Imágenes de páginas
PDF
EPUB

il ne le fut encore que pour peu de tems; mais ce peu de tems valut à l'Etat un réglement utile. Les bénéfices tombés une fois entre les mains des réguliers, y circuloient ensuite perpétuellement, à la faveur de certains artifices ingénieux, qui trompoient la loi, en la fuivant à la lettre. M. d'Argenson remédia à cet abus par deux déclarations qui préviennent, fi cependant on ofe l'affurer, fur-tout en cette matiere, tous les ftratagêmes de l'intérêt.

Le bien des affaires générales, qui changent fi fouvent de face, parut demander qu'il remît les fceaux, & il les remit, au commencement de juin 1720. Il confervoit pleinement l'eftime & l'affection du prince dont il les avoit reçus, & il gagnoit de la tranquillité pour les derniers tems de fa vie. Il n'eut pas befoin de toutes les reffources de fon courage, pour foutenir ce repos; mais il employa, pour en bien user, toutes celles de la religion. Il mourut le 8 de mai 1721.

Il avoit une gaieté naturelle, & une vivacité d'efprit heureufe & féconde en traits, qui feules auroient fait une réputation à un homme oifif. Elles rendoient témoignage qu'il ne gémiffoit pas fous le poids énorme qu'il portoit. Quand il n'étoit queftion que de plaifir, on eût dit qu'il n'avoit étudié toute fa vie que l'art fi difficile, quoique frivole, des agrémens & du badinage. Il ne connoiffoit point, à l'égard du travail, la distinction des jours & des nuits; les affaires avoient feules le droit de difpofer de fon tems, & il n'en donnoit à tout le refte que ce qu'elles lui laiffoient de momens vides, au hafard & irréguliérement. Il dictoit à trois ou quatre fecrétaires à la fois, & fouvent chaque lettre eût mérité, par sa matiere, d'être faite à part, & fembloit l'avoir été. Il a quelquefois accommodé, à fes propres dépens, des procès, même confidérables; & un trait rare en fait de finances, c'eft d'avoir refufé, à un renouvellement de bail, cent mille écus, qui lui étoient dûs par un ufage établi ; il les fit porter au trésor royal, pour être

employés au paiement des penfions les plus pressées des officiers de guerre. Quoique les occafions de faire fa cour foient toutes, fans nulle diftinction, infiniment cheres à ceux qui approchent les rois, il en a rejeté un grand nombre, parce qu'il fe fût exposé au péril de nuire plus que les fautes ne méritoient. Il a fouvent épargné des événemens défagréables à qui n'en favoit rien, & jamais le récit du fervice n'alloit mendier de la reconnoiffance. Autant que par sa sévérité, ou plutôt par fon apparence de févérité, il favoit fe rendre redoutable au peuple dont il faut être craint; autant par fes manieres & par fes bons offices, il favoit fe faire aimer de ceux que la crainte ne mene pas. Les perfonnes dont j'entends parler ici, font en fi grand nombre & fi importantes, que j'affoiblirois fon éloge, en y faisant entrer la reconnoiffance que je lui dois, & que je conserverai toujours pour fa mémoire.

Il avoit épousé dame Marguerite le Fevre dè Caumartin, dont il a laiffé deux

fils; l'un, confeiller-d'Etat & intendant de Maubeuge; l'autre, fon fucceffeur dans la charge de la police ; & une fille mariée à M. de Colande, maréchal de camp, & commandeur de l'ordre de Saint Louis.

ÉLOGE

DE MONSIEUR

COUPLE T.

139

CLAUDE-ANTOINE COUPLET naquit à Paris le 20 avril 1642, d'Antoine Couplet, bourgeois de Paris. Son pere le destina au barreau, fans confulter, & apparemment fans connoître fes talens & fon goût, qui le portoient aux mathématiques, & principalement aux méchaniques. Elles lui cauferent beaucoup de diftractions dans fes études; cependant il fut reçu avocat : mais il quitta bientôt cette profeffion forcée, & fe donna entiérement à celle que la nature lui avoit choifie.

Il chercha de l'inftruction & du fecours dans le commerce de M. Buhot, cofmographe, & ingénieur du roi, qui, après avoir reconnu fes difpofitions, fe fit un plaifir de les cultiver: il voulut même ferrer par une alliance la liaifon que la fcience

« AnteriorContinuar »