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mandians

nous font les plus cheres, mais les abandonner s'il eft befoin, pour nous attacher à lui. Ainsi en nous ordonnant de renoncer aux richeffes, il nous oblige feulement à combattre les paffions qu'elles excitent naturellement, l'orgueil, le mépris des pauvres, l'amour des plaifirs fen

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& les fuels le defir de s'enrichir à l'infini, autres femblables. Un riche ufant bien de fes richeffes & toûjours prêt à les perdre, comme eft un veritable pauvre Job fans murmurer, d'efprit. Telles font les maximes de ce grand docteur du fecond fiecle de l'Eglife, bien au deffus des fophifmes de la fcolaftique moder

ne.

Laiffons les raifonnemens, & nous en tenons Relâche- à l'experience. Trente ans après la mort de ment des faint François on remarquoit déja un relâReligieux chement confiderable dans les Ordres manHift. Li dians. Je ne rapporterai pas les plaintes de MatLXXXII. n thieu Paris, ni de Pierre des Vignes au nom du clergé feculier c'étoit les parties intereffées. Hift. liv. Je me contenterai du témoignage de faint Bo43. naventure, qui ne peut être fufpect. C'eft dans Opufc. to. 2. la lettre qu'il écrivit en 1257. étant general

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LXXXIV.7.

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de l'Ordre, à tous les provinciaux & les cuftodes. Il fe plaint de la multitude des affaires pour lesquelles ils demandoient de l'argent : de l'oifiveté de quelques Freres, de leur vie va gabonde, l'importunité à demander, les grands bâtimens, l'avidité des fepultures & des teftamens; chacun de ces articles merite quelques reflexions.

Les Freres mandians fous prétexte de cha rité se mêloient de toutes fortes d'affaires pu bliques & particulieres. Ils entroient dans le fecret des familles & fe chargeoient de l'execution des teftamens. Ils acceptoient des députations pour negocier la paix entre les villes

&

con

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& les princes: les Papes fur tout leur donnoient volontiers des commiffions, comme à des gens fans confequence, qui leur étoient entierement dévoués & qui voïageoient à peu de frais. Ils les Hift. liwa emploioient quelquefois à des levées des deniers. L'affaire qui les détournoit le plus, étoit l'Inquifition. Car quoi qu'elle ait pour but la confervation de la foi, l'exercice en eft femblable à celui des juftices criminelles ; informations, captures de criminels, prifons, tortures, damnations confifcations, peines infamantes ou pecuniaires, & fouvent corporelles par le miniftere du bras feculier. Il devoit paroître étrange au moins dans les commencemens, de voir des religieux, faifant profeffion de l'humilité la plus profonde, & de la pauvreté la plus exacte, tout d'un coup transformé en magiftrats; aiant des appariteurs & des familiers armez, c'eft-à-dire, des gardes, & des trefors à leur difpofition, fe rendant terribles à tout le monde.

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Le mépris du travail des mains a attiré l'oifiveté chez les Mandians comme chez les autres religieux. Il n'eft pas aifé de connoître fi le tems deftiné à l'oraison mentale ou à l'étude eft fidélement emploïé on peut à genoux & en pofture du plus grand recueillement penfer à tout ce que l'on veut, Un religieux enfermé dans fa cellule ,peut fous pré

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texte d'étude, faire des lectures, je ne dirai pas mauvaises, mais inutiles & de fimple curiofité. Enfin il peut baailler & s'endormir. Il n'en eft pas de même du travail, il eft fenfible, & T'ouvrage qui refte en fait foi. De plus les ef prits propres à l'étude ne font pas communs. La plupart des hommes s'exercent peu à raisonner, & à penfer de fuite, & font peu curieux, i ce n'eft de nouvelles & de petits faits parti

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culiers,

culiers, matiere des jugemens temeraires; & des médifances. Les anciens favoient étudier & mieux que les modernes, leurs écrits en font foi, & toutefois faint Bafile & faint Gregoire de Nazianze dans leur retraite ne dédaignoient Hi. liv. pas les travaux les plus bas. On peut tirer vaXIV. n. 2. nité d'avoir fait un bon livre: mais on n'en tira jamais d'avoir fait des nates ou des corbeilles ; on peut toute la journée s'appliquer à ces ouvrages, il ne faut ni belle humeur, ni tête repofée.

Le troifiéme défaut que faint Bonaventure re proche à fes Freres, eft la vie vagabonde de plufieurs, qui pour donner, dit-il, du foulagement à leurs corps, font à charge à leurs hoftes & fcandalifent au lieu d'édifier. C'eft l'inconvenient des voïages trop frequens, qui donnent occafion d'exceder dans la nourriture & le fommeil, fous prétexte de fe remettre de la fatigue ; & dérangent l'uniformité de la vie reguliere. Le quatriéme défaut eft l'importunité à demander, qui fait craindre, dit faint Bonaventure, la rencontre de nos Freres, comme celle des voleurs. En effet cette importunité eft une espece de violence à laquelle peu de gens favent refifter, fur tout à l'égard de ceux dont l'habit & la profeffion ont attiré du refpect; & d'ailleurs c'eft une fuite naturelle de la mandicité. Car enfin il faut vivre : d'abord la faim & les autres befoins preffans font vaincre la pudeur d'une éducation honnête; & aïant une fois franchi cette barriere, on fe fait un merite & un honneur d'avoir plus d'industrie qu'un autre à attirer des aumônes.

La grandeur & la curiofité des bâtimens, continue le faint docteur, trouble nôtre paix, incommode nos amis & nous expofe aux mauvais jugemens des hommes, Les bâtimens trou

blent

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blent la paix des religieux par les foins & les mouvemens que les fuperieurs & ceux qui agiffent fous leurs ordres font obligez de fe donner pour examiner les deffeins, les plans, & veiller à l'execution: mais fur tout pour fournir à la dépense n'aïant aucun fonds affuré; & c'eft ce qui incommode les amis. Mais tant que l'ouvrage dure la paix de toute la communauté eft troublée par l'embarras des materiaux & des ouvriers. Quant aux mauvais jugemens des hommes au fujet de ces bâtimens, Pierre des Vignes les exprime affez en difant Ces 1.Epi. 37. Freres qui dans la naiffance de leur religion. Hift. liv. fembloient fouler aux pieds la gloire du monde reprenent le fafte qu'ils ont méprifé n'aïant rien ils poffedent tout, & font plus riches que les riches mêmes. Enfin faint Bonaventure reproche à fes Freres l'avidité des fepultures & des teftamens, qui attire, dit-il, l'indignation du clergé, & particulierement des curez; auffi de quoi fe plaignoit Matthieu Paris, difant: Ils font foigneux d'affifter à la mort des P. 541. grands & des riches, au préjudice des pasteurs ordinaires, ils font avides de gain & extorquent des teftamens fecrets; ils ne recommandent que leur Ordre, & le préferent à tous les

autres.

c'eft

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Schifme

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Mais après faint Bonaventure le relâchement fit de grands progrès chez les Freres Mineurs, entre les par le malheureux fchifme qui divifa tout l'Or- Freres Mi dre entre les Freres fpirituels & ceux de l'ob- neurs. fervance commune. Le bon Pape faint Celestin Ht. liv. dont le zele étoit plus grand que la prudence, 3. autorifa cette divifion, en établiffant la congre- n. 31. n. gation des pauvres Ermites, fous la conduite du Frere Liberat. Ce qui pouffa la divifion au dernier excès, fut la fameufe difpute fur la proprieté des chofes qui fe confument par l'ufage,

2.

comme le pain & le refte de la nourriture. Hift. liv. Saint Bonaventure lui-même foûtint que les LXXXVI.". Freres Mineurs renonçoient à cette proprieté, "Hift. liv. & qu'elle paffoit au Pape & à l'Eglife RomaiLXXXVII. ne ce qui fut accepté par le Pape Nicolas III. Mais Jean XX. rejetta cette proprieté imaginaiHift. liv. re; & declara que le fimple ufage de fait, auXCIII.7.14 quel les prétendus fpirituels vouloient fe reduire, feroit un ufage injufte, étant dépouillé de tout droit.

8.33.

Il déclara que l'obéiffance eft la principale verHf. liv. tu des religieux, & préferable à la pauvreté; car XcI1.n. 34 ces Freres indociles foûtenoient qu'on ne doit

point obéir aux fuperieurs quand ce qu'ils commandent est contraire à la perfection. C'étoit l'effet des difputes fcholaftiques aufquelles ces Freres s'exerçoient continuellement on y traitoit tous les jours de nouvelles queftions, & on y emploïoit toutes les fubtilitez & les chicanes Cap. Exy. poffibles. On demandoit par exemple, fi la rede verb fign. gle oblige fous peine de peché mortel, ou feuleClem. Exivi, ment de peché veniel. Si elle oblige aux con

in 6.

sed.

Hift. liv.

feils de l'Evangile, comme aux préceptes. Si ce qu'elle preferit en forme d'admonition, d'exhortation ou d'inftruction oblige autant que ce qu'el le exprime en termes imperatifs. On s'accoutuma par là à rafiner fur le décalogue, & fur l'Evangile,

Les effets de ces difputes frivoles ne furent 2012.53 que trop ferieux le Pape Jean XXII. aïant

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ofé condamner ces Freres indociles, ils le déclarerent heretique de leur propre autorité ; & appellerent de ces conftitutions au futur concile. Enfin la révolte alla fi loin › que ces Hift. liv. Freres Mineurs, foûtenus par l'Empereur Louis xc111.8.46. de Baviere, firent dépofer Jean XXII. & mettre à fa place l'antipape Pierre de Corbiere un d'entr'eux, qui pour foûtenir fa dignité, fut

47.

re

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