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30 Éloge de M. l'Abbé de Louvois.

& de plus fenfé dans un teftament, fe trouve dans le fien, des legs aux pauvres, à fes abbayes, à fes domeftiques, à ceux de fes amis, dont la fortune étoit trop médiocre; tous créanciers à qui les loix ne donnent point d'action, & qui ne le font qu'autant que les débiteurs ont des fentimens de vertu.

ÉLOGE

DE MONSIEUR

DE MONTMORT.

31

PIERRE REMOND DE MONTMORT naquit à Paris le 27 octobre 1678, de François Remond, écuyer fieur de Breviande, & de Marguerite Rallu. Il étoit le fecond de trois freres.

Après le college, on le fit étudier en droit, parce qu'on le deftinoit à une charge de magiftrature, pour laquelle il avoit beaucoup d'averfion. Son pere étoit fort févere & fort abfolu; & lui, fort ennemi de la contrainte, d'un efprit affez haut, ardent pour tout ce qu'il vouloit, courageux pour prendre les moyens d'y réuffir. Las du droit & de la maison paternelle, il se sauva en Angleterre, dès que la paix de Rifwick eut rendu l'Europe libre aux François; il paffa dans les Pays-Bas, & de-là en Allemagne, chez M. de Chamoys fon parent, pléni

potentiaire de France, à la diete de Ratisbonne.

Ce fut là que la Recherche de la Vérité lui tomba entre les mains. On ne lit guere ce livre-là indifféremment, quand on eft d'un caractere qui donne prise à la philofophie; il faut prefque nécessairement, ou fe rendre au fyftême, ou fe croire affez fort pour le combattre. M. de Montmort s'y rendit abfolument, & en éprouva les deux bons effets inféparables; il devint philofophe & véritable

chrétien.

Il revint en France en 1699, & deux mois après fon retour, fon pere mourut. & le laiffa, à l'âge de 22 ans, maître d'un bien affez confidérable, & de luimême; mais la Recherche de la Vérité, & les autres ouvrages de la même main, les confeils de l'auteur qui l'avoient engagé dans l'étude des mathématiques, prévinrent les périls d'un état fi agréable. Il n'avoit pas des goûts foibles, ni des demi-volontés; il fe plongea entiérement dans les exercices d'une piété fincere, dans la philofophie, & dans les mathé

matiques; il vivoit dans un défert, puisqu'il ne voyoit plus que fes pareils, furtout le pere Malebranche, fon maître, fon guide, & fon intime ami.

En 1700 il fit un fecond voyage à Londres, & il étoit beaucoup plus digne de le faire. Il n'avoit été en Angleterre, la premiere fois, que pour fortir de France; & alors il y alla pour voir un pays fi fertile en favans; il ofa dès ce tems-là rendre vifite à M. Newton.

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C'étoit de M. Carré & de M. Guifnée, qu'il avoit appris les premiers élémens de géométrie & d'algebre & rien de plus. Il n'avoit fallu que lui ouvrir la route ; une grande pénétration d'efprit naturelle, & la premiere ardeur d'une jeunesse fort vive, appliquées toutes deux enfemble, & fans interruption à un feul objet, devoient faire, & firent effectivement un chemin prodigieux. M. de Montmort fe ménagea encore un fecours trèsutile; il s'affocia M. Nicole, jeune homme qui avoit déja quelque teinture de géométrie, & qui promettoit beaucoup ; ils s'inftruifoient l'un l'autre, s'éclairoient,

s'animoient, fe communiquoient du goût & de la paffion. Dans ce cas là, le compagnon d'un travail le rend plus tendu, & cependant plus agréable: ils pafferent trois ans dans l'ivreffe du plaifir des mathématiques; ils pénétrerent jusque dans le calcul intégral, qui les piquoit d'autant plus, qu'il étoit plus épineux, & moins connu; mais toute cette facilité fut troublée, quoiqu'elle ne parût pas devoir être fort expofée à la jalousie de la fortune.

On avoit revêtu d'un canonicat de Notre-Dame de Paris, le frere cadet de M. de Montmort, fans trop confulter fon inclination; il voulut renoncer à l'état eccléfiaftique, & fe donner pour fucceffeur, ou M. de Montmort, s'il le vouloit être, ou un autre à qui les fuffrages des gens de bien n'étoient pas fi favorables. Ils agirent auprès de M. de Montmort, pour le réfoudre à prendre le canonicat lui qui vivoit déja comme le meilleur eccléfiaftique du monde. Il n'avoit à leur oppofer que l'affujettiffement pénible & perpétuel de la vie de chanoine, très

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