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dehors par les paroles; les petites cabales, les intrigues ne trouvent point de porte ouverte, dès que le filence fupprime les fréquentes communications & les liaisons particulieres les petites vengeances n'y ont pas cours la plus courte & la plus prompte des vengeances, qui eft celle de la langue, étant retranchée: la subordinatian & l'obéiffance n'y font point troublées, parce que le refpect pour les Supérieurs n'y eft point altéré par des converfations indifcretes fur leurs défauts réels ou prétendus.

VI.

Ce n'eft pas feulement au bon ordre pu- Suite blic & à la police chrétienne de la Maison, que l'obfervation fcrupuleufe du filence eft profitable. Chaque perfonne en particulier y trouve un moyen fingulier de perfection pour la vie intérieure. Car le filence a toujours été regardé comme la purification du cœur. C'eft la langue, dit S. Jacques qui fouille tout le corps des actions de l'homme, étant elle même comme enflammée par le feu des paffions: Que maculat. Jac. 34 totum corpus, inflammata à gehenna. Ce fera donc le vrai moyen d'affoiblir & de détruire les paffions, & de purifier l'homme intérieur, que de réprimer fa langue.

La bouche, dit le Sauveur, parle de l'abondance du cœur. Les paffions qui réfident au-dedans, cherchent à fe produire audehors: & la langue eft le premier inftrument dont elles fe fervent. L'efprit de vengeance, par exemple, produit des difcours

Matth. 120

34.

vindicatifs. Or telle eft la nature du cœur de l'homme, & la liaison intime qu'il y a entre la bouche & le cœur, que comme la bouche prononce ce que dicte le cœur, le cœur à fon tour s'anime par les paroles que la bouche profere, & il fe fait comme un reflux dans l'ame des fentimens qu'expriment les paroles prononcées par la langue. C'eft l'ame qui a commandé à la langue d'exprimer fes fentimens, & fes fentimens articulés & exprimés par la parole, en deviennent plus forts & plus vifs audedans. S. Auguftin fait cette remarque au fujet de la priere vocale, pour en montrer l'utilité. « Je ne fçais, dit-il, comment » il arrive, que ces prieres de la bouche » qui fuppofent un efprit de religion, un efprit de piété dans celui qui les pro» nonce, reportent dans fon ame après » qu'elles font prononcées une impreffion plus forte de piété, un accroiffement de ferveur. »

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Sur ce principe, il eft facile de juger combien les difcours qu'auront formé les paffions de l'ame, peuvent nuire à fon avancement intérieur, en donnant une nouvelle force à fes paffions. Un cœur vain, aime à fe vanter dans fes difcours; & plus on fe fera accoutumé à ces paroles de vanterie, plus le cœur croîtra en vanité. Un cœur qui a quelque fecrete malignité, parle volontiers des défauts de fon prochain & plus il fe donnera de licence pour le critiquer dans la conversation, plus la malignité, l'habitude des jugemens téméraires fe fortifiera en lui. Une ame diffipée cherche à converfer fans fin, à

parler de toutes chofes; elle en rempor tera une plus grande diffipation & ung paffion plus ardente pour la curiofité & pour l'amufement. Il eft donc vrai, par la raifon des contraires, que les paffions plus ou moins vives qui fe trouvent en nous (car qui eft-ce qui n'en a pas?) s'affoibliront peu à peu, lorfqu'elles n'auront pas la reffource de la langue pour fe produire. On fera moins facile à juger & à cenfurer la conduite d'autrui en foi-même lorfqu'on n'aura pas occafion de produire ces jugemens par la parole, & qu'ils fe formeront, pour ainfi dire, en pure perte audedans. On fera moins fufceptible des penfées de complaisance & de vanité; lorfque la pratique d'un filence journalier & févere retranchera l'occafion de parler à fon avantage. Et ainfi du reste.

,

Mais en même tems que le filence fert à purifier le cœur de fes paffions, il le rend d'ailleurs beaucoup plus propre aux chofes de Dieu. Nouvelle facilité pour la perfection de l'homme intérieur. Le filence rend l'homme plus propre à la priere parce qu'il le tient plus dégagé des chofes extérieures qui diftraient l'efprit & appéfantiffent l'ame. Le filence rend l'homme plus propre à la méditation, parce qu'il le tient plus recueilli, moins hors de chez lui, moins vuide de pieufes affections & de penfées faintes, qu'il retrouve par conféquent fans peine, lorfqu'il veut méditer. Le filence rend l'homme plus propre à l'éxercice de la préfence de Dieu parce qu'au défaut de la converfation avec les hommes l'ame s'accoutume à converfer avec Dieu.

Loi de la

Cloture.

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Dernieres obfervances de la vie Religieufe: La Clôture & la Stabilité.

I.

UOIQUE cet article ne préfente pas d'abord une matiere apparente de spiritualité, il n'eft pas cependant indifférent pour la perfection. Souvenons - nous toujours que l'observation des devoirs litteraux de la Profeffion Religieuse, est la bafe de la perfection, & qu'en vain y aspi reroit-on, fi on ne commençoit par la pratique exacte des différentes obligations extérieures.

La Loi de la clôture des Religieufes renferme deux points. Le premier eft la défense faite aux Religieufes de fortir, pour quelque raifon que ce foit, hors du Monaftere, fi ce n'est dans des cas privilégiés & qui font très-rares, comme je le dirai en fon lieu. Le fecond eft l'interdiction faite aux perfonnes du dehors d'entrer dans l'enceinte du Monaftere, & aux Religieufes d'y admettre qui que ce foit, excepté les perfonnes dont le miniftere y est indispenfablement nécessaire.

Le Pape Boniface VIII. dans fa Bulle Periculofo, parle ainfi, « Nous ordonnons par ces préfentes, qui feront ftables & immuables pour toujours, que toutes les Religieufes tant en général qu'en parti

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>> meurent

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culier, préfentes & à venir, de quelque » Religion ou Ordre qu'elles foient, quelque endroit du monde qu'elles degarderont dorénavant une perpétuelle clôture dans leurs Monaste>> res, enforte que dès le moment qu'elles > auront fait leur Profeffion, elles ne puiffous fent avoir permiffion d'en fortir, » quelque prétexte, ni pour quelque raifon » que ce foit...... Nous mandons & com> mandons très étroitement en vertu de fainte obéiflance, fous proteftation du jugement de Dieu, & avec menaces de » la malédiction éternelle, à tous Patriarches, Primats, Archevêques, Evêques, » à tous Abbés & autres Prélats Eccléfiaftiques, exemts & non exemts, de quel» que Ordre qu'ils puiffent être, de pour» voir à la clôture convenable des Monafteres des Religieufes, où elle n'est pas gardée......& de renfermer les Reli»gieufes, le plutôt qu'ils pourront. »

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Cette Décretale de Boniface VIII. a été confirmée & renouvellée par Benoît XIII. par Pie V. dans deux Bulles, Circà Paftcralis, & Decori, par Gregoire XV. dans fa Bulle Infcrutabili. Elle eft d'ailleurs acceptée & autorisée par un grand nombre de Conciles: le Concile de Friffinghen en 1440, de Rouen en 1522,, de Bourges en 1528, le Synode de Hildesheim en 1539, &c. mais fur-tout par le Concile de Trente Seff. 25. Chap. 5. Il ne fe contente pas même d'adopter & de renouveller la Décretale Periculofo de Boniface VIII. Il enchérit en un point, en ce qu'il menace d'excommunication les Magiftrats féculiers

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