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ginaux ont un fentiment naturel de leurs forces, qui les rend entreprenans, même fans qu'ils s'en apperçoivent: il ofa inventer les galiotes à bombes. Auffi-tôt éclata le foulevement général dû à toutes les nouveautés,.principalement à celles qui ont un auteur connu, que le fuccès éleveroit trop au-deffus de fes pareils. Cependant, après que dans les confeils il eut été traité, en face, de vifionnaire & d'infenfé, les galiotes pafferent; & dès-là, la meilleure fortification d'Alger fut emportée. On chargea l'inventeur de faire conftruire ces nouveaux bâtimens, deux à Dunkerque, & trois au Havre. Il s'embarqua fur ceux du Havre, pour aller prendre ceux de Dunkerque ; & comme on doutoit encore qu'ils puffent naviguer avec sûreté, celui qu'il montoit, les deux autres étant déja arrivés à Dunkerque, fut battu prefque à l'entrée de la rade, d'un coup de vent des plus furieux, & le plus propre que l'on pût fouhaiter pour une épreuve incontestable. L'ouragan renverfa un baftion de Dunkerque, rompit les digues de Hollande,

fubmergea quatre-vingt-dix vaisseaux fur toute la côte ; & la galiote de M. Renau, cent fois abîmée, échappa, contre toute apparence, fur les bancs de Fleffingue, d'où elle alla à Dunkerque.

Il fe rendit devant Alger avec fes cinq bâtimens de nouvelle fabrique, déja bien fûr de leur bonté; il ne s'agiffoit plus que de leurs opérations, & c'étoit le dernier retranchement des incrédules ou des jaloux. Ils eurent fujet d'être bien contens d'une premiere épreuve. Un accident fut cause qu'une carcaffe que M. Renau vouloit tirer, mit le feu à la galiote toute chargée de bombes ; & l'équipage qui voyoit déja brûler les cordages & les voiles, fe jeta à la mer. Les autres galiotes & les chaloupes armées, voyant ce bâtiment abandonné, crurent qu'il alloit fauter dans le moment, & ne perdirent point de tems pour s'en éloigner. Cependant M. de Remondis, major, voulut voir s'il n'y avoit plus perfonne, & fi tout étoit abfolument hors d'espérance. Il força, l'épée à la main, l'équipage de fa chaloupe à nager; il vint à la galiote, fauta dedans, & vit fur le

pont M. Renau travaillant lui troifieme à couvrir de cuir vert plus de 80 bombes chargées ; rencontre finguliere de deux hommes d'une rare valeur, également étonnés, l'un qu'on lui porte du fecours ; l'autre, qu'on fe foit tenu en état de le recevoir, & peut-être même de s'en paffer. M. de Remondis alla dans le moment aux chaloupes, & les fit revenir. On jeta dans la galiote deux cents hommes, & quoiqu'en même tems trois cents pieces d'artillerie de la ville, fous le feu defquelles elle étoit, tiraffent deffus, & fort jufte, on vint à bout de la fauver.

Le lendemain M. Renau, plus animé par ce mauvais fuccès, obtint de M. du Quefne, qui commandoit, que l'on fît une feconde épreuve. On remit les galiotes près de terre, on bombarda toute la nuit, un grand nombre de perfonnes furent écrafées dans les maifons, la confusion fut horrible aux portes de la ville, d'où tout le monde vouloit fortir à la fois pour se dérober à un genre de mort imprévu, & les Algériens envoyerent demander la paix.. Mais les vents & la mauvaise saison vinrent

à leur fecours, & l'armée navale ramena en France les galiotes à bombes, victorieufes, non pas tant des Algériens, que de leurs ennemis François. Le roi en fit faire un plus grand nombre, & forma pour elles .un nouveau corps d'officiers d'artillerie & de bombardiers, dont les rangs, avec le refte de la marine, furent réglés.

Une feconde expédition d'Alger termina cette guerre, & les galiotes à bombes, qui foudroyerent Alger, en eurent le principal honneur. M. Renau avoit encore inventé de nouveaux mortiers, qui chaffoient les bombes plus loin, & jufqu'à 1700 toifes. Mais nous fupprimons déformais des détails qui feroient trop longs; il y a du fuperflu dans fa gloire.

Il fe crut dégagé de la marine, après la mort de M. l'ainital à qui il étoit attaché; il demanda au roi & obtint la permiffion d'aller joindre M. de Vauban en Flandres. Le roi le deftina à fervir, en 1684, au fiége de Luxembourg; mais l'expédition de Gennes ayant été réfolue, M. de Seignelai, qui la devoit commander, jugea que M. Renau lui étoit né, Tome III,

G

ceffaire, & le redemanda au roi. Après le bombardement de Gennes, il fut envoyé à M. le Maréchal de Bellefonds, qui commandoit en Catalogne, & qui lui donna la conduite du fiége de Cada quiers, , que M. Renau lui livra au bout de quatre jours.

De-là il retourna trouver M. de Vauban, qui fortifioit les frontieres de Flandres & d'Allemagne. La vue continuelle des ouvrages de ce fublime ingénieur, & de la maniere dont il les conduifoit, auroit feule fuffifamment inftruit un disciple auffi intelligent que M. Renau; mais, de plus, le maître, paffionnément amoureux du bien public, ne demandoit qu'à faire des éleves qui l'égalaffent; & ce qui forma encore entre eux une liaison plus étroite, ce fut la conformité de mœurs & de vertus, plus puiffante que celle de génie.

En 1688, ils furent envoyés l'un & l'autre à Philisbourg, dont M. de Vauban devoit faire le fiége, fous les ordres de monseigneur; & parce que le roi écrivit à monseigneur de ne permettre pas que M. de Vauban s'expofât, ni qu'il mît

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