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& déclare quiconque ne travaille point, déchu du droit de manger.

Auffi toutes les Conftitutions & toutes les Regles concernant es Communautés & les Monafteres depuis la nailfance de l'Ordre Monaftique jufqu'à préfent, tant en Orient qu'en Occident, fe réuniffent toutes à recommander le travail des mains : tous les Saints qui ont expliqué ces Regles, ou qui nous ont laiffé des enfeignemens pour la vie Religieufe, infiftent fortement fur l'obligation qu'ont les Religieux & fur-tout les Religieufes, de faire emploi du tems en quelque ouvrage manuel. S. Clement Pape, S. Bafile, S. Ifidore, S. Jerôme, S. Auguftin, S. Ephrem, Caffien, Ruffin, S. Benoît, S. Bernard & beaucoup d'autres fe trouvent cités au long par M. l'Abbé de la Trappe dans fon Traité des Devoirs Monaftiques. On peut le confulter Tom. 2 Ch. 19 Il y cotte auffi les Regles & les Conftitutions des différens Ordres.

En effet, l'efprit de la Profeffion Religieufe rend la loi du travail fingulierement recommandable aux perfonnes qui vivent dans le Cloître. D'un côté l'état de pauvreté volontaire dont ils ont fait vou, les conduit naturellement à fe regarder comme réduits à la condition des pauvres qui vivent de leur travail. Ce qui eft encore plus vrai, fi la pauvreté réelle de la Maifon ou la modicité de fes revenus vient à l'appui. Car il faut en ce cas de deux chofes l'une pour fuppléer à l'indigence de la Maison, ou faire quelque gain journalier par le travail des mains

ou

attendre &

folliciter les aumônes des fidéles. Or je demande lequel de ces deux partis eft le plus du goût des perfonnes vraiment religieufes. On ne verra jamais dans le monde les bons pauvres prendre le parti de mendier, lorfqu'ils peuvent s'aider à gagner leur vie; & dans un Etat bien police on ne fouffre point de mendians, qui font capables d'exercer quelque profeffion. Seroitil édifiant de voir des perfonnes qui font dans l'état des parfaits, fe fouftraire à cette regle, fe rendre à charge au public en vivant aux dépens d'autrui, détourner fur elles par une efpece de larcin, des aumônes qui doivent être réfervées pour de vrais indigens, & ravir à ceux-ci les affiftances très néceffaires qui leur manquent, parce qu'elles prennent leur cours d'un autre côté ?

Si quelques-unes des perfonnes à qui je parle, étoient bleffées du parallele que je fais d'elles avec les pauvres, je veux bien avoir égard à leur délicateffe, & les envisager fous un point de vue qui ne les peinera point. Elles ne difconviendront pas qu'en qualité de Religieufes elles doivent tendre à la perfection, c'est-à-dire, à la plus grande exemption du mal, & à la plus exacte pratique du bien qu'il eft poffible. Le travail des mains est d'un grand fecours pour l'une & pour l'autre. De combien de défauts ne préserve-t-il pas ? Combien de vertus facilite-t-il? A combien de bonnes œuvres donne-t-il lieu ?

L'oifiveté qu'on fçait être un grand vice & la fource de beaucoup d'autres fuivant Ecriture-Sainte, demande pour remede

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& pour préfervatif une vie occupée, des
travaux reglés, des ouvrages journaliers
affidus. C'eft l'avis que donne le S. Efprit
fous l'image d'un efclave de mauvaise vo-
lonté, qu'il ne faut laiffer jamais dans
linaction & dans la fainéantise, & qu'on
doit tenir toujours occupé & travaillant :
Mitte illum in operationem, ne vacet. Cet Eccli.
esclave eft notre corps où fiégent toutes les v. 28.
paffions, & dont les révoltes contre l'efprit
ne peuvent être fubjuguées qu'en évitant
foigneufement l'oifiveté.

Le travail des mains met à couvert de
la vie d'amufement & d'inutilité, qui eft
un grand défaut dans un Chrétien. Car ce
n'eft point affez de n'avoir point à fe re-
procher l'oifiveté, il faut que
le tems foit
employé utilement. Vivre fans rien faire,
ou s'occuper de bagatelles, c'eft à peu près
la même chofe, c'eft également perdre fon
tems. Quand je parle donc ici de travail
des mains, j'entends un travail dont l'ob-
jet foit quelque chofè d'utile, le travail du
jardin pour l'entretien de la Commu-
nauté, celui de la cuifine pour le service
des Freres ou des Sœurs, la couture pour
fournir aux befoins de la Maifon, & ainfi
des autres ouvrages qui font pour les dif-
férentes efpeces de néceffité. Si la Com-
munauté eft riche, & qu'elle puifle se paf-
fer du travail des Religieufes, le monde
eft plein de pauvres qui manquent de
& qui attendent de la charité
des Cloîtres toute l'affiftance qu'on peut
leur procurer par le travail des mains.
Ce ne feroit donc pas entrer dans l'esprit
de la loi qui le prefcrit, que d'occuper le

tout

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Suite,

tems qui lui eft destiné, à ces ouvrages de
pur amusement, que
le monde même re-
garde comme des puérilités de Nones,
& dont il prend occafion de railler le petit
efprit des Couvents. Il faut dire la même
chole de ces ouvrages de fenfualité où les
Religieufes fe font quelquefois honneur
d'exceller, de ces friandifes de cent fortes
qu'elles répandent dans le monde, & qui
ne fe reffentent gueres du férieux qui de-
vroit faire leur caractere. Pures inutilités,
vraies bagatelles, qui ne font pas affuré-
ment un emploi légitime du tems, ni un
travail digne de la Profession.

IV.

Un autre danger dont le travail des mains met à couvert, c'est le commerce du monde. Il ne faut que fçavoir quel eft l'efprit de la vie Monaftique, pour comprendre combien la fréquentation des gens du fiécle lui eft oppolée. Les vues & les intérêts font fi différens de part & d'autre, qu'il n'y a qu'à perdre beaucoup du côté des Religieufes, en revoyant le monde. L'amour des travaux & des ouvrages du Cloître mettra entre elles & le monde, une barriere beaucoup plus fûre, que la grille & les murailles de la Maison. Lorfqu'elles feront occupées tout le jour dans l'intérieur, elles ne feront plus fi fortement tentées de chercher l'amulement de la grille, & elles auront un prétexte plat fible pour abréger la longueur des vifites du dehors, & pour en diminuer le nombre. Les péchés de la langue font encore un

de ces vices que les perfonnes Religieufes
doivent éviter avec grand foin, & dont
elles trouveront un falutaire préservatif
dans la vie occupée dont je parle. Si d'un
côté leur vocation eft de tendre à la per-
fection, il n'eft pas moins vrai de l'autre,
fuivant l'Apôtre S. Jacques, qu'on n'en
approche, qu'à proportion qu'on est maî-
tre de la langue: Si quis non offendit in
verbo, hic perfectus eft vir. Mais c'eft auffi
à quoi les perfonnes défœuvrées dans les
Monafteres ne réuffiront jamais. Lorfque
le corps n'eft point occupé, l'efprit & l'ima-
gination travaillent. Cette foule de pensées
qui les agitent, ne peut pas le contenir
& fait effort pour le produire au dehors.
On veut s'amufer dans l'inaction où on
est, & l'amusement de la conversation est
le premier qui fe préfente & qu'on a tou-
jours à portée de foi. Au lieu que dans une
Maifon bien difciplinée, où chacun est à
l'ouvrage, & où le filence eft prefcrit pen-
dant le travail, foit en tout, foit en partie,
on n'eft plus expofé ni à la multiplicité des
paroles, ni aux fuites funeftes qu'elle en-
traîne après foi, & que j'aurai lieu d'indi-
quer plus bas.

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C'en eft affez pour faire voir de quelle utilité eft le travail des mains dans les

Monasteres,
, pour écarter les vices les plus
oppofés à l'efprit de la Religion. Il n'eft
pas moins utile & c'eft fon fecond avan-
tage, pour donner lieu à l'exercice des
vertus les plus importantes par rapport à
l'avancement fpirituel des ames. La vie
férieufe en fera le premier fruit. Eloignées
de l'oifiveté & de l'inaction, à couvert de

Jac. 3. 22

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