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d'excommunication de fe retirer à la Trappe, & à l'Abbé de les y recevoir.

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Ces Brefs furprirent extrémement tous ceux qui avoient du zela pour le rétabliffement de l'ancienne difcipline des Monafteres, Ils ne pouvoient s'imaginer qu'un Pape auffi bien intentionné qu'Innocent XI. eût pû se refoudre à fermer la porte de la penitence, à un fi grand nombre de Religieux qui ne cherchoient à la Trappe que la pratique exacte de leur Regle & des confeils évangeliques qu'ils ne trouvoient plus dans les Monafteres que le zele de leur falut les obligeoit de quitter. Ils comprenoient encore moins que pour les obliger à y demeurer,on employât la plus terrible de toutes les peines eccleTiaftiques; qu'on y foûmît un homme comme l'Abbé de la Trappe, dont toute l'Eglife admiroit la vertu &qui ne s'étoit commis avec les Superieurs des autres Ordres Religieux, que par un excès de charité & de zele pour le falut du prochain.

On concluoit delà, qu'il falloit que le Pape eût été furpris, qu'on l'eûr mal informé de l'état des Monafteres que ces Religieux fe croyaient obligez d'abandonner, & que l'Abbé de la Trappe

ne pouvoit fe difpenfer de luy décou vrir bien des chofes que fa moderation l'avoit obligé de raire, & que fa cha rité pour l'Etat monaftique ne luy per mettoit plus de cacher. Il s'en trouva même qui porterént les chofes plus loin, & qui entreprirent de luy perfuader qu'il devoit faire caffer ces Brefs dont il s'agiffoit par le Parlement, & que cela feroit d'autant plus aisé à obtenir, qu'ils étoient visiblement contraires aux anciens Canons, à la difcipline monaftique, aux priviléges de l'Eglife de Fran ce, & qu'on n'avoit pû les accorder que fur de faux exposez touchant l'état prefent des Monafteres.

L'Abbé de la Trappe avoit trop de respect pour le faint Siege & pour Innocent XI. qui le rempliffoit fi digne ment, pour se pouvoir refoudre à avoir recours à de pareils expediens; il pric un chemin tout oppofé, il s'adreffa directement au Pape, & voici quelle en fut l'occafion. Il fçavoit qu'entr'autres calomnies qu'on publioit contre luy on l'aceufoit de fingularité, d'avoir trop outré les chofes, d'avoir paffé les bornes établies par fes Peres, & d'avoir accablé fes Freres d'un joug trop pesant que la foibleffe humaine ne pouvoit pas

fupporter. Il crut que pour fermer la bouche à fes ennemis, il ne pouvoit mieux faire que de leur oppofer l'autorité du faint Siege en obtenant de luy l'approbation de tout ce qu'il avoit éta bli à la Trappe; il s'en prefentoit une occafion qui ne pouvoit être plus naturelle, il avoit befoin de recourir à cette même autorité, pour én obtenir qu'à l'avenir fa Communauté pût élite fes Prieurs Clauftraux. Il s'y adreffa donc, & en même-temps il rendit compte au Pape de tout ce qu'il s'étoit crû obligé de faire à la Trappe pour y rétablir la penitence primitive, & la pratique des anciens ufages de Cîteaux. Le Pape luy accorda ce qu'il luy demandoit touchant le Prieur Clauftral, approuva toutes les pratiques qu'il avoit établies à la Trappe, & luy donna fa benediction, & à Tous fes Freres, avec toutes les marques d'estime dont il pouvoir honorer une vertu auffi éminente que la fienne,

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Après qu'il eut obtenu cet avantage, il crut qu'il pouvoir demander la difpenfe des Brefs dont on vient de parler; il en écrivit à Sa Sainteté & à tous fes camis. On luy répondit qu'il y avoit trop peu de temps que les Brefs étoient donnez pour y déroger fi promptement

mais on l'affura de la part du Pape, qu'à l'avenir Sa Sainteté le rendroit facile à accorder toutes les permiffions particu lieres qu'il jugeroit à propos de luy de mander; il s'en tint à cette réponfe, & depuis Sa Sainteté luy fut toujours favo rable, & ne luy refufa aucune des difpenfes dont il eut befoin dans plufieurs occafions dont on pourra parler dans la fuite de cette Hiftoire.

CHAPITRE XII. L'Abbé de la Trappe achevé d'établir la Reforme dans fon Monaftere: Ily fait revivre l'ancienne penitence des Moines de Cîteaux,

A liaison des fujets dont on a eu à

Lparler, a obligé d'anticiper le recit

de bien des chofes qui font arrivées depuis celles qu'on va raconter. Ileft temps maintenant de dire de quelle maniere l'Abbé de la Trappe établit dans fon Monaftere cette Reforme fi édifiante qui a mis tant de Saints dans le Ciel, & qui a fait depuis tant d'honneur à l'Eglife.

L'Abbé de la Trappe ayant reçu tous

les fecours dont on a parlé, & n'ayant plus dans fon Monaftere que des Religieux fervens qui ne refpiroient que la penitence &la pratique exacte de la Regle de faint. Benoist & des anciens ulages de Citeaux, il crut qu'il ne devoit pas differer davantage à executer le grand deffein de Reforme dont on a parlé

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Il commença par infpirer à fes Freres un grand mépris du monde & de tout ce qui y fait l'objet des paffions & de la cupidité des hommes. Il y réüffit fi bien que, quoi qu'il n'eût pas coutume de Hater fes Religieux, il ne fait pas diffi

Devoirs

de la vie

culté de leur dire: Vous êtes à l'égard monaitis du monde comme s'il n'étoir plus, il eft effacé de vôtre. memoire.comme Ch. 7. » vous l'êtes dans la fienne. Vous igno

que.

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rez tout ce qui s'y paffe, fes évene» mens & fes revolutions les plus im»portantes ne viennent point jufques à vous. Vous n'y penfez jamais que lorf » que vous gemiffez devant Dieu de fes miferes, & les noms mêmes de ceux qui le gouvernent vous feroient inconnus, fi vous ne les appreniez par les prieres que vous adreffez à Dieu » pour la confervation de leurs person»nes. Enfin, vous avez renoncé en le

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