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la vie d'inutilité & d'amufement, les Religieufes s'accoutumeront par l'affiduité du travail à fe paffer de mille fortes de diftractions leur efprit s'habituera à une préfence de Dieu continuelle: les pensées sérieufes prendront chez elles la place des penfées vaines, qui font le partage des gens défœuvrés, les ris exceffifs, les entretiens folâtres, le badinage indécent ne feront plus du goût de ces Vierges occupées : & comme l'ame prend fouvent le pli du corps & de l'efprit, elle deviendra plus intérieure, & plus capable de recollection, à mesure que le corps fera plus occupé & l'efprit moins diftrait.

La vertu de pénitence fera de même le fruit naturel du travail, qui en est le premier exercice. L'homme condamné à manger fon pain à la fueur de fon vifage, & exécutant avec humilité l'ordre rigoureur prononcé coutre lui, rend hommage à la juftice divine, il l'adore, il en reconnoît T'équité, il l'aime il conçoit de plus en plus l'horreur que mérite le péché qui eft ainfi puni, & il s'eftime heureux d'avoir un moyen toujours préfent d'expier tous les péchés perfonnels qu'il a eu le malheur d'accumuler par deffus le premier qui fut la caufe de tout le mal. Dans cette difpofition il devient amateur de toute mortification, ennemi des délicatefles: il s'accoutume à traiter rudement fon corps en toure rencontre, parce qu'il s'eft fait l'habitude de fe regarder comme pécheur, redevable en mille manieres à la Juftice divine.

Joignons à la vertu de pénitence, celle

de la patience, qui ne s'apprend jamais mieux que par une vie de travail, par la perfévérance dans des ouvrages journaliers, uniformes, quelquefois pénibles, où l'amour propre fouvent n'eft point fatisfait, & où l'on ne fe foutient, que par une volonté ferme & généreufe de faire ce qui eft commandé, & de le faire fans fe laffer.

Le dernier avantage du travail des mains, c'est de donner lieu à la pratique de plufieurs bonnes œuvres, Il fait exercer la charité envers le prochain. Les Sœurs s'aident mutuellement de leur induftrie pour tous les befoins du corps: s'il y en a quelques-unes qui veillent au fpirituel de la Maifon, les autres leur rendent fervice dans le temporel: celles qui font plus fortes de corps, fuppléent à ce que les infirmes & les foibles ne peuvent pas faire pour la décharge de la Maison : celles à qui Dieu a donné quelque talent pour certains ouvrages, l'emploient pour l'utilité de celles qui manquent d'une certaine industrie : les Sœurs du Cheur en employant, au travail le tems qui leur refte après les Offices, fe trouvent en état de foulager les Sœurs Converles, & de leur épargner quelque portion des ouvrages plus ou moins rudes dont elles font fouvent furchargées. On voit combien d'œuvres de charité font renfermées dans la vie laborieufe des Religieufes. L'aumône en fera encore une fuite. Quand toute la Communauté fera fidéle & affidue au travail, il pourra fe faire qu'il y aura du tems de refte après les befoins de la Maifon four

nis. Alors les Religieufes fe feront un devoir & un honneur de s'employer pour le fervice des membres de Jefus - Chrift qui fouffrent; elles travailleront pour vêtir les pauvres, afin de ne pas perdre la récompenfe promife dans l'Evangile à cette œu vre de miféricorde: Venez, dira JesusChrift, les bénits de mon Pere, parce que j'ai été nû & vous m'avez revêtu.

Je me fuis étendu plus que je ne perfois fur l'article du travail manuel : c'est apparemment l'importance de la matiere, qui m'a fourni plus que je n'efperois. Je finirai par une derniere réflexion que denande l'équité. Quelque étroite que j'aie annoncé cette obligation, elle fouffre pourtant des exceptions. S. Auguftin lui-même qu'on fçait avoir été un zélé prédicateur du travail des mains pour les Moines, & qui a compofé un fort beau Traité fur cette matiere, ne s'éloigne pas d'accorder quelque indulgence à des perfonnes exemple, qui auroient été élevées dans le fiécle avec plus de délicateffe, & qui ne pourroient pas porter de rudes travaux. Mais pour ces personnes-là même, il fouhaite qu'au travail des mains on fubftitue quelque occupation en vertu de laquelle on puiffe dire qu'elles ne mangent pas De opere gratuitement & les bras croifés le pain de Monacher. c. la Communauté : Ut nec panem; qui communis factus eft, gratis manducent.

25.

lence.

V.

,

par

Sur le Si La pratique du filence dans les Monafteres, eft, de même que celle du travail des mains, recommandée fortement dans

toutes les différentes Regles Monaftiques. Je ne m'arrêterai point à le prouver. La chofe eft notoire, & perfonne ne la contefte. J'obferverai feulement, que celles de ces Regles qui ont voulu s'approcher le plus près de la perfection, telle que celle de Citeaux dans les tems paffés, & celle de la Trappe dans le dernier fiécle, font un tel cas du filence, qu'elles l'ordonnent perpétuel, abfolu, fans interruption. Et c'est pour écarter toute occafion & tout prétexte de le rompre, qu'il y a dans les Ulages de Citeaux, ce qu'ils appellent un -Onomafticon, c'est-à-dire, un Dictionnaire de fignes différens pour demander fes befoins fans le fecours de la parole. Mais fi toutes les Constitutions Religieufes n'exigent pas ce filence rigoureux, & pour ainfi dire, éternel, elles ne refpirent néanmoins "qu'amour du filence, & en recommandent la pratique la plus fréquente qu'il est poffible.

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En effet, les péchés de la langue font fans nombre. La langue, dit l'Apôtre faint J. 3. 62 Jacques, eft un monde d'iniquité. Les perfonnes de piété doivent craindre ces péchés, autant que les autres : c'est à elles que parle cet Apôtre, lorfqu'il dit que fi quelqu'un croit avoir de la religion qu'il ne fçache pas regler fa langue, fa religion eft vaine, & fa piété faufle: Hujus Jac. 1. 26. vana eft religio. On doit le dire à plus forte raifon de celles d'entre les perfonnes pienfes, que leur vocation appel'e plus particulierement à la perfection. Or le plus für moyen de regler fa langue pour en éviter les écarts innombrables, c'eft de s'en in

terdire l'ufage le plus qu'il eft poffible: C'est un principe que nous avons établi dès le commencement de cet Ecrit, qu'il eft encore plus facile de fe priver entierement de l'ufage des chofes , que den ufer de telle forte qu'on ne péthe point dans l'ufage. C'est là le but des confells Evangéliques, lorfqu'ils nous propofent le renoncement à plufieurs objets innocens d'euxmêmes, par exemple, à la poffeffion des richeffes. Jefus-Chrift en nous présentant des confeils, a voulu nous mettre à couvert de tous les dangers qui font inféparables de la jouiffance des chofes de ce monde. Tel eft auffi le vrai efprit de la Loi qui prefcrit le filence dans la vie Monaftique. Comme il n'eft gueres poffible de parler beaucoup & de ne point faire de fautes en parlant, la voie abregée, fi l'on veut prendre le chemin de la Perfection, eft de fermer la bouche. En s'interdi fant Tufage de la langue pour des difcours même innocens, on en devient maître pour ne lui permettre jamais aucun difcours digne de reproche, lorfque le befoin. veut que 'on parle.

Qu'il eft beau de voir une Communauté, où le filence eft en recommandation, & qui eft à l'abri de toutes les émotions, de tous les troubles, de toutes les diffenfions, de tous les fcandales que caufent les péchés de la langue. La médilance n'y diftile pas fon fiel: les jugemens téméraires & l'efprit de critique n'y foufflent point le feu de la divifion : les envies & les jaloufies tombent d'elles-mêmes, ne pouvant point s'exhaler & fe produire au

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