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VI.

Moines.

ment il fut obligé de reprimer l'infolence des Freres, qui vouloient regler même le fpirituel; & l'Ordre ne s'eft jamais bien remis de cette divifion. Ce font apparemment de tels exemples qui ont obligé tous les religieux en general à tenir les Freres convers fort bas & fort foumis : ce qui eft difficile, fans s'élever au-deffus d'eux: l'uniformité de la regle de faint Benoît étoit plus fûre.

Les Moines aiant abandonné le travail des

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Etudes des mains crurent que l'étude étoit une occupation plus digne d'eux; & l'ignorance des feculiers, même des clercs, les y engageoit par une efpece de neceffité. Or ils ne fe bornerent pas à l'étude qui leur étoit la plus convenable, l'Ecriture fainte & les Peres; en un mot la theologie: en quoi ils auroient imité faint Jerome, & quelques autres anciens Moines mais depuis le huitiéme & le neuviéme fiecle ils embrafferent toutes fortes d'études, comme on voit entre autres par Alcuin. Ils joignirent à la theologie l'étude des canons qui fait partie de la science ecclefiaftique, mais plus convenable aux Evêques & aux Prêtres destinez à gouverner les peuples. Les Moines ne laifferent pas de s'y appliquer fortement, comme on voit par le fameux Gratien auteur du Decret ; & cette étude attira celle du droit civil > principalement depuis la decouverte du Digefte, & des autres livres de Juftinien.

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Les Moines donnerent encore dans une autre étude plus éloignée de leur profeffion, favoir la medecine. Rigord moine de faint Denis étoit phyficien, c'eft-à-dire, medecin du roi Louis le Gros dont il a écrit l'Hiftoire ; & faint Bernard parle d'un moine de fon Ordre, qui s'étoit rendu fameux dans cet art. Je veux croire que les moines avoient commencé à s'y

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appliquer par charité pour les malades : mais comme il falloit fortir pour les vifiter, c'étoit toûjours une fource de diffipation. On peut dire le même de la jurifprudence, qui attiroit au moins des confultations.

C'eft

Mais s'ils avoient commencé ces études par charité, ils les continuerent par interêt : foit pour conferver les biens de la communauté ou leur propre fanté, foit pour gagner de l'argent comme auroient fait des feculiers. C'eft ce que nous apprend le concile de Reims, tenu par le Pape Innocent II. en 1131. qui défend aux Can. 6. moines & aux chanoines reguliers d'étudier les Hifi. liv. loix civiles ou la medecine; & ajoûte: LXVIII. . l'avarice qui les engage à fe faire avocats, & à plaider des caufes juftes ou injuftes fans diftintion. C'eft l'avarice qui les engage à méprifer le foin des ames, pour entreprendre la guerifon des corps: & arrêter leurs yeux fur des objets dont la pudeur défend même de parler. Ces défenfes furent réïterées au concile de Latran, tenu par le même Pape en 1139. & encore au concile de Tours tenu par Alexandre III. en 1163. on ne défend qu'aux religieux les profeffions de medecin & d'avocat & non aux clercs feculiers: parce que les laïques en étoient incapables n'étant point let

trez.

Can.
Hift. liv.
54. 6. 8.
Hift. liv.
LXX. n. 63.

› LXVIII.n.

Au commencement du fiecle fuivant, on permettoit encore aux Religieux d'exercer la fonction d'avocat pour les reguliers, comme on voit au concile de Paris, tenu par le legat Robert de Corçon en 1212. & ce même con- Hift. liv. cile marque un grand relâchement dans les LXXVIII.6. communautez religieufes de l'un & de l'autre fexe. On en voit encore plus au grand concile de Latran tenu trois ans après; qui pour y remedier ordonne la tenue des chapitres gene

54.

cations

extra 9. ex

tra de relig.

dom.

raux tous les trois ans. Mais ce remede à eu peu d'effet, & depuis ce tems les moines & les chanoines reguliers ont continué de fe relâcher de plus en plus, jufques aux dernieres reformes. D'ailleurs les chapitres generaux ont leurs inconveniens, & la diffipation infeparable des voïages, eft plus grande & plus ils font grands plus eft la dépenfe, qui oblige à faire des impofitions fur les monafteres, fources de plaintes & de murmures. Et quel eft le fruit de ces chapitres ? De nouveaux reglemens & des députations de vifiteurs pour les faire executer : c'eft-à-dire, multiplication de voïages & de dépenfes; & le tout fans grande utilité, comme a fait voir l'experience de quatre fiecles. Auffi faint Benoît n'a-t-il rien ordonné de femblable, quoiqu'il ait eu en même tems la conduite de plufeurs monafteres: chacun étoit gouverné par fon abbé & chaque abbé avoit pour infpecteur fon Evêque, qui étant fur le lieu étoit plus propre que tout autre à lui faire obferver la regle.

VII. Le même concile de Latran en 1215. défenMultipli- dit d'inventer de nouvelles religions, c'est-àd'Ordres dire, de nouveaux ordres ou congregations: religieux. de peur, dit le canon, que leur trop grande Can. 13: diverfité n'apporte de la confufion dans l'Eglise. Ne nimia Mais quiconque voudra entrer en religion embraffera une de celles qui font approuvées. Cette défense étoit très-fage & conforme à l'efprit de la plus pure antiquité. Saint Bafile dans fes regles demande s'il eft à propos voir en un même lieu deux communautez reReg. fuf. n. ligieufes; & il répond que non. Il ne s'agiffoit 36, pas de deux Ordres differens, mais feulement de deux maifons du même inftitut; & faint Bafile rend deux raifons de fa réponse negative; la premiere qu'il eft difficile de trouver un

d'a

bon

bon fuperieur, & encore plus d'en trouver deux : la feconde que la multiplication des monafteres eft une fource de divifion. D'abord ce ne fera qu'une émulation loüable à qui pratiquera mieux la regle enfuite l'émulation fe tournera en jaloufie, en mépris, en averfion: on cherchera à fe décrier & fe nuire l'un à l'autre telle eft la corruption de la nature. Les païens mêmes ont mis pour fondement de la politique que la repu- Plat,Repub. blique fût une autant qu'il feroit poffible, & lib.5.p.418. qu'on éloignât d'entre les citoïens toute femence Gr. de divifion. Combien doit-on plus travailler à en preferver l'Eglife de JESUS-CHRIST fondée fur l'union des coeurs & la charité parfaite : c'eft un feul corps dont il eft le chef, & dont les membres doivent avoir une entiere corref pondance, & compatir en tout les uns aux au

tres.

Or les divers Ordres religieux font autant de corps, & comme autant de petites Eglifes dans l'Eglife univerfelle. Il eft moralement impoffible qu'un Ordre eftime autant un autre inftitut que le fien; & que l'amour propre ne pouffe pas chaque Religieux à preferer l'inftitut qu'il a choifi, à fouhaiter à fa communauté plus de richeffes & de reputation qu'à toute autre ; & fe dédommager ainfi de ce que la nature fouffre à ne poffe der rien en propre. Je laiffe à chaque Religieux à s'examiner de bonne foi fur ce fujet. S'il n'y avoit qu'une fimple émulation de vertu, verroiton des procés fur la preféance & les honneurs & des difputes fi vives, pour favoir de quel Ordre étoit un tel faint, ou l'auteur d'un tel livre de pieté?

Le concile de Latran avoit donc très-fagegement défendu d'inftituer de nouvelles religions mais fon decret a été fi mal obfervé, Hift. liv. qu'il s'en eft beaucoup plus établi depuis que dans LXXXV. ».

:

tous 48.

Mendians.

Matt. X. 9.

>

ni

tous les fiecles precedens. On s'en plaignit dès le concile de Lion tenu foixante ans après : on y réïtera la défenfe & on fupprima quelques nouveaux Ordres : mais la multiplication n'a pas laiffé de continuer & d'augmenter toûjours depuis. VIII. Si les inventeurs des nouveaux Ordres n'éReligieux toient pas des faints canonifez pour la plûpart on pourroit les foupçonner de s'être laiffez féduire à l'amour propre & d'avoir voulu fe diftinguer & rafiner au-deffus des autres. Mais fans préjudice de leur fainteté, on peut se défier de leurs lumieres, & craindre qu'ils n'aïent pas fçû tout ce qu'il eût été à propos qu'ils fçûffent. Saint François croïoit que fa regle n'étoit que l'évangile tout pur, s'attachant particulierement à ces paroles: Ne poffedez ni or, ni argent, fac pour voïager, ni chauffure, & le refte; & comme le Pape Innocent III. faifoit difficulté d'approuver cet inftitut fi nouveau, le cardinal de faint Paul, Evêque de Sabine, lui dit: Si vous rejettez la demande de ce pauvre homme, prenez garde que vous ne rejettiez l'évangile. Hift. liv. Mais ce bon cardinal, ni le Saint lui même n'aLXXVI. n. voient pas affez confideré la fuite du texte. JESUS-CHRIST envoïant prêcher fes douze Apôtres, leur dit d'abord : Gueriffez les malades, reffufcitez les morts, purifiez les lépreux chaffez les démons : donnez gratis ce que vous avez reçû gratis. Puis il ajoûte: ne poffedez ni or, ni argent & le refte. Il eft clair qu'il ne veut que les éloigner de l'avarice & du defir de mettre à profit le don des miracles, à quoi Judas n'auroit pas manqué; & que n'auroit-on point donné pour la refurrection d'un mort? Le Sauveur ajoûte: L'ouvrier gagne bien fa nourriture. Comme s'il difoit: Ne craignez pas que rien vous manque, ni que ceux à qui vous ren

5.40

drez.

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