; mais il lui auroit fallu, pour fubfifter, des tems plus heureux, & des fecours de la part du roi, dont les guerres continuelles ôterent entiérement l'efpérance. Ainfi M. de Dangeau eut le déplaifir de voir fa générofité arrêtée dans sa courfe & fes revenus appliqués à fes feuls befoins. Il a laiffé l'ordre en état que M. le duc de Chartres ait daigné être fon fucceffeur.

[ocr errors]

Son goût déclaré pour les lettres, & pour tous ceux qui s'y diftinguoient, & un zele conftant à les fervir de tout fon pouvoir, firent juger que la place d'ho

noraire, qui vint à vaquer ici en 1704, par la mort de M. le marquis de l'Hôpital, lui convenoit, & que l'académie des fciences pouvoit le partager avec l'acadé mie françoife. Il n'accepta la place, qu'en faifant bien fentir la noble pudeur qu'il avoit de fuccéder à un des premiers géometres de l'Europe, lui qui ne s'étoit nullement tourné de ce côté-là; & il n'a jamais paru ici, fans y apporter une modefie flatteufe pour l'académie, & cependant accompagnée de dignité.

Il mourut le 9 feptembre 1720, âgé de 82 ans. Il avoit foutenu, dans un âge affez avancé, les plus cruelles opérations de la chirurgie, & deux fois l'une des deux, toujours avec un courage fingulier. Ce courage et tout différent de celui qu'on demande à la guerre, & moins fufpect d'être forcé. Il eft permis d'en manquer dans fon lit.

M. le marquis de Dangeau avoit été en liaifon particuliere avec les plus grands hommes de fon tems, le grand Condé, M. de Turenne, & les autres héros de toute efpece, que le fiecle du feu roi a

produits. It connoiffoit le prix, fi fouvent ignoré ou négligé, d'une réputation nette & entiere, & il apportoit, à fe la conferver, tout le foin qu'elle mérite. Ce n'eft pas là une légere attention, ni qui coûte peu, fur-tout à la cour, où l'on ne croit guere à la probité & à la vertu, & où les plus foibles apparences fuffifent pour fonder les jugemens les plus décififs, pourvu qu'ils foient défavantageux. Ses difcours, fes manieres, tout fe fentoit en lui d'une politeffe, qui étoit encore moins celle d'un homme du grand monde, que d'un homme né officieux & bienfaifant.

[ocr errors]

Il avoit épousé, en premieres noces Françoise Morin, foeur de la feue maréchale d'Etrées, dont il n'a eu que feue madame la ducheffe de Montfort; & en fecondes noces, la comteffe de Leuveftein, de la maifon Palatine, dont il n'a eu que feu M. de Courcillon.

K

ÉLOGE

DE MONSIEUR

DES BILLETTES.

GILLES FILLEAU DES BILLETTES naquit à Poitiers, en 1634, de Nicolas Filleau, écuyer, & d'une dame qui étoit d'une bonne nobleffe de Poitou. L'ayeul paternel de Nicolas Filleau étoit forti de la ville d'Orléans, avec fa famille, dans le tems que les calviniftes y étoient les plus forts; il fe déroba à leur perfécution, qu'il s'étoit attirée par fon zele pour la religion catholique, & il abandonna tout ce qu'il avoit de bien dans l'Orléanois. Le pere de M. des Billettes, établi à Poitiers, entra dans les affaires du roi, & y fit une zy fortune affez confidérable, quoique parfaitement légitime. Il eut trois garçons, & deux filles mariées dans deux des meilleures maifons de la Haute & Baffe Marche.

Les deux freres de M. des Billettes,

« AnteriorContinuar »