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drez la fanté, ou la vie vous laiffent mourir de faim. Voilà le vrai fens de ce paffage de l'évangile.

Mais il ne s'enfuivoit pas que l'on fût obligé à nourrir de bonnes gens, qui fans faire de miracles, ni donner des marques de miffion extraordinaire alloient par le monde prêcher la penitence d'autant plus que les peuples pouvoient dire: Nous fommes affez chargez de la fubfiftance de nos pasteurs ordinaires à qui nous païons les dîmes & les autres redevances. Il faut donc attribuer aux vertus perfonnelles de faint François & de fes premiers difciples la benediction que Dieu donna à leurs travaux : ce fut la recompenfe de leur zele ardent pour le falut des ames, de leur défintereffement parfait, de leur profonde humilité, de leur patience invincible. Ils vinrent à propos dans un fiecle très-corrompu pour ramener l'idée de la charité & de la fimplicité chrétienne; & pour fuppléer au défaut des pafteurs ordinaires, la plupart ignorans & negligens, & plufieurs corrompus & fcandaleux.

:

Il eût été ce femble plus utile à l'Eglife que les Evêques & les Papes fe fuffent appliquez ferieufement à reformer le clergé feculier, & le rétablir fur le pied des quatre premiers fiecles fans appeller au fecours ces troupes étrangeres enforte qu'il n'y eût que deux genres de perfonnes çonfacrées à Dieu, des clercs deftinez à l'inftruction & la conduite des fidéles & parfaitement foumis aux Evêques ; & des moines entierement feparez du monde, & appliquez uniquement à prier & travailler en filence. Au treiziéme fiecle l'idée de cette perfection étoit oubliée, & l'on étoit touché des défordres que l'on avoit devant les yeux : l'avarice du clergé, fon luxe, fa vie molle & voluptueufe

tueufe, qui avoit auffi gagné les monafteres

rentez.

On crut doac qu'il falloit chercher le remede dans l'extrêmité oppofée, & renoncer à la poffeffion des biens temporels, non-feulement en particulier fuivant la regle de S. Benoît, si severe fur 4.33. ce point; mais en commun enforte que le

monaftere n'eût aucun revenu fixe. C'étoit l'état des moines d'Egypte, car quel revenu auroientils pû tirer des fables arides qu'ils habitoient ? Or ceux à qui le revenu manque n'ont que deux moïens de fubfifter, le travail ou la mandicité. Il étoit impoffible aux moines de mandier dans des deferts où ils vivoient feuls : il falloit donc neceffairement travailler, & c'étoit le parti qu'ils avoient pris.

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Mais les freres Mineurs & les autres nouveaux religieux du treiziéme fiecle choifirent la mandicité. Ils n'étoient pas moines, mais deftinez à converfer dans le monde, pour travailler à la converfion des pecheurs ainfi ils ne manquoient pas de perfonnes de qui ils puffent efperer des aumônes; & d'ailleurs leur vie errante & la neceffité de preparer ce qu'ils devoient dire au peuple, ne leur paroiffoient pas compatibles avec le travail des mains. Enfin la mandicité leur fembloit plus humiliante comme étant le dernier état de la focieté humaine, au-deffous des ouvriers, des gagne-deniers & des porte-fais. D'autant plus que jufques-là elle avoit été méprifée & rejettée par les plus faints religieux. Le venerable Guigues dans les conftitutions des Chartreux traite d'odieufe la neceffité de quêter; & le concile 70 de Paris en 1212, veut que l'on donne aux reliHft. liv. gieux qui voïagent de quoi fubfifter, pour ne les pas réduire à mandier à la honte de leur Ordre,

LXVII. 1.

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n 6.

Il eft vrai que faint François avoit ordonné le .. 11. Hift. travail à fes difciples, ne leur permettant de liv.LXXVII. mandier que comme la derniere refource. Je bouf. p. veux travailler, dit-il, dans fon teftament, & Hift. iv. je veux fermement que tous les autres freres LXXIX. . s'appliquent à quelque travail honnête; & que 26. ceux qui ne favent pas travailler l'apprennent : que fi on ne nous païe pas, aïons recours à la table de N. S. demandant l'aumône de porte en porte. Il conclut fon teftament par une défenfe expreffe de demander au Pape aucun privilege : ni de donner aucune explication à fa regle. Mais l'efprit de chicane & de difpute qui regnoit alors, ne permettoit pas cette fimplicité.

Il n'y avoit pas quatre ans que le faint homme n. 63. étoit mort, quand les freres Mineurs affèmblez au chapitre de 1230. obtinrent du Pape Gregoire IX. une bulle qui declare qu'ils ne font point obligez à l'obfervation de fon teftament, & qui explique la regle en plufieurs articles. Ainfi le travail des mains fi recommandé dans l'Ecriture, & fi eftimé par les anciens moines, est devenu odieux; & la mandicité odieufe auparavant, eft devenue honorable.

J'avoue que le merite perfonel des freres mandians y a bien contribué. Aïant pris pour objet de leur inftitut la converfion des pecheurs, & en general l'inftruction des fidéles ils regarderent l'étude comme un devoir capital; & y réüffirent mieux que la plûpart des étu dians de leur tems: parce qu'ils agiffoient par des intentions plus pures, ne cherchant que la gloire de Dieu & le falut du prochain: au lieu que les autres clercs ou moines étudioient fouvent pour parvenir aux benefices & aux dignitez ecclefiaftiques. C'eft ainfi que les freres Précheurs & les freres Mineurs, dès l'enfance de

leurs

leurs Ordres, fe rendirent fi confiderables dans les Univerfitez naiffantes de Paris & de Boulogne où l'on regarda comme des lumieres de leur fiecle, Albert le Grand, Alexandre de Alès, & enfuite faint Thomas & faint Bonaventure. 5. Dife.n.8. Je n'examine point ici quelles étoient ces études dans le fonds, je l'ai fait ailleurs, il fuffit que ces faints religieux y réüffiffoient mieux que les

autres.

Leurs vertus en même-tems les faifoient aimer & refpecter de tout le monde : la modestie; l'amour de la pauvreté & de l'abjection, le zele de la propagation de la foi, qui les faifoit aller chez les infidéles chercher le martyre. De là vient qu'ils furent fi-tôt cheris & favorifez par les Papes, qui leur donnerent tant de privileges, par les princes & les rois jufques-là que faint Louis difoit, Hift. liv. que s'il pouvoit le partager en deux, il donneLXXXVI.7. roit aux freres Prêcheurs la moitié de fa perfonG. de Bello ne, & l'autre aux freres Mineurs. Dès les commencemens on fit plufieurs Evêques de l'un & 12. de l'autre de ces Ordres, & on en vit bien-tôt de Cardinaux,

6.

Loco.

Les freres Prêcheurs au commencement n'étoient pas tant un nouvel ordre qu'une nouvelle congregation de chanoines reguliers, Auffi Jaques de Vitri, auteur du tems, les appelle HA. iv. chanoines de Boulogne. Saint Dominique avant que de quitter l'Espagne, & penfer à la fonHift. ecr. c. dation de fon Ordre, étoit chanoine regulier dans la cathedrale d'Ofma; & la premiere ap

LXXVIII.

n. 54.

27.

Hift. liv. probation de fon inftitut, le qualifie prieur

LXXVI. n.

28,Lxxvii, de faint Romain à Toulouse

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& confirme à cette Eglife la poffeffion de tous fes biens. Ce ne fut qu'au premier chapitre general tenu en embrafferent 7.34 1220. que lui & fes confreres la pauvreté entiere, renonçant aux fonds de terre & aux revenus affurez

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à l'exem

ple

ple des Freres Mineurs : ce qui les réduifit à être mandians comme eux. Mais ils pratiquerent la pauvreté plus fimplement & plus noblement; & je ne voi point chez eux de ces difputes frivoles fur la proprieté & le fimple ufage de fait, qui diviferent fi cruellement les Freres Mineurs, & produifirent enfin l'herefie des fraticelles.

Ce feroit ici le lieu de traiter à fonds la ma- IX. Pauvreté

:

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163.

tiere de la pauvreté évangelique, & nous ne évangelipourrions en cette recherche fuivre de meilleur que. guide que faint Clement Alexandrin inftruit Combf auit: par les difciples des apôtres. Il a fait un traité bibl. PP. p. fur cette queftion: Quel eft le riche qui fera fauvé où il raisonne ainfi. La richeffe eft de foi indifferente comme la force & la beauté du corps, ce font des inftrumens dont on peut ufer bien ou mal, & des efpeces de biens. Les biens temporels dont l'abondance fait la richeffe, font la matiere neceffaire de plufieurs bonnes œuvres commandées par JESUS-CHRIST, s'il ordonnoit à tous les fidéles de les quitter, il fe contrediroit; & en effet il ne l'ordonna pas à Zachée, il trouva bon qu'il en gardât la moitié. Au contraire l'extrême pauvreté eft un mal en foi, plûtôt qu'un bien : c'eft un obftacle à la vertu & une fource de plufieurs tentations violentes, d'injufti- Laxıx 8, ce, de corruption, d'impudence, de lâcheté, de découragement, de defefpoir; c'eft pourquoi l'Ecriture dit: Ne me donnés, ni les richeffes, ni la pauvreté.

Il ne faut donc pas prendre groffierement le precepte de vendre tous fes biens, non plus que celui de haïr fon Pere, Comment JESUS-CHRIST pourroit-il nous ordonner de le hair pofitive ment, lui qui nous commande d'aimer même nos ennemis? Il veut feulement nous faire entendre par cette expreffion fi forte que nous ne devons pas préferer à Dieu les perfonnes qui Tome XX. **

nous

Prov.

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